Menu
Libération
Décryptage

Sid Ahmed Ghlam, un suspect surveillé d’un peu trop loin

Mis en examen vendredi à l’issue de sa garde à vue, le terroriste présumé de Villejuif figurait dans les fichiers de police, mais sans être sur écoute.
Les scellés sont posé sur la porte de la chambre d'étudiant de Sid Ahmed Glam, le 22 avril 2015 à Paris (Photo KENZO TRIBOUILLARD. AFP)
publié le 24 avril 2015 à 20h16

En garde à vue depuis son arrestation dimanche matin dans le XIIIème arrondissement, Sid Ahmed Ghlam, étudiant algérien de 24 ans, a été mis en examen vendredi après-midi. Il est suspecté d'avoir fomenté, sur injonctions de donneurs d'ordre pouvant se trouver en Syrie, une attaque contre deux églises à Villejuif (Val-de-Marne). La police le soupçonne également du meurtre d'Aurélie Châtelain, une professeure de fitness de 32 ans, dont il a croisé la route peu de temps avant un potentiel passage à l'acte.

Pourquoi est-il poursuivi ?

Sid Ahmed Ghlam a été mis en examen pour «assassinat» et «tentative d'assassinat en relation avec une entreprise terroriste». L'étudiant, demeuré mutique durant ses six jours de garde à vue, n'a rien laissé filtrer d'éventuelles complicités. Les enquêteurs recherchent au moins deux personnes, en France ou en Syrie, ayant pu fournir des armes à Sid Ahmed Ghlam et l'encourager dans la commission d'un attentat. Il devait être placé en détention provisoire.

Que sait-on d’Emilie L., la compagne supposée de Sid Ahmed Ghlam ?

Agée de 25 ans, elle loue un petit pavillon à Saint-Dizier (Haute-Marne), ville où réside également la famille de l'étudiant algérien d'un an son cadet. Selon sa sœur, Angélique, «Emilie s'est convertie à l'islam il y a deux ans, pratique à fond, mais ne parle jamais de terrorisme». La jeune femme porte la burqa et vit la plupart du temps les volets clos. Interpellée par la Brigade de recherche et d'intervention (BRI) mercredi matin, Emilie L. aurait confessé en garde à vue vouloir se marier avec Sid Ahmed Ghlam. Ce qu'a démenti dans le Parisien Hind, la sœur de ce dernier : «Elle est tombée amoureuse de mon frère, mais ni lui ni nos parents n'ont voulu qu'ils se marient parce qu'elle avait déjà deux garçons de 4 et 6 ans.» Chez la jeune femme, les enquêteurs ont saisi des clés de chiffrement ayant potentiellement servi à crypter des SMS et à enregistrer des numéros de portable. Cependant, Emilie L. a été remise en liberté vendredi à l'issue de sa garde à vue.

Comment Sid Ahmed Ghlam était-il surveillé ?

La première convocation de l'étudiant en électronique par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) date du printemps 2014. Elle fait suite au signalement d'un proche. A cette époque, le jeune homme évoque son désir de rejoindre la Syrie sur Facebook. «Comme des dizaines, voire des centaines d'autres», nuance une source policière. Néanmoins, de premières vérifications sur son «environnement» sont diligentées.

Rebelote fin février 2015. Après un nébuleux voyage de dix jours en Turquie, Sid Ahmed Ghlam effectue un nouveau passage à Levallois, en banlieue parisienne. Comme de coutume, la DGSI s'enquiert des motifs du séjour. Que Ghlam justifie pour «raisons touristiques». De nouvelles vérifications sur son entourage sont exigées. Toutefois, «faute d'éléments tangibles», dixit le ministre de l'Intérieur, elles ne donnent lieu à l'ouverture d'aucune procédure judiciaire. Sur le plateau du 20 heures de TF1, mercredi soir, le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, a ainsi assuré «que la DGSI avait fait tout ce qu'elle devait faire».

Que signifie la fiche «s» dont sid ahmed ghlam faisait l’objet ?

Cette fiche «S», pour «sûreté de l'Etat», est l'une des 21 sous-catégories du plus ancien fichier de police : le Fichier des personnes recherchées (FPR) crée en 1969. Il comporterait actuellement 400 000 noms, allant du grand banditisme aux évadés de prison. La fiche «S», elle, est réservée aux individus menaçant potentiellement la sécurité nationale. Une notion juridique relativement floue, permettant aux services de renseignements de ratisser très large. Y figurent bien entendu les aspirants terroristes, mais aussi tout une flopée de militants antinucléaires, d'activistes politiques (anti-G20, zadistes), de hooligans et de membres de groupuscules d'extrême droite. Selon le journal Sud Ouest , qui a accédé à un chiffre convoité, 5 000 personnes étaient répertoriées dans le fichier «S» en 2012. «C'est une donnée intéressante car, en matière d'antiterrorisme, rien ne circule au nom du secret défense», explique l'universitaire Pierre Piazza.

La fiche «S» comporte seize échelons de dangerosité. Sid Ahmed Ghlam était au niveau 13. Mohammed Merah, le tueur de Toulouse, était, lui, au niveau 5, car jugé encore plus dangereux. Un échelon qui implique de signaler les passages à la frontière de l'individu, mais pas de fouiller ses bagages, ni de le surveiller sur le territoire français. «Il ne faut pas perdre de vue que la fiche "S" est un dispositif de signalement. Il n'oblige ni écoute administrative,ni arrestation automatique», rappelle François-Bernard Huyghe, directeur de recherche à l'Institut de relations internationales et stragiques (Iris).

Dans la même rubrique