On a lu pour vous le projet de Delphine Ernotte pour France Télévisions

Le Conseil supérieur de l'audiovisuel a publié, vendredi 24 avril, le projet stratégique qui a permis à Delphine Ernotte-Cunci de devenir la prochaine présidente de France Télévisions.

Par Samuel Douhaire

Publié le 24 avril 2015 à 19h06

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 05h37

Lors de l'annonce de la nomination de Delphine Ernotte-Cunci à la présidence de France Télévisions, jeudi 22 octobre, le Syndicat des journalistes de France Télévisions (SNJ) avait regretté que la future ex-directrice exécutive d'Orange ait « préféré rester une candidate “de l’ombre”, jusqu’au dernier jour, sans rien dévoiler de son projet pour le Service Public audiovisuel. C’est un mauvais signe pour les salariés de France Télévisions qui ne savent absolument rien des intentions de leur nouvelle présidente. » Le syndicat demandait au passage que le lauréate rende public son « projet stratégique » le plus vite possible. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel a accédé à cette requête en mettant à disposition sur son site ce document de 31 pages (curriculum vitae très fourni de l'impétrante inclus) dont le mot d'ordre est : s'adapter aux bouleversements induits par le numérique ou s'affaiblir. En voici les grandes lignes, qui promettent de faire quelques vagues dans les couloirs de la télévision publique, ne serait-ce que par certains propos que l'on croirait parfois sortis d'un manuel pour école de commerce. Un exemple parmi d'autres: « France Télévisions doit mettre en place une stratégie relationnelle avec ses usagers s'appuyer sur les outils professionnels de la relation client »...

Management : haro sur Rémy Pflimlin

Le nom du futur ex-patron de France Télévisions n'est jamais cité dans le texte de sa successeur. Mais ses oreilles vont siffler un bon moment tant sa gouvernance pendant les cinq années passées y est critiquée avec des mots très durs. Delphine Ernotte propose ainsi de mettre fin au « mille-feuille statutaire et managerial » et à « un management à la fois opérationnel et transversal  » qui peut rendre « fou ». Autrement dit : Thierry Thuillier, patron de l'information pour l'ensemble du groupe, peut dire adieu à sa deuxième casquette de directeur de l'antenne et des programmes de France 2. Delphine Ernotte propose d'installer « une direction resserrée, paritaire et collégiale » qui fasse un « place centrale aux hommes et femmes de programmes ». Son casting n'a, assure-t-elle, pas encore été établi, mais elle entend composer une équipe avec autant de candidat(e)s internes qu'externes. Certains hauts cadres de France Télévision peuvent donc préparer leurs cartons...

Autre axe fort du management ernottien : « restaurer la confiance » des personnels du groupe échaudés par les changements multiples d'organisation et un dialogue social souvent tendu sous les ères Carolis puis Pflimlin. Cela passera par une « gestion prévisionnelle des emplois et des compétences », des efforts sur la formation pour adapter les métiers au numérique, et une réorganisation de la direction des ressources humaines pour plus de proximité tant avec les responsables qu'avec les salariés. Voilà qui pourrait faire plaisir aux syndicats. Mais qu'ils ne se réjouissent pas trop vite : Delphine Ernotte promet, du moins dans un premier temps, des mesures d'économies supplémentaires (« en priorité sur les frais de conseil et les frais généraux  du siège», assure-t-elle) car le budget 2015 validé par son prédécesseur a, selon son estimation, surévalué les recettes publicitaires. Il faudra aussi, précise-t-elle, « augmenter la charge de travail de l'outil de production », ne pas remplacer les départs et persévérer dans la modération salariale. Dernier point de tension: la fusion des rédactions de France 2 et de France 3 est confirmée.

Programmes : plus de spécialisation... et du flou

Très précise dans son projet managerial, Delphine Ernotte l'est moins dans ses propositions concernant les programmes. Mais, avec là aussi, des pistes de changement profond.

L'objectif fondamental est « le rajeunissement du public de France Télévisions ». Cela passe, notamment, par une recherche permanente de « l'innovation pour attirer de nouveaux publics » et l'objectif de devenir « la plateforme de référence pour tous les contenus jeunesse, sur les supports numériques notamment ». Il faudra donc renouveler les émissions de divertissement, « être à la pointe » dans la création de nouvelles fictions (notamment en raccourcissant les délais de création), trouver des formes nouvelles sur l'information, développer une chaîne numérique de l'information en partenariat avec Radio France et France Médias Monde, et « repenser » le traitement de la culture. Rien que ça...

Dans cette optique, les chaînes sont appelées se spécialiser davantage... y compris les deux généralistes. France 2 doit devenir devenir « la chaîne du flux » avec de grands directs « événementiels » et fédérateurs (Delphine Ernotte cite en exemple le succès de The Voice sur TF1...). France 3 sera consacrée « chaîne du patrimoine et des territoires » dont la « dominante » sera « la création – audiovisuelle ou cinématographique ». France 4, toujours en recherche d'une ligne éditoriale claire, devra se consacrer exclusivement aux publics de moins de 15 ans : dans cette optique, elle pourrait récupérer les tranches matinales d'animation de France 3 et de France 5 mais voir disparaître de ses grilles la plupart des émissions-prototypes produites par le département « nouvelles écritures » du groupe (appelées à être diffusées sur l'ensemble des chaînes publiques). De leur côté, France 5, sans renoncer à sa vocation de chaîne du savoir et de la connaissance, est invitée à s'ouvrir davantage au divertissement et à la fiction, et France Ô doit rester la chaîne des ultra-marins.

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