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Les sols agricoles insuffisamment protégés par les pouvoirs publics

Le Conseil économique, social et environnemental, « troisième chambre », veut mettre un frein à l’artificialisation des terres et promeut l’agroécologie.

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Publié le 13 mai 2015 à 18h22, modifié le 14 mai 2015 à 11h43

Temps de Lecture 3 min.

Un paysan épand des pesticides sur un champ de colza à Blecourt, près de Cambrai (Nord), le 10 mai.

Ressource naturelle précieuse pour la sécurité alimentaire, le maintien de la biodiversité ou même l’atténuation du changement climatique, les sols agricoles sont insuffisamment protégés par les pouvoirs publics. Dans un avis très attendu, voté mercredi 13 mai, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) ouvre plusieurs pistes d’action pour tenir compte des services rendus à la société par les sols agricoles.

« L’avis vise d’abord à une prise de conscience de l’ensemble de la société sur la valeur et l’importance des terres agricoles, résume Cécile Claveirole, co-rapporteuse du texte. Il s’agit d’une problématique et d’un enjeu de société. »

La première menace identifiée par le CESE est celle de l’artificialisation de ces terrains. Selon les données réunies par le Conseil, entre 2000 et 2012, 40 000 à 90 000 hectares de terres arables ont disparu chaque année en France sous les nouvelles infrastructures et l’étalement urbain. « Les sols sont une ressource “consommée” de manière complètement abusive, comme si elle était inépuisable », dit Mme Claveirole. Pour contrer cette tendance, le Conseil préconise de mettre en place une fiscalité favorable à la réhabilitation de logements anciens ou à la réexploitation de zones commerciales obsolètes.

« Ce sont les meilleures terres, les plus fertiles, qui disparaissent en premier », selon Cécile Claveirole, co-rapporteuse du texte.

Aujourd’hui, au contraire, les dispositifs fiscaux en vigueur encouragent plutôt l’étalement urbain. En particulier, les plus-values réalisées lors de la vente de terrains agricoles rendus constructibles ne sont que faiblement taxées (5 % à 10 % selon les cas). Un relèvement de cette fiscalité serait d’autant plus justifié, note le CESE, que « le prix d’un terrain constructible de moins d’un hectare s’élève en moyenne à 64 fois celui de l’hectare agricole ».

L’extension des zones urbaines est d’autant plus dommageable que, comme l’explique Cécile Claveirole, « ce sont les meilleures terres, les plus fertiles, qui disparaissent en premier ». « Historiquement, les villes se sont implantées dans les zones où les terres sont les plus favorables à l’agriculture, précise-t-elle. Ainsi, lorsque les villes s’étendent aujourd’hui, elles empiètent sur les meilleurs terrains dont nous disposons. »

Une limitation du phénomène passe par une densification des centres urbains et un rééquilibrage de l’offre commerciale, dont 62 % se situent, en France, dans les centres commerciaux en périphérie des villes. « On est loin de l’Allemagne, par exemple, ou un tiers de l’offre est en centre-ville, un tiers dans les quartiers et un tiers en périphérie », ajoute Agnès Courtoux (groupe CFTC), co-rapporteuse du texte. « Il convient d’encadrer strictement la création de zones commerciales (grandes et moyennes surfaces) ex nihilo en ne les autorisant que là où elles sont totalement justifiées, précise le rapport, et de maintenir une possibilité d’arbitrage par les préfets. »

« Forme d’appropriation »

Le CESE s’est également penché sur la « prise de contrôle des terres par des capitaux étrangers détenus par des sociétés multinationales ». Jugé « néfaste » par les conseillers, ce phénomène d’accaparement des terres « se développe en Europe mais aussi en France, s’agissant notamment de grands domaines viticoles », note le CESE. Ce dernier souhaite que « des mesures soient rapidement adoptées pour que les Etats disposent de la faculté d’encadrer, voire de s’opposer à cette forme d’appropriation ».

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Outre la préservation du foncier agricole, l’autre grand axe de travail du CESE a été l’exploration des moyens de préserver la qualité biologique des sols par de nouvelles pratiques. « Nous préconisons d’accroître le soutien aux agriculteurs qui s’engagent, plutôt que pénaliser les pratiques existantes », dit Mme Claveirole.

Le Conseil recommande ainsi en premier lieu d’intensifier la recherche en agroécologie, ainsi que l’on nomme les pratiques visant à tirer parti du capital naturel des écosystèmes (gestion de l’eau, reboisement, lutte contre l’érosion ou utilisation de la biodiversité), plutôt qu’avoir un recours massif à des intrants (engrais, pesticides, etc.) qui en altèrent le capital et les fonctions biologiques.

Parmi celles-ci, le CESE met l’accent sur la capacité à stocker de la matière organique – donc du carbone – et d’atténuer ainsi le changement climatique en cours. Tout le carbone séquestré dans les sols ne finit en effet pas dans l’atmosphère, sous forme de CO2. « Les chercheurs que nous avons auditionnés, explique Mme Courtoux, ont tous insisté sur l’importance de ce point. »

Ce rôle de « tampon climatique » des sols « gagnerait à être valorisé », notent les conseillers. Un programme international de recherche en ce sens a été annoncé fin avril par le ministère de l’agriculture. Avec, en ligne de mire, la prise en compte de cette fonction des sols dans les négociations en cours, qui doivent culminer, en décembre à Paris, avec la signature d’un accord universel sur le climat.

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