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SYRIE

Des intermédiaires œuvrent dans l’ombre pour maintenir le dialogue entre la France et la Syrie

Malgré la rupture des relations diplomatiques entre Paris et Damas, des Français, tels que Jérôme Tousaint, ont servi d’intermédiaires aux parlementaires de l'Hexagone souhaitant se rendre en Syrie.

Des Syriens regardent la visite de touristes français dans la ville de Maalula, non loin de Damas, le 8 avril 2015
Des Syriens regardent la visite de touristes français dans la ville de Maalula, non loin de Damas, le 8 avril 2015 Louai Beshara, AFP
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Son nom et son visage n’étaient que peu connus jusqu’à ces derniers jours. Jérôme Tousaint œuvre pourtant sans relâche au rapprochement de Paris et Damas. L’émission d’investigation "Complément d’enquête", diffusée jeudi 7 mai sur France 2, a révélé le rôle qu’il a joué pour organiser la visite de quatre parlementaires français en Syrie en février dernier. Le député socialiste Gérard Bapt, accompagné de son collègue de l’UMP Jacques Myard et des sénateurs Jean-Pierre Vial (UMP) et François Zocchetto (UDI), avaient alors défrayé la chronique en effectuant un déplacement proscrit par la politique officielle de la France à l’égard du régime syrien.

Jérôme Tousaint a donc été l’architecte de ce voyage controversé. "Oui, on peut dire que j’ai été un architecte de cette rencontre", confirme-t-il à France 24. L’homme  connaissait déjà la Syrie avant le début du conflit qui la ravage depuis plus de quatre ans. Et pour cause : son épouse est libano-syrienne, de confession chrétienne, et vient d’une famille influente en Syrie. "J’ai des contacts dans la région, grâce à mes liens familiaux. Des réseaux de notables chrétiens, qui pèsent encore à Damas", explique-t-il.

En août 2013, le régime syrien est accusé d’avoir fait usage d’armes chimiques contre sa population, franchissant ce que les Occidentaux ont érigé en ligne rouge. Paris a la ferme intention de mener une intervention dans le pays mais, lâchée par Washington, la France doit alors faire machine arrière. "Pour moi, cet évènement a été un tournant : je me suis dit, il est clair qu’Assad va rester au pouvoir, on ne peut rester ainsi : dans une rupture totale de relations", explique Jérôme Tousaint qui décide alors de s’impliquer dans la situation.

Les groupes d’amitié France-Syrie, lieux privilégiés de contacts informels

Pour celui qui s’est improvisé diplomate à la faveur du vide laissé par le départ de Syrie de la représentation officielle de la France, "la fermeture de l’ambassade [en mars 2012, NDLR] a été une erreur absolue". Un point sur lequel certains parlementaires français le rejoignent. C’est le cas de Gérard Bapt, pourtant membre de la majorité au pouvoir. "Nous aurions dû laisser une représentation consulaire au moins, comme d’autres pays européens l’ont fait", déplore ce dernier auprès de France 24. Et de souligner à quel point il est difficile de rouvrir une ambassade après l’avoir fermée.

>> À voir dans le Débat de France 24 : "Quatre ans de conflit et un pays en ruine"

"J’ai donc commencé à organiser des auditions au Sénat et à l’Assemblée nationale par le biais des groupes d’amitié France-Syrie", explique Jérôme Tousaint, fort d’un important réseau dans la classe politique française. Les personnes invitées pouvaient être des membres de la communauté franco-syrienne, des chercheurs, des religieux, des évêques et des prêtres de Syrie. Mais aussi des proches du pouvoir syrien. Le but : faire parvenir des messages et rétablir des canaux d’échanges entre Paris et le gouvernement syrien. Un travail de longue haleine mais qui, semble-t-il, finit par porter ses fruits puisque quatre parlementaires expriment bientôt la volonté de se rendre en Syrie.

