INTERNATIONAL - Que faire face au drame des migrants qui tentent de rejoindre l'Europe? L'UE, qui s'est vu reprocher son inaction après une série de naufrages causant la mort de centaines de personnes en Méditerranée, a adopté mercredi 13 mai un plan d'action pour renforcer les secours en mer et gérer l'accueil des migrants à leur arrivée. Ces dispositions prévoient aussi de relancer l'immigration légale et d'établir des quotas pour répartir les réfugiés entre les pays.
Des réponses bien maigres et un plan qui divise les Etats membres et suscite notamment l'hostilité du Royaume-Uni. "Les migrants qui tentent de gagner l'Union européenne en traversant la Méditerranée devraient être renvoyés", a ainsi affirmé dans les médias britanniques la ministre de l'Intérieur, Theresa May, quelques heures avant la présentation du projet. Les accueillir "ne peut qu'encourager plus de gens à risquer leur vie", a-t-elle soutenu.
Londres n'est pas la seule à défendre ces méthodes controversées, qu'ont déjà adopté plusieurs pays confrontés à des situations similaires. C'est ainsi le cas en Asie du Sud-Est, où des milliers de migrants venus de Birmanie et du Bangladesh étaient en perdition en mer ce jeudi 14 mai, alors que les gouvernements de la région continuent de repousser les bateaux hors de leurs eaux territoriales respectives, ignorant les appels internationaux à cesser ce jeu de "ping-pong humain", selon l'expression de Phil Robertson, directeur adjoint en Asie de Human Rights Watch.
"Les marines thaïlandaise, malaisienne et indonésienne devraient au contraire travailler ensemble pour sauver tous ceux sur ces funestes bateaux", a-t-il ajouté.
Ces dernières années, les dizaines de milliers de candidats à l'exil transitaient chaque année par le sud de la Thaïlande, point de passage vers la Malaisie et au-delà, fuyant la pauvreté au Bangladesh ou la violence dans le cas des Rohingyas, minorité musulmane de Birmanie considérée comme l'une des plus opprimées du monde. Mais la Thaïlande a décidé de sévir contre les passeurs après la découverte de fosses communes contenant les dépouilles de clandestins en pleine jungle.
Bangkok a ainsi lancé une vaste opération contre la filière, démantelant de nombreux camps de transit et multipliant les arrestations de passeurs. Du coup, ces derniers cherchent d'autres itinéraires et abandonnent parfois les migrants à leur sort, en pleine mer. Plusieurs centaines de naufragés sont malgré tout parvenus à rejoindre les côtes indonésiennes - les passeurs leur avaient dit qu'il s'agissait de la Malaisie - et ont été accueillis dans des camps de fortune sur la pointe nord de Sumatra.

Un bateau de Rohingyas en perdition dans la mer d'Andaman ce 14 mai
Mais la Malaisie comme l'Indonésie disent craindre un déferlement et refoulent désormais tous les bateaux, condamnant les passagers désespérés à demeurer sur leur prison flottante. Depuis plusieurs jours, les organisations internationales affirment que des milliers de migrants sont en perdition en mer et donc en danger après avoir été abandonnés par leurs passeurs, qui craignent cette nouvelle politique répressive.
Pour régler cette question, la Thaïlande a annoncé la tenue d'un sommet le 29 mai qui se tiendra à Bangkok en présence de 15 pays, dont l'Indonésie, la Malaisie, le Cambodge, le Laos, la Birmanie, le Vietnam, le Bangladesh, les Etats-Unis mais aussi l'Australie, qui a pris des mesures radicales pour empêcher les migrants de rejoindre ses côtes.
Début mai, après la série de naufrages meurtriers en Méditerranée, les Européens se sont entretenus avec les Australiens au sujet de leur politique, qui consiste également à refouler les bateaux de migrants et candidats à l'asile arrivant sur leurs rivages. C'est du moins ce qu'a affirmé lundi le Premier ministre australien Tony Abbott, s'attirant un désaveu de la Commission européenne qui a démenti de tels contacts et rappelé qu'elle appliquait le "principe de non refoulement".
Après la série noire de naufrages en Méditerranée ayant fait des centaines de morts parmi les passagers migrants fin avril, Tony Abbott avait fait la leçon aux Européens, estimant que seul le refoulement systématique des bateaux était efficace. Peu après son arrivée au pouvoir en septembre 2013, le chef du gouvernement conservateur a lancé avec l'aide de l'armée une opération baptisée "Frontières souveraines" pour décourager les migrants et candidats à l'asile d'arriver par la mer.
Une affiche du gouvernement australien avertissant les migrants: "Pas question, vous ne ferez pas de l'Australie votre terre"
Les arrivées étaient alors quasi quotidiennes et 1200 personnes avaient péri sous le précédent gouvernement travailliste alors que selon la droite, aucun décès n'a été à déplorer en mer en près de 18 mois. Canberra se refuse toutefois à dévoiler le nombre de bateaux refoulés vers la haute mer, invoquant des impératifs de sécurité opérationnelle.
L'accord signé en septembre avec le Cambodge permet l'installation dans ce pays de réfugiés détenus à Nauru et ayant obtenu le statut de demandeur d'asile, en échange du versement par l'Australie à Phnom Penh de 40 millions de dollars australiens (28,7 millions d'euros) sur quatre ans.
Mais une partie des Européens, dont l'Italie, juge cette méthode pas faisable d'un point de vue moral comme pratique, car il faudrait escorter les bateaux dans lesquels embarquent les migrants vers les côtes de la Libye, leur principal pays d'embarcation actuellement en plein conflit.
Les Nations unies ont condamné Canberra, accusée de manquer à ses obligations de signataire de la Convention sur les réfugiés de 1951 qui stipule que les migrants ont le droit de demander l'asile. Les camps de rétention sont également mis en cause pour être le théâtre de nombreux abus. Les défenseurs des droits de l'Homme critiquent aussi le fait que des enfants soient privés de liberté.