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Les escadrons de la mort de retour devant les juges

Il y a un an, l'ancien chef de la police guatémaltèque a été reconnu coupable d'assassinat.Copyright : M.CASTILLO/AP
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Pour la deuxième fois, la justice genevoise va se pencher sur le cas d'Erwin Sperisen, cet ancien chef de la police guatémaltèque, âgé aujourd'hui de 45 ans. Faisait-il partie des escadrons de la mort? A-t-il participé à l'élimination de sept prisonniers rebelles du pénitencier guatémaltèque de Pavon en 2006? Le procès en appel commence aujourd'hui et va durer une semaine. Il y a un an, au mois de juin, le «Viking», comme il a été surnommé, a été reconnu coupable d'assassinat pour ces faits et condamné à la prison à vie.

Pourquoi la Suisse?

Pourquoi cette affaire qui n'a rien d'helvétique a-t-elle abouti devant la justice genevoise? Erwin Sperisen est né au Guatemala et il y a fait sa carrière. Mais son grand-père était parti de Lucerne, dans les années 30, pour créer une exploitation agricole dans ce pays d'Amérique centrale. Son petit-fils a conservé le passeport helvétique. En 2004, ce binational a été nommé directeur général de la police nationale civile (PNC) du Guatemala. Entre-temps, la prison de Pavon, censée fonctionner comme un centre de réhabilitation modèle pour les 1800 condamnés qui y purgeaient leur peine, était devenue une zone de non-droit. Un groupe de détenus réunis au sein d'un comité d'ordre et de discipline faisait la loi.

Les droits de l'homme

Le 25 septembre 2006, les autorités ont décidé de reprendre les choses en main. En cas de conflit avec les détenus, il ne fallait faire feu qu'en dernière extrémité. Selon la version officielle, l'opération, largement filmée et diffusée, a été couronnée de succès. Seuls sept prisonniers sont morts au cours d'affrontements avec les forces de l'ordre. Diverses associations actives dans la défense des droits de l'homme ont assez vite affirmé que les choses s'étaient déroulées différemment. Les fortes têtes de l'établissement auraient été froidement exécutées notamment par la police avec la complicité de l'Etat. En 2010, la commission internationale contre l'impunité au Guatemala (Cicig) émettait dix-huit mandats d'arrêts. L'un d'eux visait Erwin Sperisen.

Lequel vivait en Suisse depuis 2007. Car, disait-il, sa vie et celle de sa famille étaient menacées au Guatemala, à cause de son action anticorruption au sein de la police. Dès 2009, à Genève, l'homme est dénoncé au Ministère public par diverses ONG, dont Track Impunity Always (TRIAL). Mais presque rien ne bouge jusqu'en 2012, date à laquelle le procureur Yves Bertossa reprend le dossier. TRIAL lui fait parvenir deux DVD dans lesquels un ex-détenu français de Pavon affirme avoir vu Sperisen exécuter lui-même un prisonnier d'une balle dans la tête. En août 2012, le «Viking» est arrêté et il se trouve depuis lors à Champ-Dollon.

Erwin Sperisen est-il coupable des crimes qu'on lui reproche? Dispose-t-on de suffisamment d'éléments pour le condamner? Lui-même continue à clamer son innocence.

Et un an après le procès de 2014, les sources de malaise demeurent. L'unique plaignante qui dit, dans une vidéo, ne pas savoir qu'elle l'est, en est une. La nature des liens entre le procureur Bertossa et l'association TRIAL, si active dans la dénonciation d'Erwin Sperisen depuis 2009, en est une autre.

Un procès équitable

Même si les diverses demandes de récusation de la défense (Mes Florian Baier et Giorgio Campa) ont été rejetées les unes après les autres par le Tribunal fédéral, même si l'on peut douter de l'efficacité de cette guérilla permanente qui finit par épuiser les juges avant même le début du procès, les questions de fond restent inchangées. Elles touchent le cadre des débats et la possibilité ou non d'un procès équitable. Aucune jusqu'ici n'a été résolue. Ce procès en appel est l'occasion ou jamais de le faire.