INTERNATIONAL - C'est une visite qui a fait couler beaucoup d'encre. Ce mardi 5 mai François Hollande entamait la deuxième étape de son voyage au Moyen-Orient, avec les ministres des Affaires étrangères et de la Défense, Laurent Fabius et Jean-Yves Le Drian. Après un saut par le Qatar, la veille, pour signer la nouvelle vente de Rafale, François Hollande a rejoint l'Arabie Saoudite.
Le président français a assisté mardi, et c'est une première pour un chef d'Etat occidental, au sommet du Conseil de coopération du Golfe. Au centre des discussions, les crises que connaît la région, avec en haut de l'ordre du jour, la guerre au Yémen. La France a spectaculairement resserré ses liens avec les monarchies du Golfe lors de cette visite marquée par la vente du Rafale au Qatar et la perspective de "dizaines de milliards d'euros" de contrats avec l'Arabie saoudite.
Dans un communiqué conjoint, les dirigeants du Conseil de coopération du Golfe et la France ont souligné "que la rencontre de Ryad est le point de départ d'un partenariat spécial" entre eux. Au cours de ce sommet où les monarchies ont fait bloc face à l'Iran, François Hollande s'est notamment inquiété de la "déstabilisation" du Yémen et a réaffirmé "l'engagement de la France" aux côtés des pays du Golfe, majoritairement sunnites.
Derrière le Yémen, l'affrontement entre l'Arabie Saoudite et l'Iran
Débutée à la fin mars, la guerre au Yémen dépasse largement les frontières de ce pays, le plus pauvre de la péninsule arabique. En effet, elle illustre en creux la rivalité entre l'Arabie Saoudite et l'Iran. Pour rappel, c'est l'avancée des Houthis, rebelles chiites soutenus par l'Iran, qui avait provoqué l'intervention militaire de la coalition arabe, menée par l'Arabie Saoudite.
"La guerre au Yémen est une excroissance de la guerre froide que se livrent l'Iran et l'Arabie Saoudite depuis des années", souligne Karim Emile Bitar, directeur de recherche à l'Iris. "En mobilisant rapidement une coalition militaire, Ryad a voulu signifier à Téhéran, qu'elle avait dépassé la ligne rouge [en apportant son soutien aux Houthis, ndlr], explique le chercheur au HuffPost.
Le clivage religieux est régulièrement mis en avant pour expliquer cette guerre larvée entre les deux pays. En effet, l'Arabie Saoudite est un pays sunnite alors que l'Iran obéit aux rites du chiisme, une autre branche de l'islam. Toutefois, cette ligne de fracture n'est pas "suffisante" pour comprendre ce conflit, selon Karim Emile Bitar. "Il s'agit surtout d'un affrontement géopolitique classique, entre deux puissances régionales", explique-t-il. "Si ces deux mastodontes de la région ont parfois recours à la rhétorique communautariste pour mobiliser les masses, leur affrontement n'a pas de fondement théologique. Il est surtout question de puissance, d'économie et de territoire", ajoute-t-il.
Jeu d'influence, jeu d'alliance
La montée en puissance de l'Iran remonte à 2003, au moment de la guerre en Irak, rappelle le spécialiste. Après la chute de Saddam Hussein, dirigeant sunnite, la communauté chiite irakienne devient plus puissante, renforçant ainsi l'influence de l'Iran. "Cette montée en puissance a suscité une réaction de panique des pays du Golfe, majoritairement sunnites, et qui souhaitent arrêter la percée chiite iranienne", poursuit-il.
L'Arabie Saoudite et l'Iran sont donc les deux leaders de cette "guerre froide" mais les pays voisins ont également leur rôle à jouer. Pour comprendre cet équilibre régional, nous avons demandé à Karim Emile Bitar de décrypter, pays par pays, la position de chacun vis-à-vis de l'Arabie Saoudite et de l'Iran. Un jeu d'influence et d'alliances à découvrir dans la carte ci-dessous:
Légende: en vert les pays dirigés par des sunnites, en rouge, les pays sous pouvoir chiite, en bleu, les pays dont les dirigeants sont d'une autre influence religieuse. Cliquez sur chaque pays pour avoir le détail des appartenances religieuses des populations, parfois divergentes.