Avant de s’endormir, Mathis, 12 ans, vérifie une dizaine de fois si sa fenêtre est bien fermée. Ensuite, il tire ses rideaux, une opération qui lui prend un bon quart d’heure "parce qu’il ne supporte pas le moindre pli ou interstice de lumière", explique sa mère. Vient enfin l’inspection sous le lit, "à deux ou trois reprises, pour être certain qu’aucune araignée ou autre insecte ne s’y trouve".

Une routine qui retarde l’heure du coucher, mais qui surtout inquiète terriblement ses parents : "au départ, on pensait qu’il avait une simple angoisse du soir, il n’a jamais aimé aller dormir. Mais en grandissant tout cela prend de l’ampleur. Le psy que nous avons vu a parlé de TOC" , confie la maman de Mathis.

Les TOC, ou quand des "rituels" occupent plus d’une heure par jour 

TOC pour "troubles obsessionnels compulsifs", autrement dit, "des actes que l’on ne peut pas s’empêcher de faire sous peine d’éprouver un mal-être insupportable", résume Lionel Dantin, psychiatre en centre hospitalier et auteur de l’ouvrage Vaincre les Toc. Pour ce dernier, si nous avons tous parfois recours à certains rituels, lorsque ces manies prennent "plus d’une heure par jour" et deviennent indispensables au sujet pour que celui-ci s’apaise, alors "on parle de TOC".

Autrement dit, il n’est pas pathologique d’avoir de temps à autre besoin de vérifier deux ou trois fois que la porte d’entrée est bien fermée ou que notre téléphone est toujours dans notre sac. En revanche, lorsque des pans entiers de notre existence sont consacrés à ces "rituels" tels que Lionel Dantin les définit, il est temps de consulter. D’autant qu’il existe des solutions. 

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Des causes psychologiques mais aussi parfois génétiques 

Avant toute chose, explique le psychiatre, "il faut essayer de comprendre d’où vient le TOC. Sachant que certains ont une origine génétique. On observe ainsi qu’une personne ayant un TOC a sept fois plus de risques d’avoir un parent qui en souffre. Mais les TOCS peuvent également être des dérivés de l’enfance ou des symptômes exprimant une souffrance due à un traumatisme. C’est par exemple le cas pour certaines femmes qui se lavent les mains de manière obsessionnelle après une agression sexuelle ou, moins évident, par réaction à une humiliation subie."

 Pour me rassurer, j’ai commencé à m’inventer des pensées magiques

Armelle, 26 ans, a commencé à développer des TOCS après son Bac. "J’étais extrêmement stressée par cet examen et pour me rassurer, j’ai commencé à m’inventer des pensées magiques. Si je lisais mon cours plus de vingt fois, je réussirais telle épreuve, si j’avais bien tous mes stylos dans ma trousse, etc. Le problème c’est qu’une fois mon bac obtenu, j’ai continué, pour tout. Et je me retrouve aujourd’hui avec des dizaines de rituels à accomplir avant de commencer ma journée : vider et remplir mon sac au moins deux fois pour être sûre de ne rien avoir oublié, fermer, ouvrir, refermer ma voiture, etc. J’ai commencé une thérapie comportementale parce que je vois bien qu’en réalité je perds un temps fou et que les gens me regardent bizarrement."

Des traitements qui varient en fonction des types de TOC

"Les traitements diffèrent en fonction du type de TOC", explique Lionel Dantin. On peut selon lui classer ces derniers en deux grandes catégories :

  • Les TOC basés sur la sensation : "Je me lave les mains jusqu’à ce que je me sente propre, je vérifie plusieurs fois qu’un robinet est fermé jusqu’à ce que je sois sûr(e) qu’il ne goutte plus, etc."

  • Et les TOC qui se fondent sur la répétition : "Je tire trois fois les rideaux, je me lave cinq fois, je me passe quatre fois la main dans les cheveux avant de parler, etc."

Si l’arsenal des exercices proposés dans le cadre d’une thérapie est assez large, il va donc varier selon le type de rituel.

