Le gouvernement fait une fleur aux intermittents du spectacle
Par Denis Demonpion
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Les festivals d'été devraient se dérouler sans encombre. Le régime d'assurance-chômage va être "sanctuarisé". Le déficit demeure, mais désormais l'Etat paiera. Sans dire comment ni où il trouvera l'argent.
L'été sera beau pour les intermittents du spectacle. A la faveur du projet de loi relatif au dialogue social et à l'emploi, le gouvernement a décidé de "sanctuariser" le régime d'assurance chômage des artistes, ouvriers et techniciens dont l'activité se singularise par la "discontinuité". Et, par la même, le déficit chronique et abyssal qui l'accompagne. Autrement dit, le gouvernement s'engage à ne pas toucher à l'essentiel pour ramener ce régime déficitaire à l'équilibre.
Le dossier était empoisonné et entretenait un climat "anxiogène", selon la ministre de la Culture, Fleur Pellerin. A quelques semaines des festivals d'été, il était donc hors de question de s'attirer les foudres des artistes et associés. Comme ce fut le cas en 2003, avec l'annulation du Festival de théâtre d'Avignon.
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La ministre en avait assez des "crises à répétition", ainsi qu'elle l'a déclaré sans ambages après le Conseil des ministres. Ayant entendu le "malaise qui s'exprimait", chaque fois qu'il était question de rogner les indemnités de chômage des professionnels du spectacle qui, en proportion, perçoivent beaucoup plus qu'ils ne cotisent, d'après la Cour des comptes, elle a choisi de pérenniser le régime existant.
Statu quo
"Face aux difficultés rencontrées de façon récurrente lors des négociations de la convention d'assurance chômage, la loi met en place un cadre stabilisé et sécurisé pour les intermittents du spectacle", indique le ministère du Travail de François Rebsamen, qui a porté le texte de loi, en collaboration avec la Culture pour ce qui touche aux intermittents.
Désormais, et c'est là une nouveauté, les "partenaires sociaux représentatifs du secteur du spectacle" seront associés aux négociations sur la convention d'assurance chômage. Qu'ils aient dorénavant voie au chapitre devraient permettre de ramener un peu de sérénité.
Un "comité d'expertise", "garant de l'évaluation des paramètres financiers", selon Fleur Pellerin, sera par ailleurs créé pour "objectiver" les chiffrages et "le respect de la trajectoire financière définie par les partenaires sociaux au niveau interprofessionnel".
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Ce jargon technocratique ne laisse aucunement présager que le montant des allocations sera modifié dans un sens ou dans un autre pour rétablir les comptes.
Qui paiera ?
Dès lors, une question centrale demeure : qui paiera ? Au ministère du Travail, on indique que les intermittents seront dorénavant directement pris en charge par l'Etat et non plus par l'Unédic, l'organisme chargé de gérer l'assurance chômage, auquel sont affilés 16,4 millions de salariés. Il n'a pas été non plus précisé quelle caisse ou quel budget serait mis à contribution pour combler le déficit.
Dans un rapport cinglant remontant à février 2012, la Cour des comptes avait dénoncé "la persistance d'une dérive massive de ce régime" qui bénéficie à un peu plus de 100.000 personnes. Les allocations versées s'élèvent en moyenne chaque année à 1,3 milliard d'euros alors que les cotisations des intermittents plafonnent à quelque 220 millions. C'est donc bien une fleur que le gouvernement fait aux intermittents.
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Denis Demonpion