Publicité

Bruxelles veut prendre les rênes d’une nouvelle politique migratoire européenne

La Commission européenne a présenté un plan ambitieux pour imposer une politique migratoire plus solidaire entre Etats membres. Pour faire face à l’urgence de la crise méditerranéenne, elle veut imposer des quotas afin que chaque pays participe à l’accueil des demandeurs d’asile.

02166746620_web.jpg
La Commission européenne a présenté un plan ambitieux pour imposer une politique migratoire plus solidaire entre Etats membres.

Par Anne Bauer

Publié le 13 mai 2015 à 20:31

La Commission européenne a présenté mercredi un agenda ambitieux pour imposer en Europe une autre politique d’immigration, qui a été salué par un grand nombre de députés de gauche comme de droite au parlement européen. Il s’agit à court terme de prendre des mesures pour imposer davantage de solidarité entre les Etats membres afin de faire face à la situation de crise qui règne en Méditerranée et, à plus long terme, de proposer des mécanismes pour mieux gérer les migrations, y compris économiques.

La délégation socialiste française du Parlement européen a appelé les Etats membres à saisir l’occasion « pour construire une politique européenne commune responsable et solidaire, qui n’emprunte ni aux discours sensationnels de la peur, ni à ceux teintés d’angélisme ». La députée UMP Rachida Dati a salué « un Président de la Commission européenne qui a le courage de tenir tête aux égoïsmes nationaux dans l’intérêt de l’Europe et de ceux qui risquent leur vie chaque jour en Méditerranée » [voir encadré], tandis qu’au centre, le président du groupe ALDE au parlement européen Guy Verhofstadt, a salué un pas important.

Situation d’urgence

« Aucun pays ne doit rester seul face aux pressions migratoires », a déclaré Jean-Claude Juncker, qui avait envoyé en salle de presse son vice-président Franz Timmermans, la haute représentante aux affaires extérieures, Federica Mogherini, et le Commissaire à l’immigration Dimitris Avramopoulos, défendre des propositions qui sont loin de faire plaisir à tous les gouvernements. Soulager l’Italie face au flot d’immigrés qui arrivent par bateau et imposer à tous les Etats membres de l’Union de prendre une part équitable dans l’asile des personnes qui peuvent protéger de la protection internationale, telle est la proposition de la Commission. Et comme le président de la Commission européenne ne croit plus aux promesses de solidarité, il propose face à l’urgence d’imposer des quotas obligatoire pays par pays, pour répartir les demandeurs d’asile. Actuellement, 6 pays sur 28 accueillent la quasi-totalité des demandeurs d’asile.

Publicité

Cette incursion dans un domaine politique que nombre de pays juge relever de la souveraineté nationale, fait évidemment grincer des dents. Déjà, le gouvernement britannique se propose de fédérer tous ceux qui s’opposeront à ce plan, la ministre de l’intérieur Theresa May affirmant mardi à Londres que « les migrants qui tentent de gagner l’Union européenne en traversant la Méditerranée devraient être renvoyés ».

Ce à quoi la chef de la diplomatie européenne Federica Mogherini a répliqué vertement qu’a priori tous les Etats membres ont signé la Convention de Genève, laquelle implique un principe de non-refoulement, autrement dit la nécessité d’examiner les demandes d’asile des personnes sauvées en mer avant de décider si elles ont droit au statut de réfugiés ou non. « Respecter la convention de Genève ne veut pas dire que tout le monde peut venir en Europe », a martelé l’Italienne. Aussi direct, le vice-président Franz Timmermans a souligné que la Commission européenne était parfaitement consciente des critiques qu’allaient soulever ses propositions. «On n’est pas là pour jardiner mais pour résoudre des problèmes épineux, et quelques soient les critiques, on ne peut accepter de laisser les gens se noyer et mourir. Ne rien faire, ne pas en parler, ce n’est pas une solution », a-t-il commenté, en rappelant que la Commission européenne a le droit d’initiative et peut proposer des choses qui déplaisent aux Etats membres.

Migrations : « Jean-Claude Juncker a du courage », estime Rachida Dati

Le président de la Commission européenne a trouvé, mercredi à Bruxelles lors de la présentation du plan sur les migrations, un soutien de la droite française ... en la personne de Rachida Dati.« Jean-Claude Juncker a pris un engagement très ferme aujourd’hui en faveur de la solidarité envers les réfugiés. Nous avons enfin un président de la Commission qui a le courage de tenir tête aux égoïsmes nationaux dans l’intérêt de l’Europe et de ceux qui risquent leur vie chaque jour en Méditerranée », a affirmé la députée européenne dans un communiqué. « Comment pouvons-nous résister à une mesure de solidarité alors qu’aux portes de l’Europe des gens meurent dans des conditions tragiques? Ces enfants, ces femmes, ces hommes fuient bien souvent la guerre ou la persécution. L’Europe a un devoir moral envers eux », a-t-elle ajouté.« Nous sommes face à une situation particulièrement préoccupante. Il fallait répondre à cette situation avec force, en proposant des mesures d’urgence et des mesures de plus long terme. C’est exactement ce que la Commission européenne a fait aujourd’hui », en conclut-elle.

