INTERNATIONAL - Un air de déjà-vu aux Etats-Unis. Les autorités du Maryland ont annoncé lundi soir, le 27 avril, le déploiement massif de la garde nationale et imposé un couvre-feu nocturne pour ramener le calme à Baltimore, théâtre de violences et de pillages qui ont éclaté après les obsèques de Freddie Gray, un jeune Noir décédé le 19 avril après son interpellation musclée par la police.
L'état d'urgence a été décrété. Les violences, circonscrites dans un quartier du nord-ouest de la ville, ont fait 15 blessés parmi les policiers, dont deux ont dû être hospitalisés, et mené à 27 arrestations. Ce contexte tendu rappelle celui qu'a connu Ferguson (Missouri) en 2014 après la mort de Michael Brown, jeune Noir sans arme abattu de plusieurs coups de feu par Darren Wilson. Ce policier blanc avait ensuite bénéficié d'un non-lieu, déclenchant de nouvelles violences.
Au-delà de Ferguson, la mort de Freddie Gray intervient après une série de bavures qui ont ravivé les tensions entre la communauté noire et les forces de l'ordre aux Etats-Unis. Le pays a été confronté à des manifestations rassemblant des milliers de personnes, après la mort de plusieurs Afro-américains non armés tués par des policiers blancs. Dans plusieurs cas, la justice a décidé de ne pas les poursuivre. Retour sur les affaires qui ont fait scandale depuis un an.
- Pas d'inculpation contre Christopher Manney
Le policier de Milwaukee Christopher Manney, depuis licencié, a abattu le 30 avril 2014 Dontre Hamilton, 31 ans, après avoir été appelé par des employés d'un café gênés par cet homme qui dormait dans un parc voisin. Les deux hommes en étaient venus aux mains au moment de l'interpellation, jusqu'à ce que le policier use de son arme et tue cet homme noir de 14 balles, ce qui avait provoqué des manifestations.
Le 22 novembre, la justice a alors décidé de ne pas poursuivre Christopher Manney. Le policier a fait usage de son arme car il était en état de légitime défense par conséquent il n'y a pas lieu de l'inculper pour crime", a conclu le procureur, déclenchant de nouvelles manifestations.
- Le cas Eric Garner
Eric Garner, 43 ans, est décédé lors d'une interpellation musclée le 17 juillet 2014. Ce père de six enfants soupçonné de vente illégale de cigarettes, avait été plaqué au sol par plusieurs policiers blancs, après avoir refusé d'être arrêté.
Dans la vidéo amateur montrant son interpellation, on voit un policier, Daniel Pantaleo, le prendre par le cou pour le jeter à terre, une pratique pourtant interdite au sein de la police new-yorkaise. "Je ne peux pas respirer", se plaint à plusieurs reprises Garner, obèse et asthmatique, avant de perdre connaissance. Il avait été déclaré mort peu après, et le médecin légiste avait conclu à un homicide.
Dix jours après Ferguson, un grand jury à New York a décidé le 3 décembre de ne pas inculper le policier, contribuant à relancer des manifestations qui semblaient marquer le pas. "I can't breathe" ("Je ne peux pas respirer") est devenu un des slogans de ces manifestants en hommage à Eric Garner.
- L'affaire Michael Brown
Un grand jury a décidé le 24 novembre de ne pas inculper le policier blanc Darren Wilson, responsable de la mort début août de Michael Brown. Le policier avait tiré douze fois contre le jeune Noir de 18 ans qui n'était pas armé. Une vingtaine de minutes avant cette confrontation, Michael Brown avait été filmé dans une supérette en train de voler une boîte de cigarillos.
Le corps du jeune homme avait été laissé à la vue des passants pendant plusieurs heures, en plein soleil, ajoutant à la colère des manifestants qui y ont vu un signe de plus du mépris des forces de l'ordre pour la population noire.
Le drame de Ferguson, puis la décision du grand jury, ont provoqué plusieurs manifestations et des émeutes dans cette banlieue de St Louis (Missouri) , où la majorité des édiles, y compris la police, est blanche alors que la majorité de la population est noire. De violentes échauffourées et des pillages ont éclaté après la décision.
- La mort "par accident" d'Akai Gurley
Un homme noir de 28 ans "totalement innocent" a été tué par accident par un policier blanc dans un immeuble HLM à New York, a annoncé le 21 novembre le chef de la police Bill Bratton.
C'est une "tragédie très regrettable", a-t-il ajouté lors d'une conférence de presse, précisant que l'arme du policier semblait s'être déchargée "par accident", alors qu'il patrouillait dans cet immeuble HLM du quartier de Brooklyn peu avant minuit jeudi soir, avec un collègue.
La victime, identifiée comme Akai Gurley, "est totalement innocente et n'était engagée dans aucune sorte d'activité criminelle", a reconnu le commissaire. Le jeune homme n'était pas armé. Il a été atteint d'une balle en pleine poitrine. Le policier a été inculpé début février 2015 d'homicide involontaire
- Un enfant tué alors qu'il jouait avec une arme factice
A Cleveland, Tamir Rice, garçon noir de 12 ans, a été tué le 22 novembre dernier par un policier alors qu'il manipulait une arme factice dans une aire de jeux. Une vidéo accablante montre que le policier tire sur lui quelques secondes seulement après être sorti de sa voiture.
