Le gouvernement a annoncé lundi 11 mai dans la soirée que le projet de loi "dialogue social" serait amendé, en réponse aux inquiétudes exprimées par de nombreuses associations et personnalités féministes concernant la suppression d'outils de mesure de l'égalité professionnelle.
Une pétition mise en ligne lundi matin sur la plateforme change.org, signée notamment par l'ancienne ministre socialiste Yvette Roudy et le numéro un de la CGT Philippe Martinez, estimait qu'"avec ce texte de loi, le gouvernement envoie un message clair: +L'égalité? C'est réglé, circulez, il n'y a rien à voir+".
A l'origine de la colère des associations féministes (MachoLand, Osez le féminisme, Planning familial ...): le projet de suppression du "rapport de situation comparée" (RSC).
Institué par la loi Roudy de 1983, ce rapport remis au comité d'entreprise oblige à établir un diagnostic de l'égalité dans l'entreprise (sur la base des salaires, accès à la formation, déroulement de carrière ...). Selon le projet de loi, il sera à l'avenir intégré à une base de données unique.
"C'est tellement énorme qu'on dirait un canular!" s'indignait Mme Roudy dans un entretien au Parisien.
Le projet de loi sera amendé
Dans un communiqué commun publié en fin de journée, les ministres François Rebsamen (Travail), Marisol Touraine (Affaires sociales) et Pascale Boistard (droits des Femmes) ont annoncé que "le gouvernement, en lien avec les parlementaires, proposera un amendement précisant que la base de données unique comprendra obligatoirement une rubrique spécifique à l'analyse de situation comparée des femmes et des hommes".
"Toutes les données du RSC seront intégralement mentionnées", ont-ils ajouté.
Le projet de loi "dialogue social", qui vise à simplifier des règles constituant, selon le gouvernement, un frein à la performance des entreprises, doit être examiné en première lecture à l'Assemblée nationale à partir du 26 mai.
Les initiatrices de la campagne, parmi lesquelles Caroline de Haas, ancienne conseillère de Najat Vallaud-Belkacem au ministère des Droits des Femmes, craignent en outre que la suppression du RSC rende inapplicable la pénalité financière instaurée par un décret de la fin 2012 à l'encontre des entreprises ne respectant pas leurs obligations en matière d'égalité (48 sanctionnées à fin mars).
Dans leur communiqué, les ministres ont assuré que "l'obligation de négocier sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et, à défaut d'accord, de proposer un plan d'action unilatéral, demeure inchangée".
Pénalité financière
"Les entreprises qui ne se conformeraient pas à ces obligations resteront soumises à une pénalité de 1% de la masse salariale", ont-ils ajouté.
Les féministes se sont également inquiétées de l'intégration de la négociation annuelle sur l'égalité professionnelle, datant de 2001, à la négociation "qualité de vie au travail", et de la suppression de la commission égalité professionnelle, obligatoire dans les entreprises de plus de 200 salariés.
Leur campagne a suscité de vives réactions, avant le communiqué du gouvernement. Dans un courrier à François Rebsamen, le Défenseur des droits Jacques Toubon a exprimé ses "plus vives préoccupations", qualifiant de "recul" le projet de suppression du RSC. Jean-Claude Mailly (FO), a parlé de "régression historique".
EELV a déploré un "recul inacceptable" tandis que Valérie Pécresse (UMP) a tweeté: "La 1ère simplification de la loi Rebsamen: supprimer les informations sur l'égalité professionnelle homme/femme. Comment dire... pathétique!"
Lors d'une audition de François Rebsamen à l'Assemblée nationale, la semaine dernière, Sandrine Mazetier, rapporteur pour la délégation aux droits des femmes, s'était inquiétée: "Est-ce qu'on va retrouver de manière aussi claire, nette et précise, des données sexuées par exemple dans la base de donnée unique?"
Le salaire horaire net des femmes était, en moyenne nationale, inférieur de 18,4% à celui des hommes en 2010, selon une récente étude du ministère du Travail. A postes et caractéristiques identiques, l'écart moyen est réduit de moitié, à 8,6%.
(avec AFP)