Le suspense aura duré jusqu’au dernier moment, ou presque. Le staff de François Hollande ne se montrait pas particulièrement optimiste quant à une rencontre à La Havane entre le président français et Fidel Castro, eu égard à l’état de santé de ce dernier et à d’éventuels agacements de son frère Raul Castro, le président du Conseil d’Etat cubain, qui lui a succédé en 2008.
Mais la nouvelle est finalement tombée dans la matinée : le « commandant en chef » recevrait bien le président. L’entretien a donc eu lieu lundi 11 mai en début d’après midi, dans la résidence de Fidel Castro, en présence de sa femme et de deux de ses enfants. A en croire M. Hollande, qui était accompagné de Jean-Pierre Bel, ex-président du Sénat et amoureux de Cuba, ainsi que de son conseiller diplomatique Jacques Audibert, « il y avait une part de curiosité. Un président de la République était là, il voulait le rencontrer… ».
« Il se renseigne sur Internet »
Au cours des 50 minutes d’entretien, le père de la révolution cubaine « a beaucoup parlé », raconte le président. A 89 ans, Fidel Castro a évoqué « ses problèmes d’articulation » au genou et à l’épaule avec François Hollande, qui a pu mesurer, quelques instants plus tard en visitant le mémorial José Marti, place de la Révolution, et en visionnant des images de ses discours fleuves devant des centaines de milliers de Cubains, combien était grande l’énergie du Lider Maximo quelque quarante années plus tôt.
« Je l’ai trouvé très informé, très alerte. Il avait envie de parler, a montré une acuité intellectuelle, de la réflexion », raconte cependant le chef de l’Etat, à qui Fidel Castro a raconté « qu’il se renseignait sur Internet », dans un pays où la liberté de l’information est réduite au minimum et les accès à la toile quasi inexistants.
En veste de survêtement Adidas noire sur chemise à carreaux, le « commandant en chef » a évité les sujets politiques d’actualité pour ne pas empiéter sur le domaine réservé de son frère Raul. « Il ne veut pas être un pouvoir », décrypte M. Hollande, d’ordinaire fin observateur des équilibres politiques. Il n’a pas non plus joué les anciens combattants révolutionnaires.
Joli coup
« Quand vous êtes dans l’histoire, vous n’avez pas besoin de la rappeler. C’est quand vous n’y êtes pas que vous vous sentez obligé de le faire », sourit le président français. Fidel Castro a surtout parlé de la France, pour qui il éprouve « une certaine reconnaissance », de ses rencontres avec François Mitterrand ou encore de l’agronome français André Voisin, inconnu dans son pays mais célèbre à Cuba, où il fut enterré.
Agriculture, alimentation, climat, avec le sommet climat de Paris, en décembre prochain : telles sont les préoccupations actuelles de Fidel Castro, qui les a longuement évoquées avec le président français. « On devinait ce qu’il pouvait faire dans des discours de plusieurs heures », commentait après la rencontre ce dernier, ravi de ce joli coup. François Hollande a néanmoins nié, pour sa part toute visée de politique nationale.
« S’il fallait passer par Cuba pour faire le rassemblement de la gauche… Ce voyage n’avait pas ce sens-là », assure le chef de l’Etat, qui voit plus grand : « La symbolique de Cuba, ce n’est pas simplement de la politique intérieure. Ça parle au monde, d’aller à Cuba. Pas simplement à ceux qui ont pu coller une affiche de Che Guevara. »
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