Après les coups de feu, les policiers ont réalisé que "l'arme en possession du suspect de 12 ans était une réplique de pistolet de type 'airsoft' (à billes) ressemblant à un pistolet semi-automatique, avec l'indicateur de sécurité orange enlevé", a dit la police.
L'Ohio avait été le théâtre d'un incident similaire en août 2014, quand des policiers répondant à un appel d'urgence avaient abattu un Noir, John Crawford, dans un supermarché alors qu'il transportait un pistolet jouet, vendu sur place.
- La mort de Rumain Brisbon à Phoenix
Un policier blanc a tué un homme noir sans arme en Arizona début décembre. La police de Phoenix a indiqué jeudi 5 décembre dans un communiqué qu'un homme de 34 ans, Rumain Brisbon, avait été interpellé alors qu'il était soupçonné de vendre de la drogue.
D'après le rapport de police, il a tenté de s'échapper et a refusé d'obéir "à plusieurs ordres" du policier blanc âgé de 30 ans, dont le nom n'a pas été révélé, mais qui avait sept ans d'expérience, est-il précisé.
Le policier a "cru sentir la crosse d'un revolver" dans la poche du suspect et "a tiré deux fois dans le torse de Brisbon". La poche de l'homme contenait en réalité une boîte de pilules.
- Tony Terrell Robinson tué par balles à Madison
Le 6 mars 2015, Tony Terrell Robinson, jeune métis de 19 ans, a été tué à Madison (Wisconsin) par un policier blanc. L'affaire, à la veille de la commémoration du 50e anniversaire de la marche pour les droits civiques des Noirs à Selma (Alabama), a suscité des manifestations alors que le ministère de la Justice venait de publier un rapport accablant pour la police de Ferguson.
Trois jours plus tard, le chef de la police de Madison Michael Koval a présenté les condoléances de la police après ce décès et appelé les manifestants à attendre les résultats de l'enquête ouverte par la ville. Il a indiqué qu'apparemment le jeune homme n'avait pas utilisé d'arme et qu'il était mort après avoir reçu plusieurs balles.
Selon lui, un policier s'était rendu vendredi soir au domicile de Tony Robinson soupçonné d'avoir perturbé la circulation routière et "battu quelqu'un". Entendant du bruit à l'intérieur de l'appartement, le policier a forcé l'entrée du domicile avant d'être agressé par Tony Robinson. "Le sujet a agressé (le) policier ....qui a dégainé son pistolet et tiré", a précisé le chef de la police.
- Anthony Hill, abattu alors qu'il souffrait de troubles mentaux
Le 9 mars, Anthony Hill, un Noir de 27 ans souffrant de troubles mentaux, a été abattu de deux balles par un policier blanc près d'Atlanta. Il était nu dans la rue et se comportait de façon étrange, précise Reuters. Selon la police, il aurait couru vers un policier, n'obéissant pas à l'ordre de rester immobile qui lui avait été lancé. D'après certains témoins, il avait pourtant les mains en l'air au moment où le policier lui a tiré dessus.
Les autorités ont lancé une enquête pour comprendre pourquoi un policier avait pu abattre cet ancien soldat de l'US Air Force, qui ne portait pas d'arme. La famille d'Anthony Hill a décidé de lancé sa propre enquête. Elle affirme que cet homme "sensible" ne s'était jamais comporté de cette façon auparavant et qu'il avait sans doute été pris d'un coup de folie.
Des manifestations se sont là aussi déroulées près des lieux du drame, afin de rendre hommage à Anthony Hill et une nouvelle fois de dénoncer les violences policières aux Etats-Unis.
- Walter Scott abattu de plusieurs balles dans le dos
Le 7 avril, Walter Scott, un homme noir non armé, a été abattu de huit balles dans le dos par un policier blanc à North Charleston, en Caroline du Sud, alors qu'il courait après s'être fait arrêter lors d'un banal contrôle routier. On peut le voir sur une vidéo diffusée par le New York Times et envoyée par un témoin.
Sur la vidéo, on voit ensuite le policier marcher calmement jusqu'à l'homme âgé de 50 ans, lui enjoignant de mettre les mains dans le dos avant de lui passer les menottes. L'homme est mort quelques instants après. Le policier a été arrêté et inculpé de meurtre. Il risque la peine de mort ou la prison à vie s'il était reconnu coupable.
La famille de la victime a salué à maintes reprises le "héros" et l'ange" qui a pris ces images sans lesquelles elle est persuadée qu'il n'y aurait "pas eu de justice". Le policier avait dans un premier temps justifié son geste par le fait qu'il s'était senti menacé par la victime qui, selon lui, tentait de saisir son pistolet électrique, une version totalement démentie par les images filmées par un passant sur son téléphone portable.