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Chronique

Au secours, la croissance est là !

Dopée par la chute des cours du pétrole et de l'euro, l'activité repart en France. Elle va accélérer l'an prochain. Les candidats à l'élection vont donc débattre d'une France en croissance. Gare au retournement conjoncturel...

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Par Jean-Marc Vittori

Publié le 5 mai 2015 à 01:01

Comme une impression de beau temps... De jeunes pousses apparaissent enfin dans le champ de l'économie française. Les consommateurs consomment davantage (+1,6 % au premier trimestre), les industriels ont meilleur moral, les organisations internationales révisent leurs prévisions à la hausse. Après les « trois médiocres », trois années de stagnation du revenu par tête, il faut savoir savourer les bonnes nouvelles. Même si elles laissent une impression d'inachevé. Le chômage grimpe mois après mois, malgré la promesse présidentielle. La croissance reste lente, sans doute sur une pente d'à peine plus de 1 % l'an. Autrement dit, les températures sont inférieures à la moyenne saisonnière. Et, pourtant, cette petite embellie risque de faire partir dans le décor ce moment décisif du destin national qu'est la campagne présidentielle. Car elle va s'épanouir au plus mauvais moment...

Pour comprendre ce qui est à l'oeuvre dans l'économie nationale, un petit voyage dans le temps est éclairant. Revenons en 1986. Cette année-là, le prix du baril de pétrole est divisé par quatre, suite à la décision de l'Arabie saoudite de maintenir ses parts de marché. Les économistes l'affirmaient haut et fort : l'activité allait redémarrer très vite. Las ! L'année 1987 est décevante. La production accélère de... 0,2 %. Le nombre de chômeurs augmente encore de 15.000. Nous en sommes là. Stimulée aussi par la baisse de l'euro et des taux d'intérêt au plus bas, l'activité accélère davantage qu'en 1987. Mais le chômage continue de grimper.

La suite de l'histoire est instructive. Fin 1987, un krach boursier provoqué par des bisbilles entre l'Allemagne et les Etats-Unis (-23 % à Wall Street le 19 octobre !) obscurcit les perspectives. Divine surprise en 1988 : en France, le PIB progresse de... 4,7 % ! Et le nombre de chômeurs diminue de 100.000. Pourquoi un tel décalage ? D'abord, parce que la mécanique économique ressemble davantage à la plomberie, où il faut du temps pour que l'eau chaude arrive au robinet, qu'à l'électricité, où il suffit d'appuyer sur l'interrupteur pour allumer la lumière. Ensuite, parce que les entreprises françaises venaient juste de reconstituer leurs marges, avec le « tournant de la rigueur » enclenché par le gouvernement socialiste de Pierre Mauroy en 1983. Seule la consolidation du mouvement, permise par l'allégement de la facture pétrolière, leur a donné les moyens et l'envie d'investir. Or si l'investissement ne déclenche pas la reprise, c'est toujours lui qui l'accélère.

Aujourd'hui, les marges commencent à peine à remonter. Comme en 1983, un gouvernement socialiste a pris des mesures très favorables aux entreprises - crédit d'impôt assis sur les bas salaires, baisse de cotisations, suramortissement. Elles devraient donner leur plein effet l'an prochain. Notre année 1988, ça pourrait donc bien être 2016, à condition bien sûr qu'il n'y ait pas un choc à l'étranger (sortie brutale de la Grèce de la zone euro, krach aux Etats-Unis, effondrement en Chine, etc.).

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Nous sommes bien sûr à une autre époque. La croissance n'approchera pas 5 % ! Elle pourrait toutefois atteindre de 1,5 % à 2 %, pour la première fois depuis cinq ans. Le chômage reculera enfin. L'argent rentrera plus facilement dans les caisses de l'Etat. Comme en l'an 2000, certains seront alors tentés d'appeler « cagnotte » le comblement très partiel d'un gouffre budgétaire. Et Bruxelles froncera les sourcils sur de nouvelles dépenses, ce qui explique que François Hollande se montre aujourd'hui très discret sur une reprise dont il proclamait pourtant l'imminence depuis maintenant près de trois ans.

Cette amplification de la reprise l'an prochain va faire bouger les lignes politiques. François Hollande sera sans doute conforté dans sa conviction qu'il peut remporter l'élection présidentielle de 2017. Symétriquement, la partie sera plus compliquée à jouer pour Marine Le Pen, qui prospère sur le fumier de la crise. Mais cette activité économique plus forte aura aussi un effet politique moins réjouissant. Elle risque d'aiguiller la campagne de 2017 sur une fausse voie. Les candidats engageront immanquablement le fer sur le partage des fruits de la reprise. Quelles dépenses augmenter ? Quels impôts réduire ? En la matière, leur imagination est sans limite.

Ce débat serait logique et souhaitable si l'économie repartait vraiment. Or c'est l'inverse qui est le plus probable. Ce n'est pas le grand beau temps qui revient, mais plutôt une embellie passagère, une trouée de soleil à travers une masse de nuages passés et à venir. La chute du baril d'or noir porte en elle les germes de son renchérissement, car elle casse l'investissement dans les pétroles non conventionnels. L'euro a bien des raisons de se renforcer, à commencer par les colossaux excédents extérieurs de l'Union monétaire. On a du mal à imaginer des taux d'intérêt encore plus bas, même si on a peut-être tort. « L'alignement des astres », détecté par le spécialiste du cosmos François Hollande, est condamné à ne pas durer. Et les entreprises françaises sont loin d'avoir retrouvé la compétitivité qu'elles avaient fini par se forger à la fin des années 1980. Après s'être épanouie en 2016, la croissance risque donc de s'évanouir courant 2017. Mais les Français, eux, auront débattu pendant des mois sur des mesures adaptées à un pays en plein essor. Elu sur des promesses de foie gras, le prochain président devra faire avaler de l'huile de ricin. La politique n'en sortira pas grandie.

Jean-Marc Vittori

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