SEXISMETribune contre le sexisme: «La prochaine étape? Donner les noms des politiques»

Tribune contre le sexisme: «La prochaine étape? Donner les noms des politiques»

SEXISMEHélène Bekmezian, journaliste au service politique du «Monde», parle de la tribune à «20 Minutes»...
Hélène Bekmezian
Hélène Bekmezian - Le Monde
Dolores Bakela

Dolores Bakela

Hélène Bekmezian, journaliste au Monde depuis 2008, au service politique depuis 2012, est l'une des signataires de la tribune parue sur le site de Libération pour dénoncer le sexisme de certains hommes politiques à l'égard des femmes journalistes. Elle revient sur la naissance de ce projet, émaillé de nombreux échanges de témoignages et de mails.

Pourquoi avoir accepté de participer à ce projet?

Je n'ai pas été difficile à convaincre en lisant les histoires des autres. J'ai découvert des choses et ai été hallucinée par certains propos, certaines situations incroyables, comme la main dans les cheveux que vivent des consoeurs. Je ne considère pas être victime du sexisme au quotidien, d'une part parce que je l'ai intériorisé, parce que ça s'est banalisé et là c'est dangereux. Peut-être que d'autre part, je suis plus grande gueule, et certains politiques ne se permettent pas avec moi ce qu'ils se permettent avec d'autres. Signer cette tribune s'inscrit dans une démarche collective et solidaire.

Ce que reprochent les femmes journalistes aux politiques dans leur tribune

Pourquoi maintenant?

Je ne fais pas partie de celles qui ont piloté l'initiative, depuis longtemps dans les tuyaux et proposée par des journalistes de Libération. On m'a contactée fin février car la tribune était prévue initialement pour sortir lors de la Journée de la femme le 8 mars. Après l'affaire DSK et la nouvelle génération arrivée au gouvernement en 2012, avec la volonté d'avoir des comportements exemplaires, il y a eu une accalmie. Mais c'est revenu avec la force de l'habitude. A force, on intériorise, on se sent responsable, on finit par oublier de dénoncer ces comportements! Or, la question ce n'est pas de savoir pouquoi on se défend, c'est pourquoi on nous attaque.

L'élément déclencheur?

Il y a eu la goutte d'eau qui a fait déborder le vase, le propos déplacé de trop. Ce moment, où les initiatrices de la tribune se sont dit, qu'il n'était plus possible de se contenter de raconter ce qui se passe à la machine à café et aux copains, mais de le rendre public, parce qu'elles se sont dit qu'elles n'étaient pas seules à vivre ça. Et en passant des coups de fil, dont à moi, elles se sont rendu compte de ce qu'elles savaient déjà: on est, toutes, à des degrés divers, dans la même situation.

Pourquoi vous signez publiquement la tribune mais d'autres journalistes ont gardé l'anonymat?

Au départ, on se disait qu'on allait toutes afficher nos noms. Puis toutes le cacher. On a opté pour l'entre-deux quand, au moment où le texte allait être publié, certaines d'entre nous ont eu peur de l'assumer au sein de leurs rédactions. Soit elles étaient précaires (pigistes, CDD...), soit parce qu'elles sont dans des rédactions très masculines, parfois machistes et qu'elles avaient peur que cela complique leurs conditions de travail. Je pouvais signer pour d'autres, parce que je suis en CDI et ma hiérarchie ou même mes collègues me soutiennent dans ma démarche.

Est-ce une tribune juste pour défendre les femmes journalistes?

Si les hommes politiques se comportent comme ça avec les journalistes, c'est qu'ils se comportent comme ça avec la gente féminine en général. Ils font nos lois, doivent défendre les droits de tous les citoyens et des citoyennes. Si leur mentalité est comme ça, on peut imaginer qu'elle peut influer dans leurs décisions politiques et donc des répercussions sur la société civile.

Avez-vous pensé à la suite?

Je pense qu'il ne faut pas avoir peur de dire publiquement les choses. La prochaine étape sera peut-être de nommer publiquement les gens qui ont des comportements sexistes. Par ailleurs, je pense que c'est aussi, à nous, femmes, qui portons une responsabilité collective, de dénoncer ces attitudes dans notre vie de tous les jours, dans l'exercice de notre fonction. J'ai reçu pas mal de réactions, d'anonymes, de responsables politiques hommes et femmes qui ont salué la démarche. J'espère que ça va changer les comportements. Ça va calmer les ardeurs mais ça ne changera pas les mœurs de la société. Cette tribune permet de prendre conscience de ce qui se passe, c'est déjà ça. Oui, ça arrive encore!

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