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Interview

Christian Paul : « Simplifier la vie des entreprises ne peut se faire au prix de la précarisation des droits des salariés »

Christian Paul (Député socialiste de la Nièvre, chef de file des « frondeurs » et de l'aile gauche du PS au congrès de Poitiers (motion B, baptisée « A gauche, pour gagner ! »))

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Par Grégoire Poussielgue, Pierre-Alain Furbury

Publié le 5 mai 2015 à 01:01

Christian Paul, qui mène l'aile gauche du PS au congrès de Poitiers en juin, dévoile l'« agenda des réformes » qu'il présentera ce mercredi, jour anniversaire des trois ans de l'élection de François Hollande

Quelle note donneriez-vous à François Hollande après trois ans au pouvoir ?

Je ne suis pas une agence de notation. Il y a eu beaucoup de chantiers ouverts, peut-être comme jamais. Mais sur le front principal, celui de la politique économique, du chômage de masse et de l'empreinte sociale d'une majorité de gauche, les Français ressentent combien nous sommes loin des engagements de 2012, et des objectifs annoncés depuis. Dès lors, c'est le sens de notre action qui est questionné.

L'embellie économique ne suffit pas à vous convaincre ?

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Il y a comme une embellie - mais à qui profite-t-elle ? -, une reprise qui n'est pas une sortie de la crise. Elle est très largement due aux « chocs exogènes » positifs que sont le niveau de l'euro, la baisse des taux, celle du pétrole et, au moins psychologiquement, les actions nouvelles de la BCE. Le pacte de responsabilité et les choix politiques nationaux ne permettent pas d'en profiter à plein. L'avantage compétitif de notre pays serait de conjuguer efficacité économique, transition écologique et justice sociale. Sans être dans le zigzag, il faut infléchir la politique économique.

Comment sortir de cette croissance sans emploi ?

Nous ne sommes pas dogmatiques. Personne au PS ne considère qu'il faut abandonner une politique de soutien aux entreprises. La question est de savoir si une politique uniquement tournée vers l'offre peut être réussie sans contrepartie et sans condition. Il faut réorienter 20 milliards du pacte de responsabilité vers des mesures beaucoup plus ciblées sur l'investissement, et il faut le faire tout de suite, dès juillet. Fusionner deux crédits d'impôts, le Cice et le crédit d'impôt-recherche, pour créer un nouvel outil qui serait le Ciri, le crédit d'impôt recherche et investissement. Soutenir l'investissement des collectivités locales, étranglé par la baisse de leurs dotations. Et reprendre le chantier de la réforme fiscale. On ne fera pas en deux ans ce qu'on aurait dû faire en cinq, mais il faut amorcer la fusion CSG-Impôt sur le revenu en commençant par une baisse de la CSG sur les premières tranches du barème. Cela permettra de redresser le pouvoir d'achat des classes populaires et moyennes. Et de redonner confiance dans la justice du système fiscal.

Cela suffirait-il ?

Sûrement pas. Mais il y a d'autres secteurs sur lesquels on peut avoir des retombées rapides. Comme le logement, où il faut accélérer la rénovation thermique, ou le déploiement des réseaux numériques avec la fibre. Je suis aussi partisan d'une deuxième loi bancaire, la première ayant été minimaliste et peu convaincante. La responsabilité territoriale des banques pour le financement des PME doit être réaffirmée, comme cela est le cas depuis un demi-siècle aux Etats-Unis. Or, sur ce sujet comme dans bien d'autres, le PS a été absent.

Avez-vous chiffré l'impact de vos propositions ?

A court terme, le chômage peut baisser de 200.000 à 300.000 personnes. Dont plusieurs dizaines de milliers d'emplois par un meilleur ciblage public sur le logement, le BTP et le numérique.

Manuel Valls veut plus de souplesse sur le droit du travail. Fait-il fausse route ?

Il faut juger le maçon au pied du mur. Sans malice, je rappelle que le Premier ministre s'est engagé sur un texte - de motion - qui dit le contraire. La rhétorique des verrous que l'on fait sauter est souvent du marketing politique. Simplifier la vie des entreprises, oui, mais pas au prix de la précarisation des droits des salariés. Commençons par la loi Rebsamen sur le dialogue social. Le compte personnel d'activité doit être mis en place sans retard. Le problème n'est pas de faire des annonces, mais de mettre en oeuvre des politiques de haute intensité, et non de basse tension.

Avez-vous encore l'espoir d'infléchir la loi Macron ?

Oui. Je souhaite un compromis de sortie, notamment sur le travail dominical. Et que le gouvernement renonce d'emblée à recourir à nouveau au 49-3, qui est un artifice rouillé de la Ve République, dont l'emploi n'est pas digne dès lors qu'on a la majorité absolue à l'Assemblée.

Que serait un congrès du PS réussi en juin ?

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Le congrès du PS doit passer du discours aux actes, de l'habileté à l'action. L'initiative que j'incarne n'est pas une volonté de gêner l'exécutif, mais le PS doit être respecté par le gouvernement. Il doit trouver sa place entre l'exécutif et le Parlement, non pour dicter mais pour inspirer la politique du gouvernement. François Hollande ne peut pas réussir sans nous, ni réussir avec un PS faible. Ce que nous avons prêché dans le désert commence à être entendu. Ce congrès doit permettre à la France de triompher des inerties et des résistances. En disant cela, je me range dans le camp de ceux qui souhaitent une transformation de ce pays. Il aurait fallu commencer dès mai 2012. Il est encore temps de faire de grandes choses. Mais il n'y a plus une minute à perdre.

Cela passe-t-il par un changement de premier secrétaire ?

Evidemment. Je n'ai pas senti de changement réel depuis un an. Sans doute davantage d'habileté. Mais rien sur le fond.

Pa. F. G. P.

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