Les médias complaisants avec le FN ? C'est pas faux ...

« Mansuétude »… « Complaisance » Les dirigeants du PS et de l’UMP emploient les mêmes mots accusateurs pour dénoncer le traitement « si favorable » du FN par les médias. Xavier Bertrand, Gérald Darmanin, Brice Hortefeux d’un côté, et de l’autre Bruno le Roux ou Jean-Christophe Cambadélis se montrent pareillement « effarés », « indignés », « scandalisés » du « favoritisme médiatique » dont bénéficie l’extrême-droite pour ses manquements répétés à la morale publique, alors qu’ils sont eux « cloués au pilori au moindre faux-pas». Sans doute, en passant ainsi à la contre attaque contre les organes de presse, les uns et les autres peuvent-ils se défausser partiellement de leurs responsabilités dans la progression frontiste, mais l’acte d’accusation n’en vaut pas moins d’être entendu, car la banalisation du FN frise l’indulgence…

Les dirigeants du PS, le chef du gouvernement et le Président lui-même n’en reviennent pas ! Ces grands cyniques se sont fait des illusions…Mardi soir dernier, alors que ces « chapeaux à plumes » étaient réunis à l’Elysée, chacun espérait encore  que la presse fasse grand battage des révélations de Médiapart sur l’argent que Jean-Marie Le Pen avait détenu en Suisse : 2,2 millions d’euros dont 1,7 million sous forme de lingots et de pièces. « C’est leur tour maintenant, ils vont dérouiller », se réjouissait l’un. « Enfin, le pilori médiatique, ça va être pour eux », se félicitait un autre. On entendait à peine ceux qui, comme Jean-Christophe Cambadélis, doutaient que la presse fasse ses titres de Une, tant « le FN bénéficie aujourd’hui de ce qu’il nomme « l’impunité médiatique ». Or, c’est le patron du PS qui avait tristement raison.

Ce dernier scandale Le Pen, pourtant d’importance, n’aura provoqué que quelques articles de bas de page. Tout juste un entrefilet dans le Figaro. Il s’agissait bien du « Président d’honneur » (sic) et fondateur du FN, ce parti qui donne des leçons de bonne conduite à toutes les formations républicaines. « Quelle mansuétude, s’indignait le lendemain sur Europe 1 Bruno le Roux, le patron du groupe parlementaire PS, qui relevait « ça concernerait n’importe quel autre parti, n’importe quel autre élu, ça ferait les grands titres de la presse ». Il est vrai qu’on manifeste une autre exigence morale envers les gouvernants, particulièrement socialistes puisqu’ils ont revendiqué le monopole de l’éthique. Mais à sa façon ,le FN aussi qui a fait tant de campagnes derrière le slogan lepéniste « tête haute mains propres » ! 

Ce constat indigné de Bruno Le Roux, Gérald Darmanin, député UMP, le reprenait volontiers à son compte. La presse, les radios, les télés, font preuve de « mansuétude coupable », s’exaspère-t-il, « si l’un d’entre nous avait fait le dixième, il aurait été déchiré ».  Et de poursuivre : « quand Sarkozy tient une conférence à l’étranger, il se fait déchirer pendant des jours. Or le FN patauge dans les affaires et…rien ». Il est exact que le parti des Le Pen commence à être criblé– comme les autres, pire que les autres ?- de poursuites qui devraient être gênantes. Les mises en examen pour financement illégal des campagnes de 2012…Les emplois fictifs des assistants parlementaires européens…L’emprunt russe qui met entre les mains de Poutine cette formation prétendument souverainiste. Xavier Bertrand en décembre 2014 sur RTL a tenté de secouer le grelot, mais sans grand succès. Le FN est intouchable, ou en tout cas « intouché ». Les journalistes tolèrent même que d’autres journalistes soient interdits de question et de manifestation par le Front. Un déni de liberté de presse dont la profession s’accommode…

Marine Le Pen exercerait une « véritable fascination sur les médias », relèvent aussi bien le sarkozyste Brice Hortefeux que le socialiste Jean-Christophe Cambadélis. « Elle les impressionne, même s’il lui sont en majorité hostiles », relève agacé le premier, « comme elle a le vent en poupe, ils lui passent tout ». Et puis, « Elle », « Il » et « Ils (avec Marion Marion-Maréchal Le Pen) font vendre. Ils créent le suspens… On feuilletonne les aventures de la famille que les manquements à la morale publique viennent tout juste pimenter. Les Le Pen, ce sont les Borgias de l’époque qui font le spectacle, avec des seconds rôles performants comme Florian Philippot qui a son rond de serviette sur « BFN », selon le surnom de BFM que colportent volontiers les socialistes. Mais ils ne limitent pas leurs critiques à cette chaîne d’info : « ce sont tous les médias qui devraient s’interroger, souligne Jean-Christophe Cambadélis, car ils sont passés de la banalisation à l’acceptation, et à la mise en valeur, à la fascination face à Marine Le Pen dont ils valident le propos en la jugeant excellente ».

On peut toujours écarter l’interpellation en demandant aux politiques de commencer par balayer devant leurs portes. Sans doute s’ils engageaient une politique  économique et sociale plus efficace et plus juste, le discours d’extrême droite aurait moins d’impact. On peut aussi tenter de se rassurer avec Brice Hortefeux qui croit voir une évolution dans l’écho donné aux mises en cause du programme économique du Front « totalement erratique ». Enfin, il y aura sans doute un moment où le vent médiatique tournera et on s’acharnera alors sur le FN autant qu’on l’épargne aujourd’hui. Mais le constat est indéniable : Marine Le Pen et les lepénistes qui crient à la persécution médiatique font tous les plateaux en un confort momentanément privilégié…