En ce mois d'avril 2015, les masques sont enfin tombés. Le Front national, tête haute et mains propres, est apparu sous son vrai visage. On voulait prendre le Front national en défaut d'arrivisme, on était bien en peine. Mais Marine Le Pen, cette si géniale stratège, vient de commettre sa plus grande erreur. Les images consternantes de la soirée organisée au Time Magazine sont la preuve de sa véritable nature, ce qu'on appelle de tout temps, assez peu originalement, l'arrivisme et la concupiscence. C'est un aveu : le Front national n'aime pas la France, il est accro au pouvoir.
Quand le grand magazine américain, symbole de la jet-set, invite la présidente du Front national sous ses ors, on voit une Marine Le Pen, avec la candeur du ravissement, se précipiter dans l'antre de la puissance, de l'argent, de la notoriété, y glapir de contentement avec son compagnon. Voici à quoi ressemblera le gouvernement frontiste si un jour, 2017 ou 2022, le FN conquiert la présidence : des sourires carnassiers, des mines lumineuses, des dents de loups à l'idée de se voir en haut de l'affiche. Marine Le Pen a inventé l'extrême droite caviar. Le national populisme Louboutin. Le souverainisme champagne. En finir avec le règne de Bruxelles, et commencer celui de Broadway. Comment, sans mourir de rire, peut-on contempler la procureure professionnelle de l'entre soi dîner avec Kanye West et les publicitaires branchés ? C'est le patriotisme dollar qui brille. Une certaine idée de la France, et des robes de gala, le mélange de Clovis et du jet-lag, le mariage du sacre de Reims avec Vanity Fair. Qu'est ce qu'une nation ? Demandait Renan. Marine Le Pen vous répond après les hors-d'œuvre. Répétons-le : le Front national vous trahira. Regardez son sourire et imaginez combien lui importe votre retraite, votre loyer, vos soucis. Votre bulletin de vote, c'est simplement son carton d'invitation dans le monde des puissants.
Mais, au fond, en quoi ces images sont-elles importantes ? D’abord, on pourrait se gausser de la contradiction. Fustiger, en France, le règne des bobos de Saint-Germain et arpenter les pince-fesses de New York, cela rappelle cette maxime de la Bible, une histoire de paille dans l’œil du voisin et de poutre dans le sien. Remarquons que cela doit faire souffrir, une poutre fichée dans son œil. A croire que l’éborgnement, chez les Le Pen, se transmet avec les gênes.
Mais le plus important est ailleurs. Ce qui s'est passé lors de cette soirée de Time Magazine, c'est la démonstration que les Le Pen, père ou fille ou nièce, se contrefoutent de l'avenir des Français. Que leur hargneuse soif de revanche les mènera inévitablement à ce genre de masturbation égotique, d'onanisme paparazzé, doublé d'un clanisme absolu. Marine Le Pen et Louis Aliot, nos deux adolescents au bal du lycée, ont été d'une sincérité presque touchante : voilà leur but, flâner, ravis et vengés, sur les tapis rouges. Tout le reste, les promesses et les idées, ce n'est que de l'habillage et de la démagogie. Les Le Pen en soirée ? Travail, famille, paillettes.
Ainsi, contrairement à ce que disait François Hollande, le Front national ne parle pas comme un tract du Parti communiste : il agit comme un apparatchik du Parti communiste. Il parle du peuple pour se goberger d’honneurs, il s’engraisse de ses rentes, il sombre dans le contentement de soi, le copinage en smoking. Avant de voter pour Marine Le Pen, regardez encore une fois son sourire sur tapis rouge. Au moins vous voilà prévenus.