De son côté, Gérard Bapt était en contact depuis septembre 2014 avec des enseignants et des parents d’élèves du lycée français de Damas, toujours ouvert. "Nous avons également reçu à l’Assemblée nationale, au groupe d’amitié France-Syrie, des religieux de passage qui ont émis le souhait que nous nous rendions dans leur pays. C’est de cette manière que l’idée a germé. J’ai rencontré Jean-Pierre Vial, président du groupe d’amitié France-Syrie au Sénat, qui lui a contacté Jérôme Tousaint en ce sens", explique-t-il.

L'Élysée au courant

Mandaté par les parlementaires, Jérôme Tousaint consulte l’ambassadeur de Syrie au Liban, "un ami" de sa belle-famille. Celui-ci le met en relation avec le ministre-adjoint des Affaires étrangères syrien, Ayman Soussan, qui devient son interlocuteur et organise la visite des parlementaires à Damas.

Selon Tousaint, l’initiative, vertement critiquée par la classe politique française après coup, n’était pas secrète. Malgré les dénégations de François Hollande à Manille, notamment, ce dernier était au courant : "Avant de partir, Gérard Bapt a tenu à prévenir l’Éysée, Matignon mais aussi l’Intérieur et les Affaires étrangères. La seule ligne rouge qui lui a été imposée, en tant que membre de la majorité au pouvoir, était de ne pas rencontrer Assad", rapporte Tousaint.

En effet, s’il s'est bien entretenu avec le président du Parlement et le ministre des Affaires étrangères syrien, Gérard Bapt s’est abstenu d’entrer dans la salle où les trois autres élus français ont été reçus par le chef d’État syrien. "Oui, je suis allé à l’Élysée et au Quai d’Orsay", confirme l’élu de Haute-Garonne. "Ils ont essayé de me dissuader de faire ce voyage, craignant qu’Assad n’en ressorte renforcé, tout en reconnaissant toutefois qu’un député est libre de ses mouvements."

La diplomatie non officielle a toujours existé

Loin d’être découragé, Gérard Bapt est déterminé à être du voyage. Pour lui, "la posture de la France dans le conflit syrien mais aussi ses liens avec l’Arabie saoudite, par exemple, sont des obstacles infranchissables" pour une éventuelle reprise des relations avec Damas. "Pour autant, cela signifie-t-il qu’il ne faille rien faire ?", s’interroge le député, particulièrement sensible au sort des chrétiens d’Alep. "Des lettres nous parviennent de Syriens sur place et de Franco-syriens ici, qui nous tiennent informé de leur situation dramatique", raconte l’élu, qui organise le 22 mai à Toulouse une mobilisation de solidarité avec la communauté chrétienne de la grande ville du nord de la Syrie, ravagée par la guerre. "Je suis pour que la communauté internationale soutienne activement les efforts de l’émissaire de l’ONU Staffan de Mistura, en vue d’un cessez-le-feu humanitaire à Alep, et d’une reprise des négociations à Genève", entre le régime et l’opposition.

Gérard Bapt affirme que même si Jérôme Tousaint n’avait pas été là, certains de ses contacts au Liban auraient pu rendre ce voyage possible. Sur les images de la rencontre des parlementaires avec les officiels syriens, on distingue en effet d’autres intermédiaires français : Patrick Barraquand, contrôleur général à Bercy, et Stéphane Ravion, un ancien du renseignement. "Des personnes qui jouent le rôle d’intermédiaire, il y en a toujours eu et pour beaucoup de pays, car ces personnes ont des relations particulières avec le pays en question, c’est de la diplomatie informelle".

Alain Juillet, président du club des directeurs de sécurité des entreprises, le confirme : "Il y a la diplomatie officielle du Quai d’Orsay et une autre forme de diplomatie, non officielle, celle des services de renseignement notamment". Et ce même avec les pouvoirs avec lesquels la France ne souhaite, officiellement, plus avoir de liens. "Nous avons d'un côté la position du Quai d’Orsay, de l'autre la réalité du terrain. Il y a donc toujours eu des contacts avec des gens officiellement considérés comme infréquentables, mais avec lesquels il faut dialoguer."

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