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En Mauritanie, l’opposition tire à boulets rouges sur le pouvoir

Afin d’affaiblir le régime de Mohamed Ould Abdel Aziz, l’opposition exhume des cadavres des placards de la République de Mauritanie, dont une affaire de trafic de faux dollars

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Publié le 24 avril 2015 à 13h13, modifié le 24 février 2016 à 12h20

Temps de Lecture 3 min.

Une affiche de Mohamed Ould Abdel Aziz sous une tente à Nouakchott lors de la campagne pour la présidentielle de 2014.

« Prends deux millions et règle ton problème avec eux, tu entends ? » Sollicités par l’association française de lutte contre la corruption Sherpa, les experts français sont formels : l’homme qui intime à son interlocuteur l’ordre de se saisir de cette somme (dont la devise n’est pas précisée) est bien Mohamed Ould Abdel Aziz, l’actuel président de la Mauritanie.

« L’identification à laquelle nous concluons se situe ainsi (…) à plus de 93 % et nous pouvons conclure à une extrême vraisemblance des voix de l’interlocuteur A des deux conversations téléphoniques et de celle de monsieur le président Aziz », indique l’expert agréé par la Cour de cassation, Claude Vieules, dans un rapport datant de février 2014 auquel nous avons a eu accès.

L’enregistrement, qui avait été révélé et diffusé par des médias locaux en 2013, concerne une vieille affaire, remise au goût du jour par l’opposition mauritanienne. En 2006, Aziz n’était pas encore le numéro un du pays mais incontestablement l’un des hommes forts de Nouakchott. Il dirigeait la garde présidentielle, le Basep (Bataillon pour la sécurité présidentielle), la force d’élite du régime. Deux ans plus tard, en 2008, il s’emparait du pouvoir à la faveur d’une révolution de palais. Et ne l’a plus quitté depuis : il a été réélu président en juin 2014 avec plus de 80 % de voix. « Aziz n’a même pas eu à gonfler les résultats, l’opposition ayant boycotté le scrutin », note un bon connaisseur du pays, qui a requis l’anonymat.

L’affaire du « Ghana gate » jamais élucidée

Est-ce en désespoir de cause que ses adversaires politiques ont décidé d’exhumer les cadavres qui dorment dans les placards de la République islamique de Mauritanie ? Lorsque ces enregistrements avaient été divulgués, il y a deux ans, le chef de l’Etat avait reconnu, du bout des lèvres, que c’était probablement lui qui parlait. Un aveu auquel il avait consenti sachant que les tenants et les aboutissants de cet imbroglio demeuraient obscurs.

D’après les indiscrétions distillées par la presse locale, le colonel Aziz est soupçonné d’avoir trempé dans une rocambolesque affaire de trafic de faux dollars impliquant un ressortissant irakien agissant depuis le Ghana. D’où le nom de « Ghana gate » qui s’est imposé dans les médias. Apparemment, le « deal » n’a pas abouti. Mais, pour en avoir le cœur net, une enquête judiciaire serait nécessaire. Or elle n’a jamais été ouverte, et certains membres de la commission d’enquête parlementaire mise en place à Nouakchott il y a deux ans ont demandé l’aide de Sherpa pour relancer les investigations.

Fondée en 2001 par l’avocat William Bourdon, cette association qui s’est donné pour mission de lutter contre les crimes économiques et environnementaux s’intéresse de longue date à la Mauritanie. En 2013, elle avait déjà épinglé le financement par la Banque islamique de développement (BID) de la construction d’une centrale électrique confiée, dans des conditions jugées douteuses par l’ONG, à une entreprise finlandaise.

Cela fait des mois que l’opposition, relayée par une partie de la presse, tire à boulets rouges sur le président Aziz. Ses liens avec des personnalités citées dans des affaires de drogue, comme l’ancien chef d’état-major de l’armée de Guinée-Bissau, Antonio Indjai, sont vivement dénoncés. Tout comme une gestion des affaires publiques marquée par l’opacité. Le marché du futur aéroport international de la capitale, octroyé sans appel d’offres, à des entreprises proches du régime a notamment suscité la colère des adversaires du président Aziz.

« On surestime beaucoup le régime d’Aziz »

Mais, jusqu’ici, cette agitation n’a pas franchi les frontières du pays. Sans doute parce que la Mauritanie se situe dans une zone sahélienne très troublée, où les aléas de la vie publique à Nouakchott comptent peu au regard d’une stabilité préservée sur le plan sécuritaire par le chef de l’Etat. « Aziz a de très bonnes relations avec Paris, note Alain Antil, chercheur à l’IFRI (Institut français des relations internationales), car il est considéré comme un partenaire fiable dans la lutte antiterroriste. »

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La Mauritanie est membre du G5-Sahel, un groupe réunissant cinq pays de la région décidés à lutter contre les groupes jihadistes dans la région. Un détachement des forces spéciales françaises participe à la formation des unités antiterroristes mauritaniennes à Atar, dans le centre-ouest du pays.

Ancien numéro un de la junte militaire qui, au milieu des années 2000, géra brièvement le pays, avant la tenue d’élections démocratiques, Ely Ould Mohamed Vall fulmine : « On surestime de beaucoup les capacités militaires du régime d’Aziz. S’il n’a pas participé à l’opération Serval au Mali, c’est parce qu’il connaît pertinemment les limites de son armée. » Mais jusqu’ici, elle reste fidèle au président Aziz.

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