
On n'ira pas jusqu'à dire que Rafael Nadal est redevenu un joueur de tennis normal, mais on se demande, et lui aussi d'ailleurs, où en est le roi de la terre battue. Roland-Garros (24 mai-7 juin) débute dans un mois jour pour jour, et l'Espagnol, qui visera un dixième sacre à Paris, a quelques raisons d'être saisi par le doute.
Vainqueur huit fois d'affilée du tournoi de Barcelone entre 2005 et 2013 (il était absent en 2010), Nadal en a été éjecté jeudi, dès les huitièmes de finale, par l'Italien Fabio Fognini (6-4, 7-6).
« Je n'ai pas été agressif, j'ai raté plus de coups que d'habitude, je n'ai pas réussi à conserver mon avantage, expliquait-il après coup. Faire le break trois fois [dans le second set] et me retrouver à 5-5, c'est un désastre. Mon coup droit a toujours été mon point fort, mais aujourd'hui, mon coup droit était banal, indigne de mon classement et de ma carrière. »
Une saison quelconque, c'est-à-dire médiocre
Le problème, c'est que ce revers a des airs de déjà-vu. Fognini, no 30 mondial, avait déjà dominé « Rafa » sur la terre battue de Rio en février (1-6, 6-2, 7-5). Nadal, vaincu la semaine passée en demi-finale à Monte-Carlo par le no 1 mondial Novak Djokovic (6-3, 6-3), en est à trois défaites sur la surface ocre cette saison. Du jamais-vu depuis qu'il a entamé son règne à Roland-Garros, en 2005.
La saison 2015 du Majorquin est quelconque, ce qui signifie « médiocre » pour qui a été depuis tant d'années un habitué des sommets. Laminé (6-2, 6-0, 7-6) par Tomas Berdych en quarts de finale de l'Open d'Australie, premier tournoi du Grand Chelem de l'année, Nadal a par ailleurs chuté face à des joueurs qu'il aurait battus de la main droite et à cloche-pied par le passé : Michael Berrer (127e mondial) au premier tour à Doha (début janvier), Fernando Verdasco (32e) au second à Miami (fin mars). Seule éclaircie de l'année : sa victoire au tournoi de Buenos Aires (terre battue, fin février). Un peu maigre.
« Je n'ai pas ma confiance habituelle »
Nadal a loupé toute la fin de saison 2014 à cause d'une blessure au poignet, puis d'une appendicite. Mais ce n'est pas le souci, assurait-il le mois dernier, après sa défaite contre Verdasco, qu'il avait battu 13 des 14 fois précédentes : « Mes problèmes physiques sont de l'histoire ancienne, je m'entraîne bien, je me sens bien. Mon problème, c'est quand je suis en match. Je sens que je n'ai pas ma confiance habituelle : je ne sais pas, quand je vais frapper la balle, si je vais la mettre où je le souhaite. Je ne sais pas, quand je cours après une balle, si ma position sera la bonne pour la renvoyer. »
Un aveu étonnant de la part d'un joueur au mental qu'on imaginait à tout épreuve. Nadal poursuivait : « J'ai déjà ressenti cela dans ma carrière avant, mais cela durait deux points, pas quatre jeux de suite comme en ce moment. Ce sont des petits détails, c'est difficile à expliquer mais contre Verdasco, par exemple, j'avais une balle de break en ma faveur à 3-3 que je pouvais convertir avec un coup droit relativement facile, j'ai perdu ce point et cela m'a poursuivi le jeu suivant. »
« Djoko » doit rêver très fort
A l'époque, « Rafa » s'était dit persuadé que le début de la saison sur terre battue lui remettrait les idées et le jeu en place : « C'est clair que c'est une surface sur laquelle je me sens en confiance, où j'ai moins de doutes. » Sa demi-finale à Monte-Carlo semblait lui donner raison. Barcelone vient de lui donner tort. Mais Nadal ne se démonte pas : « Je suis convaincu que cette situation, avec des hauts et des bas, que je vis depuis mon retour de blessure, va prendre fin tôt ou tard. »
Tôt vaudrait mieux : les tournois de Madrid (du 4 au 10 mai) et de Rome (du 11 au 17) arrivent, et Nadal, victorieux du premier et finaliste du second l'an passé, aura beaucoup de points à y défendre. En l'état actuel des choses, on l'imagine mal rééditer de telles performances, et l'actuel no 4 mondial risque de chuter au classement, donc d'aborder Roland-Garros hors du quatuor de tête, c'est-à-dire avoir la garantie de retrouver des gros bras assez tôt dans le tableau à Paris, où Novak Djokovic doit rêver plus fort que jamais de s'imposer enfin.
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