CSA : La chambre noire de l'audiovisuel

CSA : La chambre noire de l'audiovisuel
Olivier Schrameck, président du CSA (THOMAS GOGNY / DIVERGENCE)

Après les remous suscités par l'affaire Gallet, la vente de la chaîne Numéro 23 et le processus controversé de désignation de la nouvelle présidente de France Télévisions, le CSA est sous le feu des critiques. Enquête.

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Ah ! comme ils jubilaient, les sages du  CSA, il y a tout juste un an, en nommant Mathieu Gallet à la surprise générale. Epatés de leur propre audace d’avoir choisi un PDG de 37 ans à la tête de Radio France, ils convoquaient même une conférence de presse. Tous se montraient enamourés de leur créature désignée à "l’unanimité", un cas absolument unique, car, juraient-ils, "entre sa prestation et celle de ses concurrents, il n’y avait pas photo". Le lendemain, les commentaires brodaient sur l’"inattendu", la "jeunesse", "l’unanimité".

Tout autre ambiance pour la nomination, le 23 avril, de Delphine Ernotte Cunci, la première femme à la tête de France Télévisions, annoncée par un sec communiqué. Les commentaires, là encore, soulignent la "surprise" mais aussi, cette fois, – lancinants comme une musique de polar – "l’opacité", "les doutes", "les jeux faits d’avance", "la mise à l’écart de concurrents sérieux". Comme si Ernotte ne l’avait pas emporté à la loyale ! 

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Manoeuvres de couloir, pressions et dissensions

En cause, un résultat obtenu au forceps par Olivier Schrameck, le président du CSA, au terme d’une procédure illisible. Plus secrétaire Louis XV à double fond que commode Ikea, l’indéchiffrable président, obsédé par la discrétion, cette alliée indissociable du pouvoir, a même fait inscrire dans la loi que "les sages sont tenus de respecter le secret des délibérations". Du coup, la tour Mirabeau [siège du CSA, NDLR] bruisse des manoeuvres de couloir, des pressions, des dissensions au sein de son collège... Les huit sages sont sortis essorés de l’épreuve. Pour la troisième fois, en cinq semaines, les projecteurs sont braqués sur eux. Leur rôle, leur compétence, leur légitimité. Leur choix de Mathieu Gallet est revisité à la lumière de l’interminable grève à Radio France, de son bureau, de ses consultants, de ses dépenses à l’INA.

Egalement sur la sellette, leur attribution, en 2012, d’un bien public – une très rare fréquence gratuite de télévision – à Pascal Houzelot qui va empocher une petite fortune privée en revendant la chaîne Numéro 23 pour 88 millions d’euros.

"C’est ton heure !"

Qui pour France Télé ? Il y a bien neuf mois que le Paf ne parle que de cela. Un événement : le poste n’avait plus été mis en compétition depuis dix ans, puisqu’en 2010, Nicolas Sarkozy s’était arrogé le pouvoir de nomination. Quel profil providentiel pour diriger la plus grosse entreprise culturelle du pays recueillant presque 30% de l’audience totale de la télé, mais en quête de celle – perdue – de la jeunesse et des classes populaires ? Une entreprise qui, plus prosaïquement, distribuera, durant les cinq ans de mandat de son président, quelque 4 milliards d’euros aux producteurs de programmes.

Dès septembre, Didier Quillot, ancien dirigeant de Lagardère et d’Orange, ou le consultant Pascal Josèphe, qui pilota naguère les antennes publiques, sont déjà dans les starting-blocks ; Nathalie Collin, directrice générale adjointe de La Poste, ex-DG de "Libé" et de "l’Obs", est hésitante ; l’énarque Christophe Beaux, patron de la Monnaie de Paris, se sent pousser des ailes depuis qu’il a vu – sidéré – son ancien subordonné Mathieu Gallet rafler Radio France ; Marie-Christine Saragosse, présidente de France Médias Monde, reçoit des messages du CSA, de l’Elysée, des élus... : "C’est ton heure !" ; Rodolphe Belmer, le patron de Canal+, est donné gagnant si, toutefois, il décide de concourir ; même le sortant, Rémy Pflimlin, pourtant flingué par un rapport du CSA, croit en ses chances...

