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La double vie de Sid Ahmed Ghlam, un étudiant modèle

PORTRAIT - Soutien de famille, prof d’arabe à la mosquée, musulman moderne… Dans le quartier du Vert-Bois, à Saint-Dizier, Sid Ahmed Ghlam a laissé à ses proches l’image d’un jeune homme irréprochable.

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Sid Ahmed Ghlam est décrit comme un étudiant modèle et un soutien pour sa famille.
Sid Ahmed Ghlam est décrit comme un étudiant modèle et un soutien pour sa famille. © Photo iTélé

Les cicatrices laissées par le coup de bélier matinal luisent au soleil sur la porte grise. Derrière, la mère de Sid Ahmed Ghlam zappe entre iTélé et BFM, à la recherche de bribes susceptibles d'éclairer le destin de son fils. Assise sur un banc devant la petite maison HLM à Saint-Dizier, Karima*, sa sœur âgée de 21 ans, surveille vendredi les trois petits qui foncent en trottinette dans la rue. "Il faut bien les protéger de tout ça, de toutes les horreurs qu'ils disent à la télé. Déjà, nous, on n'y comprend rien, alors eux…" 

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Son grand frère, né fin août 1991, était le "soutien de la famille", "l'espoir de ses parents"; le voilà terroriste présumé, accusé d'un projet d'attentat contre au moins une église et de l'assassinat d'Aurélie Châtelain, à Villejuif (Val-de-Marne). Alors que les enquêteurs assurent disposer d'éléments accablants, Karima s'accroche à l'idée d'un "complot" : "Il a sans doute été manipulé par des gens de l'extérieur, qui l'ont peut-être menacé."

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"Ça n'a pas de sens, c'est le soutien moral de la maison"

On ne connaît toujours qu'un visage de l'autre, fût-il le frère le plus chéri, mais Karima appuie ses doutes sur un drame traversé ensemble et qui les a soudés : la mort de leur aîné sur une plage algérienne, à l'été 2011. "Ça n'a pas de sens : on se reposait tous sur lui, c'est le soutien moral de la maison, il n'aurait jamais pu nous faire ça." À la suite du décès, raconte une cousine, "les parents se sont effondrés".

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Ancien commerçant aujourd'hui invalide, le père vit une partie de l'année dans son pays natal. La mère, au foyer, doit parfois se reposer sur Karima, sa fille aînée. "Elle traverse des moments dépressifs depuis la tragédie. Savoir que mon frère allait devenir ingénieur, ça lui donnait de l'espoir."

"Il a un beau visage avenant... En plus, il connaît la grammaire"

Dans le quartier populaire du Vert-Bois, où la famille originaire de Tiaret, en Algérie, arrive en 2001, Sid Ahmed Ghlam est le modèle de l'étudiant discret et souriant en jean et baskets, qui rentre un week-end sur deux avec son linge sale et repart les gamelles pleines de bons petits plats. "Il écoute de la musique, il va courir, il est normal", décrit sa cousine. "Il est généreux même s'il ne roule pas sur l'or, toujours là en cas de problème", complète son meilleur copain et voisin. "Il se débrouillait très bien même s'il n'avait pas beaucoup d'argent. Il était toujours à 10 euros près à la fin du mois", dit sa sœur.

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Le responsable de la pimpante mosquée El-Fath, la plus grande de cette ville de 25.000 habitants, a fait la connaissance du meurtrier présumé à la rentrée scolaire 2013. Venu inscrire ses cadets au cours d'arabe, Sid Ahmed Ghlam s'est vu bombardé prof bénévole le samedi. "On manque de bonnes volontés pour le soutien scolaire et la langue. Lui m'a fait bonne impression, il a un beau visage avenant, tient des propos intelligents. En plus, il connaît la grammaire. Moi qui n'écris pas très bien l'arabe, j'ai même assisté à ses leçons." L'étudiant en électronique viendra donner un coup de main d'octobre 2013 à février 2014 avant de disparaître. "Cela arrive souvent avec les jeunes bénévoles. Ils partent, ils reviennent. J'ai continué à le croiser dans le quartier à l'occasion."

Un mystérieux voyage en Turquie

Fervent pratiquant du dialogue avec les athées et les croyants des autres religions, le responsable de la mosquée n'a repéré aucun signe de radicalisation chez son ancien bénévole. Ce militant associatif qui se donne pour mission de participer à la construction d'un islam républicain et de lutter contre le radicalisme soupire : "Je n'y crois pas, je suis sous le choc." Tout comme Karima, la sœur de Sid Ahmed Ghlam : "Il ne s'est même pas laissé pousser la barbe! Pour moi, mon frère est un jeune musulman moderne qui fait ses cinq prières par jour, rien de plus!"

À la télé, ses proches ont pourtant découvert que l'Algérien de 23 ans qu'ils croyaient à la veille de boucler son master avait interrompu ses études sans les prévenir et fait un mystérieux voyage en Turquie. Au cœur de cette autre vie en catimini, une convertie placée en garde à vue et relâchée vendredi faute de charges . Seule femme de Saint-Dizier à porter le voile intégral, cette mère de deux garçonnets vit séparée du père de ses fils, en marge. Sa "burqa noire" fait peur aux enfants, aux parents d'élèves et aux enseignants, qui s'en sont plaints à la mairie et au commissariat. À la mosquée, sa tenue a été jugée provocatrice. La silhouette sombre a cessé de fréquenter les cours d'arabe et la prière. Même si l'enquête a établi que cette Brestoise de 25 ans était une intime de Sid Ahmed Ghlam, Karima répète, comme pour s'en convaincre, que son frère est "célibataire", que les liens étaient rompus. "Elle est tombée amoureuse de lui mais il n'a pas souhaité donner suite à la relation. S'il était avec elle, je l'aurais su."

* Le prénom a été modifié à sa demande

Source: JDD papier

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