Facebook monte au créneau face aux enquêtes qui le visent sur la vie privée
Le réseau social dénonce un changement des règles en Europe.
Par Nicolas Rauline
C’est n’est pas tous les jours que le « Financial Times » publie un véritable plaidoyer pour l’Europe, le retour aux valeurs de 1957 et le Traité de Rome, comme il l’a fait dans ses colonnes ce mercredi. Il est encore moins fréquent de constater que son auteur n’est pas un homme politique européen, mais... une société américaine ! Facebook en appelle en effet à une véritable politique européenne en matière de régulation, face à des réflexes nationaux qui pousseraient plutôt, en ce moment, chaque Etat à agir de son côté.
Explication : suite à un changement de politique de gestion des données de Google, qui avait unifié les conditions de ses différents services (Gmail, Youtube, moteur de recherche, etc.), les Cnil européennes, regroupées au sein du G29, avaient édicté un cadre réglementaire pour le respect de la vie privée en Europe. Charge ensuite à chaque Etat de le faire appliquer.
Toujours au sein de ce G29, un groupe de travail a été créé en février pour se pencher sur le cas Facebook. Les répercussions ne se sont pas fait attendre : la Belgique, les Pays Bas, la France, l’Allemagne et l’Espagne ont ouvert des enquêtes sur les pratiques du réseau social en matière de vie privée. Le premier rapport belge est même assez sévère pour Facebook et pointe du doigt le « choix limité » des utilisateurs sur l’exploitation de leurs données. Sa conclusion est sans appel : Facebook violerait le droit européen.
« Menace pour le secteur »
Pour la société américaine, ces différentes enquêtes constituent un changement des règles du jeu, qui menace tout le secteur. « Nous avons établi notre siège européen à Dublin, il y a cinq ans. Nous avons subi toute une batterie de tests de la part des autorités de régulation irlandaises et européennes, affirme aux « Echos » Richard Allan, vice-président des politiques publiques pour la zone Europe, Moyen-Orient et Afrique de Facebook. Nous avons toujours joué le jeu et aujourd’hui, on nous dit qu’il faut tout recommencer, dans tous les pays. Ce n’est pas correct et ce n’est pas un bon modèle de régulation. » Et le réseau social compare la situation à celle d’un fabricant automobile à qui l’on demanderait, pour pouvoir vendre ses véhicules dans toute l’Europe, de satisfaire à la réglementation de chacun des 28 pays européens. « C’est le développement de toutes les sociétés en Europe qui pourrait être remis en cause », n’hésite pas à dire Richard Allan.
Une enquête longue
Facebook va encore plus loin. Si jamais le réseau social devait s’adapter à la réglementation de chaque pays en Europe, cela pourrait engendrer pour lui des coûts importants, de nature à remettre en cause l’unité du service. « Notre but est d’offrir le même service à tous, dit Richard Allan. Mais il faut savoir que développer un design différent pour une même fonctionnalité, cela a un coût. »
« Si la question est de savoir si chaque Etat travaille de son côté, la réponse est non. Le groupe de contact des Cnil européennes est justement là pour échanger et coordonner », répond-on à la Cnil. En France, l’enquête visant Facebook n’en est qu’à ses débuts et pourrait être longue. Le réseau social aura, sur ce sujet, à se battre sur plusieurs fronts. Un recours collectif regroupant 25.000 utilisateurs européens a notamment été déposé au tribunal de Vienne, début avril. Chaque plaignant réclame 500 euros de dommages et intérêts à la société californienne.