EDUCATION - Une réforme "dégueulasse", un "naufrage pour la Nation", une "atteinte à notre modèle républicain", une "offense à l’intelligence des enseignants"... Depuis plusieurs semaines, la chasse est ouverte à l'UMP et au centre. La cible: Najat Vallaud Belkacem et sa réforme du collège, toutes deux accusées de tous les maux par une opposition décidée à faire trébucher la "bonne élève" du gouvernement Valls.
Pour son premier grand dossier à la tête du délicat portefeuille de l'Education, la jeune ministre se heurte à une résistance farouche des cadres de l'UMP, bien aidés par certains historiens et intellectuels qui tirent à boulets rouges tant sur la réoganisation du collège que sur le projet de réforme des programmes.
Qu'importe que ni l'un ni l'autre de ces textes ne soient définitivement bouclés. La consultation des enseignants sur la réforme des programmes du primaire au collège débute d'ailleurs ce lundi 11 mai et se prolongera jusqu'au 12 juin prochain. Ce qui n'a pas empêché, la semaine dernière, le député Bruno Le Maire et 222 parlementaires de la droite et du centre de signer un courrier demandant à François Hollande de retirer la fameuse réforme du collège.
Depuis, de la droite à l'extrême droite, tout le monde s'est donné le mot en visant plus ou moins ouvertement la ministre. "Sans doute la plus détestable de la longue liste des réformes inutiles que nous avons connues depuis trois ans", a taclé le président de l'UMP Nicolas Sarkozy en conspuant la "complaisance stupide" de la ministre à l'égard des élèves. "Je considère que Najat Vallaud-Belkacem est la pire ministre de l'Education nationale de ces dernières décennies", tranchait ce week-end le vice-président du FN Florian Philippot.
Au-delà d'une réforme, la droite s'attaque à un symbole
"Egalitarisme", "laxisme", "renoncement à l'effort"... les marqueurs politiques de la dichotomie gauche-droite sont au rendez-vous. Une aubaine pour l'UMP qui, après Christiane Taubira, rêve d'accrocher à son tableau de chasse la seule ministre à avoir été promue sans discontinuer au gouvernement.
Seule la ministre de la Justice et sa très controversée réforme pénale avaient en effet eu les honneurs d'un tel tir de barrage à droite. Femme, indépendante, marquée à gauche, symbole de la diversité et icône du débat sur le mariage pour tous... Aux yeux de l'UMP qui n'a cessé d'appeler à sa démission, l'élue guyanaise cumulait tous les défauts.
Un traitement de faveur dont semble bénéficier aujourd'hui Najat Vallaud-Belkacem. "Au prétexte d'égalité de tous dans l'accès aux langues étrangères, la ministre de l'Education nationale entend supprimer les classes bilangues et les classes européennes", s'indigne l'UMP à grands renforts de communiqués. "Faute de tirer les élèves vers le haut, le gouvernement fait le choix de tirer tout le monde vers le bas. Najat Vallaud-Belkacem a renoncé à l'excellence", étrille Bruno Le Maire. Une attaque ad hominem assumée à demi-mots l'ancien ministre de l'Agriculture: "Je n'ai aucun problème avec la ministre de l’Éducation nationale, j'ai un véritable problème avec la réforme du collège qu'elle propose et avec la conception qu'elle se fait de l'éducation."
NVB sort les griffes et lâche du lest
Face à ces attaques, la jeune ministre de l'Education sait qu'elle joue davantage que sa survie à la tête de son ministère qui a déjà connu trois titulaires en trois ans. "Je soutiendrai cette réforme du collège jusqu'au bout (...) et de toutes mes forces sans jamais faillir face à ceux qui ne proposent rien, et qui voudraient qu'on reste sur le statu quo actuel", affirme-t-elle avec force.
Réforme du collège: Nicolas Sarkozy "n’a aucune...par BFMTV
Mais sa riposte contre les "pseudos-intellectuels" qui critiquent sa réforme (parfois non sans caricature) n'a fait que jeter de l'huile sur le feu. L'académicien conservateur Jean d'Ormesson la dépeint en "Terminator de charme".
Toute sa stratégie consiste désormais à assumer ce clivage gauche-droite pour s'assurer du soutien de son propre camp: "Rappelez-vous Jules Ferry rendant l'école publique obligatoire, Jean Zay prolongeant l'âge de cette obligation ou René Haby instaurant le collège unique... À chaque fois, ceux qui cherchent à démocratiser l'école et la réussite sont accusés par les conservateurs de 'niveler par le bas' et de faire de 'l'égalitarisme'", rappelait-elle ce week-end dans Le JDD.
Dans cet affrontement partisan qui se prépare, François Hollande, Manuel Valls et Jean-Christophe Cambadélis sont tour à tour montés au front pour la défendre, même si certaines voix à gauche s'inquiètent déjà d'une réforme potentiellement explosive.
Du coup, la ministre se réserve aussi quelques cartouches pour éviter que l'incendie ne se propage avant le début des débats parlementaires (promotion de l'allemand dès la 5e, nomination d'un délégué interministériel dédié, réunion d'un groupe d'historiens de renom pour calmer la fronde des intellectuels). A moins que Najat Vallaud-Belkacem ne se décide à rectifier le tir une fois achevée la phase de consultation des enseignants.