
EXTRËME DROITE - Surfant sur la même vague d'europhobie, de rejet de l'immigration et du refus de "l'islamisation" de l'UE, l'extrême droite européenne avance à marche forcée sur le chemin de crête de la dédiabolisation. Tandis que Marine Le Pen prend elle aussi ses distances avec les dérapages de son père, désormais désigné au sein du FN comme un "obstacle" dans la course au pouvoir, les autres partis populistes et souverainistes de l'Union européenne multiplient les initiatives pour se respectabiliser.
Que ce soit en Grande-Bretagne, en Suède ou en Hongrie, l'objectif est clair: esquiver à tout prix les accusations de racisme et d'antisémitisme pour rentrer de plein pied dans le jeu politique. Et accéder au plus vite aux responsabilités dans leurs pays respectifs.
Purges ciblées en Suède
En France, la commission de discipline du Front national se prononcera à la fin du mois sur les "dizaines" de candidats FN ayant dérapé aux élections départementales. En Suède, le parti d'extrême droite des Démocrates de Suède a lui annoncé ce lundi 27 avril l'exclusion de sept de ses membres, dont les numéros un et deux de sa branche jeunesse, en raison de leurs contacts avec des mouvements néo-nazis.
"Tous ont eu des liens démontrés et clairs avec des extrémistes", a affirmé lors d'une conférence de presse à Stockholm Richard Jomshof, le secrétaire du parti arrivé troisième lors des législatives de septembre. Certains des exclus ont exprimé "des opinions antisémites" ou leur sympathie pour "un ancien dictateur en Allemagne, à savoir Adolf Hitler", a-t-il regretté.
Cette purge n'est pas une première dans l'histoire du parti d'extrême droite suédois. Créée en 1988, cette formation d'inspiration néo-nazie a depuis opéré un important effort de recentrage qui lui a permis d'entrer au Parlement suédois en 2010. Une normalisation écornée par plusieurs scandales et qui a entraîné un schisme avec sa branche jeunesse, réputée beaucoup plus radicale.
Ukip, un racisme honni mais présent
Concilier discours xénophobe et/ou islamophobe sans basculer dans le racisme, c'est tout l'enjeu du parti populiste britannique Ukip (United Kingdom Independence party), qui menace sur sa droite la suprématie des conservateurs de David Cameron au Royaume-Uni. Ancien groupe de pression fantaisiste fondé par le tonitruant Nigel Farage, Ukip prône une sortie de l'Union européenne, l'arrêt de toute immigration tout en plaidant pour une baisse drastique des impôts.
Confronté à un mode de scrutin fortement pénalisant pour les partis émergents, Ukip, grand vainqueur des élections européennes, s'est lancé à corps perdu dans une entreprise de dédiabolisation et de ripolinage de son programme pour convaincre les électeurs britanniques de lui apporter leurs voix. "Nous avons toutes les opinions, nous avons des gens de la gauche, des gens de la droite, des gens de tous âges, de toutes classes, de toutes races", plaide Nigel Farage, qui refuse le qualificatif de parti d'extrême droite.
Il n'empêche, la formation anti-Union européenne n'a cessé de se faire remarquer pour les dérapages de certains de ses membres. Comme en France, certains ont comparé l'islam au cancer, demandé à un "comédien noir" d'aller vivre dans un "pays noir" ou encore taxé les pays en voie de développement de "Bongo Bongo Land", une expression très péjorative. Tout récemment, un candidat aux législatives a démissionné du parti, dénonçant le "racisme affiché" en son sein. En février, une élue a été exclue pour avoir déclaré dans un reportage qu'elle avait "un souci avec les nègres". Début avril, un candidat Ukip aux législatives a dû démissionner après avoir écrit sur Facebook qu'Israël devrait "kidnapper" le président américain Barack Obama.
Les succès de la dédiabolisation hongroise
Malgré ses ratés, cette stratégie de dédiabolisation porte (parfois) ses fruits. En Hongrie, le mouvement Jobbik, réputé pour ses appels à la haine ciblant les Roms, a singulièrement adouci son discours depuis les dernières élections européennes. Ce qui lui a permis de remporter le 12 avril dernier une législative partielle au scrutin majoritaire.
Une première pour le deuxième parti politique hongrois (le premier chez les jeunes) dirigé par Gabor Vona, ancien fondateur d'un groupe paramilitaire qui s'échine désormais à afficher un visage plus rassurant. Celui-ci a pris ses distances dernièrement avec un militant du Jobbik qui appelait au meurtre des Roms et a ordonné à un élu qui avait craché sur le mémorial de l'Holocauste de Budapest de déposer des fleurs sur le monument.
Jobbik reste néanmoins suffisamment sulfureux pour que le Front national refuse d'envisager une alliance avec lui. Car la dédiabolisation comporte également un front européen. Au Parlement de Strasbourg, où les partis nationalistes et europhobes ont fait une entrée remarquée aux européennes de 2014, chaque formation politique ne veut pas prendre le risque de s'associer à un allié susceptible de l'embarrasser.
C'est en partie pour cette raison que le britannique Ukip a refusé de créer un groupe avec le Front national. Pour Nigel Farage, "l'antisémitisme est dans l'ADN du Front national".