Enquête

Faouzi Lamdaoui, l’ami gênant du Président

Poursuivi par la justice, celui qui fut longtemps proche de François Hollande serait à l’origine de malversations dans la gestion d’une société et de fraude fiscale.
par Renaud Lecadre
publié le 20 avril 2015 à 20h16

La date du procès vient d'être fixée : Faouzi Lamdaoui, homme à tout faire de François Hollande (au PS puis à l'Elysée), sera jugé en octobre pour abus de biens sociaux. La fraude fiscale reste pendante à ce stade - «L'administration devrait pouvoir tirer les conséquences de ses revenus non déclarés», concluait benoîtement un rapport de synthèse de la police judiciaire en novembre. «Sauf à démontrer un montage complexe, la fraude fiscale est prescrite», assure cependant son avocat, Ardavan Amir-Aslani. En cause, une société que ce Franco-Algérien avait animée entre 2006 et 2008, avant de se mettre au service exclusif de son grand homme. Officiellement, Alpha Distributions se contentait de la modeste tâche de coursier pour laboratoires photo. En pratique, son objet social paraissait surtout dédié à contourner le fisc et l'Urssaf. Un fâcheux compagnonnage présidentiel.

«Risible». En 2007, par exemple, Lamdaoui ne déclarait que 75 000 euros de revenus aux impôts, quand sa boîte lui en avait reversé 173 000. Idem en 2008 : 80 000 euros de revenus déclarés pour 135 000 virés par Alpha Distributions. Pour compléter le tableau, sa citation en correctionnelle par le parquet de Paris évoque le versement de 152 000 euros à son frère Rafik, «sans aucune justification comptable, juridique ou même factuelle». Précédemment, les frères Lamdaoui avaient monté une boîte ensemble (ABS). Face aux enquêteurs, Faouzi Lamdaoui s'est présenté comme simple «apporteur d'affaires» d'Alpha Distributions, et surtout pas comme gérant officiel : «Pas dans ma vocation, pas le temps en raison de mes activités politiques», a-t-il plaidé devant les policiers. Quant à ses revenus non déclarés, il les met sur le compte de «frais et avances justifiées». Un capitaine de police s'étant penché sur la comptabilité ironise : «Cette société, tant dans sa création que dans les différents actes de gestion, est pour le moins suspecte. La chronologie des actes est farfelue, voire risible.» En décembre 2010, un chaouch, gérant officiel d'Alpha Distributions, était condamné à trois mois de prison avec sursis, le jugement insistant sur un «pourcentage de fraude à la TVA de 52%», culminant à 100% pour la fraude fiscale - «Le résultat déficitaire déclaré était totalement faux.» Lamdaoui ne sera pas inquiété à ce stade. De l'utilité d'un gérant de paille…

Dès 2009, une femme propulsée à son insu au poste de gérante, Naïma Belaïd, avait porté plainte pour faux, accusant Faouzi Lamdaoui d'avoir imité sa signature. Son mari, Mohamed Belaïd, portait plainte à son tour : chauffeur de Faouzi Lamdaoui et, accessoirement, de François Hollande, il les accusait de travail dissimulé (lire ci-contre).

Arrière-cuisine. Printemps 2012, peu après l'élection présidentielle, le parquet de Paris s'ébroue. Dans le cadre d'une enquête intitulée «affaire contre Faouzi Lamdaoui et François Hollande», le procureur préconise l'audition du premier «dans les plus brefs délais». C'est le volet travail dissimulé, dans lequel Lamdaoui est rapidement entendu en novembre 2012 avant classement sans suite. Cet incendie-là est promptement éteint.

Mais l'autre volet, celui de la femme de paille, peine à émerger : il est plus problématique, car risquant de dévoiler l'arrière-cuisine de Lamdaoui. Le parquet, tout à sa manœuvre, ordonne aux policiers de «poursuivre les investigations à l'exception d'une quelconque prise de contact avec M. Lamdaoui». Consigne scrupuleusement respectée pendant deux ans. «L'instruction se rapproche sereinement de son terme», écrit régulièrement le parquet à l'avocat de Naïma Belaïd. La moutarde monte au nez de Me Francis Terquem : «D'habitude, la justice va plus vite avec les voleurs de poules !» Les policiers enquêteurs se plaignent ég alement de «l'attitude dilatoire» de Lamdaoui, au motif qu'il serait «occupé toute la journée avec le président de la République», quand bien même son bureau de conseiller à la diversité est situé dans une annexe de l'Elysée.

En novembre, Me Terquem se décide à porter plainte avec constitution de partie civile, afin de contourner la curieuse inertie du parquet. Lequel ordonne subitement le renvoi de Faouzi Lamdaoui devant le tribunal correctionnel, le contraignant à quitter enfin sa forteresse de l'Elysée.

«Ce n'est quand même pas le Watergate, tempère Me Amir-Aslani. N'étant gestionnaire ni en droit ni en fait, il en sortira blanc comme neige.»

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