Tripler les ressources sur deux ans

Que propose Bruxelles ? D’abord le triplement des ressources en 2015 et 2016 pour les opérations de patrouille en mer de l’agence de surveillance des frontières Frontex. Ensuite, le lancement d’une opération militaire navale dans la Méditerranée pour démanteler les réseaux des passeurs, essentiellement installés en Libye, proposition qui doit être examinée lundi 18 mai par les ministres de la Défense et des Affaires étrangères. Ensuite, pour soulager l’Italie qui n’arrive plus à gérer le flot d’arrivées, la Commission européenne propose d’activer un mécanisme d’urgence (article 78-3 du traité) pour imposer temporairement une répartition dans les différents pays de l’Union des personnes qui ont manifestement besoin d’une protection internationale. Et là, elle propose une répartition par quotas sur la base du PIB, du nombre d’habitants, des efforts d’accueil passés et du taux de chômage. En théorie, selon le régime d’asile européen, les pays en première ligne sont chargés de gérer les arrivées. Si bien que l’Italie aujourd’hui recueille l’essentiel des migrants sans trouver d’issue pour eux. Avec la proposition de Bruxelles, après un premier tri réalisé dans les centres italiens entre ceux qui peuvent bénéficier d’un régime de protection comme les Syriens et ceux qui sont considérés comme des migrants pour des raisons économiques et doivent donc être renvoyés, les Etats seraient appelés à se répartir « équitablement » les premiers. Selon la répartition proposée, la France devrait ainsi accueillir 14,1 % des demandeurs d’asile, l’Allemagne 18,4 %, l’Espagne 9,1 %, etc... Trois pays, le Danemark, la Grande-bretagne et l’Irlande ne sont pas obligés de participer, car ils bénéficient de régime dérogatoire dans les Traités à la politique d’immigration européenne.

En revanche, Bruxelles les appelle à participer à un autre programme : la réinstallation de 20.000 réfugiés qui ont besoin de protection et sont actuellement dans des camps gérés par l’ONU. Là aussi, la Commission européenne propose une clef de répartition par quotas, qui imposerait à la France d’accueillir 2.375 personnes, à l’Allemagne 3.086, au Luxembourg 147, à la Slovaquie 319 etc... Et au Royaume-Uni, s’il voulait participer, 2.309 personnes. Plus de 4 millions de Syriens sont actuellement hébergés par la Jordanie, le Liban, la Turquie, alors que les Etats européens, essentiellement l’Allemagne et la Suède, en ont accueilli à peine 36.000 l’an dernier! Aussi les Nations-Unies ne cessent de demander un effort supplémentaire à l’Union. « Le Haut Commissariat aux réfugiés nous demande de donner l’asile à 20.000 personnes par an, alors que l’Union parvient péniblement à en placer 5 à 6.000 actuellement », explique un diplomate.

Le 23 avril dernier, après le naufrage d’un navire provoquant 800 décès, les chefs d’Etat et de gouvernement s’étaient réunis à Bruxelles pour montrer leur volonté d’agir. Le président Jean-Claude Juncker les prend au mot et se donne jusqu’au conseil européen de juin pour les persuader de l’utilité de passer d’une démarche volontaire à un mécanisme obligatoire. Il a le soutien de Paris, de Berlin et de Rome. Rien n’indique à ce stade que ce sera suffisant. « Personne ne veut de quotas obligatoires », confie un diplomate désabusé, en soulignant l’inaction des Etats depuis deux ans.

Voir la vidéo :

Anne Bauer

MicrosoftTeams-image.png

Nouveau : découvrez nos offres Premium !

Vos responsabilités exigent une attention fine aux événements et rapports de force qui régissent notre monde. Vous avez besoin d’anticiper les grandes tendances pour reconnaitre, au bon moment, les opportunités à saisir et les risques à prévenir.C’est précisément la promesse de nos offres PREMIUM : vous fournir des analyses exclusives et des outils de veille sectorielle pour prendre des décisions éclairées, identifier les signaux faibles et appuyer vos partis pris. N'attendez plus, les décisions les plus déterminantes pour vos succès 2024 se prennent maintenant !
Je découvre les offres

Nos Vidéos

xx0urmq-O.jpg

SNCF : la concurrence peut-elle faire baisser les prix des billets de train ?

xqk50pr-O.jpg

Crise de l’immobilier, climat : la maison individuelle a-t-elle encore un avenir ?

x0xfrvz-O.jpg

Autoroutes : pourquoi le prix des péages augmente ? (et ce n’est pas près de s’arrêter)

Publicité