Les entreprises allemandes et britanniques, championnes des violations des droits de l’Homme

unternehmensverantwortung_globable_nachhaltigkeit_ausbeutung_aktionsplan_kopie_2.jpg [Robert Scoble]

L’Allemagne et le Royaume-Uni figurent dans la liste des pays comptant les plus d’entreprises accusées de violations graves des droits de l’Homme dans le monde, selon une enquête récente de l’université de Maastricht. Un article d’EURACTIV Allemagne.

L’université de Maastricht a examiné 1 800 violations des droits de l’Homme, dont 87 concernent des entreprises allemandes. L’Allemagne est donc le cinquième pays au monde en ce qui concerne les accusations de violations des droits de l’Homme liées au commerce, après les États-Unis (511 cas), le Royaume-Uni (198 cas), le Canada (110 cas) et la Chine (94 cas).

La liste de potentielles violations des droits de l’Homme liées aux entreprises est longue et inclut des cas comme la pollution de l’eau découlant de l’extraction de cuivre pour la construction automobile au Pérou, les confiscations de terres au profit de plantations de café en Ouganda, l’inondation de village suite à la construction d’un barrage au Soudan ou encore l’exploitation des travailleurs de l’industrie des vêtements.

Des entreprises allemandes sont directement ou indirectement impliquées dans 87 de ces cas, selon les ONG plaignantes, dont les accusations ont récemment été confirmées par l’étude comparative mondiale de l’université de Maastricht.

Les industries automobile et textile en premier plan

En Allemagne, ce sont les importations de matières premières primaires pour les secteurs de l’automobile et de la chimie qui sont les plus vivement critiquées par la société civile.

Dans ces secteurs, la production a lieu dans « des conditions qui sont problématiques pour les droits de l’Homme », selon une étude récente menée par les ONG allemandes Germanwatch et Misereor.

De plus, les violations se déroulent souvent dans des pays dont les structures gouvernementales sont faibles et parfois corrompues, ajoutent les ONG.

En Guinée, par exemple, l’extraction minière de bauxite a engendré des appropriations de terres. L’accès à l’eau des habitants a été coupé et les explosions dans les carrières ont endommagé les maisons, explique l’étude.

Des échantillons d’eau et de terre des environs des mines de cuivres péruviennes révèlent des quantités excessives de cuivre, de plomb, d’arsenic et de mercure, des substances nocives dangereuses pour les animaux et les humains.

Toutefois, il est généralement impossible de prouver que la matière première extraite dans une mine finit bien dans des voitures fabriquées par BMW, Daimler ou VW, soulignent les auteurs de l’enquête. Ce manque de preuve est dû à la complexité des chaînes d’approvisionnement et au manque de transparence des entreprises.

À ce jour, les entreprises allemandes n’ont été soumises à aucune règle contraignante à ce sujet. « Le gouvernement et le parlement allemands continuent de compter exclusivement sur des mesures volontaires », dénonce Klaus Milke, président de du conseil d’administration de Germanwatch.

« L’expérience montre que les mesures volontaires prises par des avant-gardistes sont importantes, mais elles n’empêchent pas les comportements irresponsables des moutons noirs de l’industrie. Il faut à présent mettre en place des exigences et incitatifs préventifs pour que toutes les entreprises fasse leur devoir et respectent les droits de l’Homme », explique-t-il.

Une réglementation légale basée sur un plan d’action national

Le gouvernement allemand est conscient du problème. Depuis la fin de l’année 2014, il élabore un plan d’action intitulé « Commerce et droits de l’Homme », en collaboration avec le ministère des Affaires étrangères. Y contribuent également des associations économiques et issues de la société civile.

Le 6 mai, le gouvernement devrait présenter ses résultats préliminaires au public. Les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’Homme servent de base à ce plan d’action, et le gouvernement allemand a déclaré espérer « contribuer à l’application de ces principes directeurs ».

« Le gouvernement n’est pas seul responsable des droits de l’Homme, les entreprises le sont aussi, et également pour leurs activités internationales. Ce qui bénéficie à certaines personnes ne devrait pas être dangereux pour d’autres », a souligné Frank-Walter Steinmeier, le ministre allemand des Affaires étrangères, lors du lancement de l’élaboration du plan d’action.

Les principes directeurs de l’ONU sont organisés autour de trois piliers : la responsabilité de l’États de protéger les droits de l’Homme, la responsabilité des entreprises de respecter les droits de l’Homme et l’accès des victimes des abus liés au commerce à des instruments judiciaires et extrajudiciaire.

Ces mesures ont été adoptées par l’ONU en 2011, mais le gouvernement allemand avait refusé de les appliquer.

Des règles contraignantes en France

La question des droits de l’Homme est pourtant importante pour l’économie allemande. Des 30 entreprises allemandes du DAX, l’indice boursier de Francfort, sept ont déjà adopté leur propre cahier des charges sur les droits de l’Homme.

Sept autres entreprises sont régies par une chartre sociale qui comprend les principaux problèmes de droits de l’Homme, selon une enquête réalisée par Germanwatch et Misereor.

Neuf entreprises sur dix ont en outre déclaré disposer d’un mécanisme de plainte, tel qu’une ligne téléphonique dédiée à la conformité ou un médiateur.

Les ONG estiment cependant que ces mesures sont insuffisantes et que des règles doivent être formulées de manière plus stricte. Elles souhaitent également la mise en place de règles contraignantes.

Les ONG se servent de l’exemple français pour étayer leurs propos. En effet, il y a quelques semaines, l’assemblée nationale française a voté en faveur de l’obligation pour les entreprises de mener des évaluations de due diligence sur les droits de l’Homme et l’environnement.

>>Lire: La France veut promouvoir le devoir de vigilance des multinationales auprès de l’UE

En cas de non-respect de cette obligation, les entreprises s’exposent à des amendes jusqu’à 10 millions d’euros ou à risquer leur responsabilité civile.

En Allemagne, une telle mesure ne pourrait pas être adoptée avant des années. Le cabinet fédéral entend valider le plan d’action à la mi-2016.

>> Lire aussi : La Suède veut un commissaire européen aux droits de l’Homme

Depuis leur adoption en 2011, les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l'Homme sont devenu la norme mondiale de prévention et de rectification des violations directes et indirectes des droits de l'Homme causées par les activités commerciales. Ces principes sont la première initiative de l'ONU concernant la responsabilité des entreprises vis-à-vis des questions de droits fondamentaux.

Ils s'organisent autour de trois piliers :

  • la responsabilité de l'États de protéger les droits de l'Homme ;
  • la responsabilité des entreprises de respecter les droits de l'Homme ;
  • l'accès des victimes des abus liés au commerce à des instruments judiciaires et extrajudiciaire.

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