Fracture ouverte

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Pour la première fois, une étude prouve la toxicité de la fracturation hydraulique et de l'extraction des gaz de schiste sur les nappes phréatiques alentour. L'eau potable de plusieurs habitations autour d'une usine présente des résidus de plusieurs produits chimiques qui ont pour résultat de la rendre mousseuse.
Dans le domaine scientifique, il est parfois des évidences qui semblent tomber sous le coup du bon sens, de la raison mais qui ne deviennent évidentes qu'une fois que quelqu'un a décidé de se pencher dessus une bonne fois pour toutes pour constater que oui, en effet, on s'en doutait, mais voilà, maintenant ça a été prouvé, et cela devient donc non plus une évidence mais un fait scientifique. Vous me suivez ?

"eau qui mousse" à la sortie d'un tuyau à proximité d'une usine de fracturation hydraulique
"eau qui mousse" à la sortie d'un tuyau à proximité d'une usine de fracturation hydraulique

Bon. Ce matin, je vais donc vous parler de la fracturation hydraulique. La fracturation hydraulique, c'est le procédé utilisé pour extraire de la roche souterraine les gaz et huiles de schiste. Vous connaissez le principe : on injecte à très haute pression dans la roche de l'eau mélangée à un certain nombre de produits chimiques dans le but de la fracturer, donc, et d'en extraire les hydrocarbures que la roche recèle.

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C'est grâce à la fracturation hydraulique, par exemple, que les États-Unis, naguère dépendants des importations de pétrole du golfe, dont redevenus quasiment auto-suffisants en hydrocarbures. Mais le problème majeur avec la fracturation hydraulique, c'est qu'on se doute depuis le début qu'injecter à très haute pression des produits chimiques dans le sous-sol... eh ben c'est pas très très bon pour la terre, pour la nature, bref, que c'est pas génial en termes écologiques.

On s'en doute, mais ce n'est pas totalement prouvé. Mais on s'en doute quand même... c'est pour cela qu'il y a en Europe encore quelques moratoires par-ci par-là, comme en France et en Allemagne, qui interdisent pour l'instant la fracturation hydraulique.

Je vous avais parlé ici même il y a plusieurs semaines d'une première preuve matérielle de la nocivité de la fracturation hydraulique. Premier indice : c'était suite à une étude qui prouvait que fracturer la roche conduisait à des séismes autour de la zone de fracturation... une activité sismique provoquée par l'homme donc, et dont certaines secousses étaient suffisamment fortes pour être ressenties dans circonférence de plusieurs dizaines d’Etats – un tremblement de terre dans l'Oklahoma a même conduit à la destruction d'une quinzaine d'habitations et a fait plusieurs blessés graves.

Deuxième indice tout de suite chez vous ce matin de la nocivité de ce procédé, grâce à cette deuxième étude : des gens qui habitent à proximité de ce l'un des plus gros sites de fracturation hydraulique au monde, le champ « Marcellus » dans l'état de Pennsylvanie, toujours aux Etats-Unis... ces gens avaient envoyé il y a 3 ans des échantillons de leur eau du robinet à l'Université locale, inquiets qu'ils étaient de voir leur eau mousser à la sortie du robinet.

Ben oui, l'eau qui mousse, forcément, ça rassure pas... Et pourtant, les premières analyses effectuées par les services de santé assuraient qu'il était impossible de déterminer quels étaient les produits chimiques qui faisaient mousser l'eau, parce que leur quantité était inférieure aux seuils de détection de l'administration.

Néanmoins, ces échantillons ont été conservés par le laboratoire de l'Université, qui a conduit des tests plus poussés. Et, ô surprise, que disent ces tests plus poussés de l'eau qui mousse ? Eh bien qu'en cherchant un large spectre de produits chimiques à de faibles concentration, les scientifiques ont fini par isoler au moins l'un d'entre eux, un composé baptisé du doux nom de 2-BE, qui est en fait un mélange complexe de résidus de produits chimiques que l'on retrouve, je vous le donne en mille, dans les eaux résiduelles de l'usine de fracturation hydraulique de Marcellus.

Croyez-le ou non, c'est la première preuve scientifique formelle, publiée dans la revue PNAS, de la contamination des nappes phréatiques d'eau potable par les champs de fracturation hydraulique. Et surtout, la première preuve que les produits chimiques utilisés lors de la fracturation voyagent sur plusieurs kilomètres via le gaz naturel qui voyage dans les interstices de la roche... là où les sociétés d'exploitation d'hydrocarbures de schiste se voulaient rassurantes, en expliquant grosso modo que les nappes phréatiques étaient de toutes façon beaucoup moins profondes que les gisements de schiste exploités, et donc qu'il n'y avait pas de risque de contamination.

L'auteure de l'étude demande maintenant que le même type d'analyse soit conduit à proximité de tous les champs de fracturation hydraulique, de façon à en estimer la nocivité sur les nappes phréatiques alentour.

Quant aux gens qui avaient de l’eau mousseuse, depuis, leur habitation a été rachetée par la compagnie pétrolière… Comme je vous disais au début de cette chronique : que la fracturation hydraulique soit nuisible pour l'environnement, ça paraît évident. Mais même pour les évidences, ça va mieux en le prouvant.

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