
On le disait cassant. Poli. Flatteur. Extrêmement attentif. Maître de lui. Hypocrite. Impénétrable. Méchant. Les rebelles du nord de la Syrie qui, des mois plus tard, se rappellent leurs rencontres avec lui décrivent un homme aux multiples facettes. Mais ils sont tous d’accord sur un point : « Nous ne savions jamais à qui nous avions affaire. »
Même ceux qui, par un matin de janvier 2014, le tuèrent à Tal Rifaat après un bref échange de coups de feu ne savaient pas qui était vraiment cet homme de haute stature et d’une bonne cinquantaine d’années. Ils ne se doutaient pas qu’ils venaient de tuer la tête pensante de l’Etat islamique (EI) – et si la chose fut possible, c’est seulement grâce à une erreur de calcul de ce brillant planificateur, erreur rare de sa part mais qui lui fut fatale. Les rebelles de la région mirent le corps dans un congélateur. Ce n’est que plus tard qu’ils se rendirent compte de l’importance de cet homme.
Samir Abed al-Mohamed Al-Khlifawi, tel était le vrai nom de cet Irakien dont les traits anguleux étaient un peu adoucis par une barbe blanche. Mais personne ne le connaissait sous ce nom. Même son pseudonyme le plus courant, Haji Bakr, n’était guère connu. Cela faisait partie du plan. L’ex-colonel des services secrets de l’armée de l’air sous Saddam Hussein tirait depuis des années les ficelles de l’Etat islamique. D’anciens cadres de l’EI avaient toujours dit de lui qu’il était l’une des têtes pensantes de l’organisation, mais personne ne savait exactement ce qu’il faisait.
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