"Par exemple, détaille Lionel Dantin, prenons le cas d’une personne dont le TOC consiste à vérifier que le robinet est fermé. Son TOC se décompose en plusieurs actions. Elle ferme le robinet, puis elle passe sa main dessous pour voir si des gouttes d’eau subsistent. Puis elle tourne les talons. Elle se retourne pour regarder une nouvelle fois le robinet et s’assurer qu’il ne fuit pas. Elle se dit 'c’est bon' dans sa tête. Puis enfin elle s’en va."

Pour ce type de rituel, qu’il classe dans ceux liés à une sensation, Lionel Dantin propose au patient "de supprimer la dernière séquence", à savoir dans ce cas précis, la phrase prononcée dans sa tête, le "c’est bon", qui valide l’action. Si elle y parvient, il lui faudra ensuite dans un deuxième temps se passer du dernier regard sur le robinet après avoir tourné les talons. Et ainsi de suite.

Prendre le contrôle du TOC pour qu’il n’ait trop d’emprise 

Pour un patient qui a besoin de se laver les mains trois fois, sans quoi il ne peut pas partir au travail ou passer à autre chose, la méthode sera différente.

"Dans un contexte de TCC (thérapie cognitivo-comportementale), on lui proposera d’essayer de ne les laver plus que deux fois, puis une fois. Dans une approche dite de 'thérapie stratégique', je vais suggérer au contraire de choisir entre ne pas du tout exécuter ce rituel ou le répéter cinq fois. Le patient va donc se laver 15 fois les mains à chaque compulsion. Ce qui va rendre le rituel long et ennuyeux et donc en gommer la dimension anxiolytique. Surtout, en décidant de changer la fréquence, on prend le contrôle du TOC, ce qui lui fait perdre de son emprise."

Le Dr Nicolas Neveux, psychiatre à Paris, spécialiste des thérapies cognitives et comportementales et de la thérapie interpersonnelle, ajoute que "l’entourage ne doit jamais essayer de régler par lui-même le TOC d’un membre de la famille, mais, s’il y a lieu, se positionner avec l’aide du psychiatre. En effet, pour bien aider un proche atteint de TOCs, il faut d’abord bien comprendre le mécanisme du TOC mais aussi ce qui est en jeu pour le patient, et c’est impossible sans une intervention extérieure."

Parmi les autres exercices que le psychiatre explique dans son ouvrage, figurent la tenue d’un carnet de bord des pensées obsédantes ou actes répétitifs, des sessions de pleine conscience, etc. 

Des méthodes qui prouvent leur efficacité, assure Lionel Dantin, sans qu’il soit toutefois possible de parler de guérison assurée : "on estime à 25% l’espoir de guérison, à 50% une amélioration forte à moyen terme et à 25% un échec de la thérapie." Le petit Mathis, après six mois de consultations hebdomadaires parvient à se coucher sans prêter attention à ses rideaux ni à ce qui se trouve sous son lit. "Il a parfois des petites rechutes, mais il va mieux", se réjouit sa maman.

- Y a t-il plusieurs sortes de TOC ?

J’espère avoir bien compris votre question :

Les thèmes des TOCs (Propreté, ordre, contamination...) sont multiples. Certains TOCs se manifestent par des pensées obsédantes exclusivement, tandis que d’autres ont beaucoup de rituels en plus de ces pensées.

- Peut-on en guérir ? Si oui, comment ?

Les TOCs sont des maladies que l’on sait traiter de nos jours. L’abord est systématiquement psychothérapique, les thérapies cognitives et comportementales (TCC) ayant fait leurs preuves scientifiquement dans cette indication, mais aussi médicamenteux (en particulier les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS))

- L'entourage joue-t-il un rôle dans la guérison ?

Oui, mais l’entourage a surtout pour rôle ne pas entretenir des bénéfices secondaires au TOC. L’entourage ne doit jamais essayer de régler par lui-même le TOC d’un membre de la famille, mais, s’il y a lieu, se positionner avec l’aide du psychiatre. En effet, pour bien aider un proche atteint de TOCs, il faut d’abord bien comprendre le mécanisme du TOC mais aussi ce qui est en jeu pour le patient, et c’est impossible sans une intervention extérieure.

(par exemple le besoin de laver continuellement son intérieur)