Dans leurs éditions du 29 avril, à neuf jours des élections législatives en Grande-Bretagne, la plupart des quotidiens s’interrogent sur la visite que le leader du parti travailliste, Ed Miliband, a rendue à l’humoriste anglais Russell Brand, mardi 28 avril au soir, pour discuter de “la menace posée par la politique d’austérité menée par le Parti conservateur”, relate The Guardian en une.

Déjà très célèbre outre-Manche en tant qu’acteur, chanteur, présentateur de télévision et de radio, drogué repenti, coureur de jupons et adepte du bouddhisme, le très charismatique Brand, 39 ans, s’est réinventé en 2013 comme populiste de gauche, en multipliant des déclarations sur une révolution sociale qui mettra fin à “la tyrannie des grandes entreprises, l’irresponsabilité écologique et les inégalités économiques”.

Rédacteur en chef invité en novembre 2013 de l’hebdomadaire de gauche New Statesman pour défendre ses thèses, il a publié ensuite un best-seller, Revolution, en 2014, dans lequel il défend l’idée que le changement viendra par le biais du “spiritualisme et de la redistribution massive des richesses”. Une thèse que l’hebdomadaire de gauche The Observer, a qualifiée de “credo loufoque d’un bouddhiste de Beverly Hills”. Depuis, Brand s’est engagé dans de nombreuses causes très médiatisées, notamment autour de la crise du logement à Londres et les droits des transgenres.

Il a aussi suscité une polémique en incitant les jeunes à ne pas voter. Dans un entretien en 2013 avec la BBC, il avait déclaré :


“Ce n’est pas par apathie que je ne vote pas. Je ne vote pas à cause de mon indifférence, ma lassitude et mon épuisement total vis-à-vis des mensonges, des trahisons et des tromperies de la classe politique qui durent depuis des générations.”

D’où les interrogations dans la presse. Le leader des travaillistes a défendu sa visite, en déclarant : “J’irai n’importe où pour parler avec n’importe qui afin de faire passer le message sur la manière avec laquelle nous pouvons changer ce pays, de sorte qu’il fonctionnera pour les gens qui travaillent.”

Le Premier ministre David Cameron a qualifié la visite de blague : “Russell Brand est une blague, a-t-il déclaré. Ed Miliband, se rendant chez Russell Brand, est une blague.” Les extraits filmés de la rencontre sont diffusés sur YouTube depuis le 29 avril.

En une, The Guardian considère l’entretien comme un pari tactique de la part de Miliband. “Brand n’est pas inscrit sur les listes électorales, précise le quotidien. Mais s’il soutient Miliband auprès de ses 9,5 millions d’adeptes sur Twitter, il pourrait pousser certains jeunes électeurs à se rendre dans les bureaux de vote et convaincre les sceptiques que Miliband n’est pas un homme politique conventionnel et frileux, comme on le considère souvent.”

Dangereux mépris

Dans le journal conservateur The Daily Telegraph, l’auteur James Kirkup s’en prend à la déclaration du Premier ministre David Cameron :“Soyons clair. Russell Brand est loufoque, prétentieux et absurde et vraiment tout à fait stupide. Mais cela ne signifie pas que nous devons l’ignorer. Bien au contraire. Beaucoup de gens l’écoutent. Sa chaîne YouTube a plus de 1 million d’abonnés. La plupart d’entre eux sont jeunes et peu enclins à consommer du contenu de médias plus traditionnels où les gens comme moi font leur blabla sur les politiciens.”

James Kirkup considère que les propos du Premier ministre “ressemblent dangereusement au mépris, non pour cet idiot de Brand mais pour les nombreuses personnes qui constituent son auditoire”.