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David Kessler en route pour Orange après avoir quitté l’Elysée où il conseillait Hollande sur les sujets culture-communication s’en ouvre à des proches : il suit de près sa candidate, une certaine Delphine Ernotte, directrice générale d’Orange France. Celle-ci a beau diriger 80.000 salariés, son nom reste pourtant inconnu pour qui ne fréquente ni le milieu des télécoms ni le Women’s Forum, ce Davos des femmes. Ses futurs compétiteurs, à l’affût du moindre indice, se ruent sur internet pour mettre leurs fiches à jour.

Depuis sa tour de contrôle d’où il embrasse d’un coup d’oeil Radio France, TF1 et France Télévisions, Olivier Schrameck le sait, cette nomination sera l’acmé de sa présidence. Avec la conseillère, Sylvie Pierre-Brossolette, ils démarchent, font passer des messages et ne découragent pas des candidats qui ont peu de chances mais feraient chic sur la ligne de départ. Ces deux-là viennent du même monde. Lui, le conseiller d’Etat ; elle, la fille d’un inspecteur des Finances, ancien secrétaire général de l’Elysée. Tous deux ont le goût de la politique, il a dirigé Matignon, du temps de Lionel Jospin, elle a débuté auprès de Françoise Giroud, ministre de la Condition féminine puis de la Culture, avant de bifurquer vers le journalisme politique. Après la case jeunesse avec Mathieu Gallet, le CSA doit cocher la case femme, ou, a minima, attirer dans la compétition des candidates susceptibles de l’emporter.

L’assistance, médusée, voit Sandrine Roustan quitter précipitamment la salle

C’est un vrai cheval de bataille pour Sylvie Pierre-Brossolette. Elle, qui, nouvellement recrutée au "Point", en 2007, s’était vu signifier par la direction du magazine "tu pourras grimper mais tu ne seras jamais directeur", a repéré un semblable plafond de verre à France Télé. Et les pratiques machistes qui y règnent. Comme lors de ce grand moment : en mars 2013, France Télé est en séminaire. Sandrine Roustan, alors dirigeante de France 4, et seule femme parmi les patrons de chaînes appelés sur scène, tente désespérément d’en placer une, avant que chacun ne soit renvoyé à sa place d’un "Merci messieurs".

L’assistance, médusée, la voit quitter précipitamment la salle. Sylvie Pierre-Brossolette puis Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes, la reçoivent alors, l’écoutent décrire la difficulté d’être l’unique voix féminine dans un comité de programmes. "Ce n’est plus possible !", réagissent-elles à l’unisson.

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Les candidats, c’est une chose, mais, à l’automne, Olivier Schrameck se concentre surtout sur l’alchimie d’un CSA qu’il puisse "tenir". Depuis sa nomination, en janvier 2013, il a dû se satisfaire d’une assemblée qu’il n’avait pas choisie. Bien différente de ses chers et hauts juristes, côtoyés seize ans au Conseil d’Etat et quatre au Conseil constitutionnel. En sortant de Matignon, en 2002, Schrameck n’en faisait pas mystère : il briguait un poste de... numéro un quelque part, avec les pleins pouvoirs. Or, si la présidence du CSA le place 29e dans l’ordre protocolaire républicain, elle ne lui confère aucun pouvoir financier sur le secteur, ni sur les budgets ni sur la répartition de la redevance. Et pas davantage de voix prépondérante sur le sujet majeur des nominations. Le patron du CSA doit composer avec son collège. Un exercice auquel la direction du cabinet de Matignon, en période de cohabitation – autant dire un Elysée bis – ne l’a pas prédisposé. A l’époque, le simple conseiller Manuel Valls était bien le seul à sortir du rang, n’hésitant pas à l’envoyer bouler.

Ah oui ! lâche Olivier Schrameck à un interlocuteur, je me suis donné assez de mal pour cela, j’y ai travaillé pendant des mois."

Le renouvellement partiel du collège donne à Schrameck l’occasion de le rectifier. Ce n’est pas lui qui nomme mais c’est tout comme. Il prospecte et dresse des portraits robots. Fin janvier, Nathalie Sonnac et Nicolas Curien, désignés l’une par le président de l’Assemblée, l’autre par celui du Sénat, intègrent le CSA. Docteur ès sciences économiques et professeur en sciences de l’information et de la communication, elle connaît bien le versant économique du secteur ; polytechnicien, ex-membre de l’Autorité de Régulation des Communications électroniques et des Postes, il en maîtrise le volet technologique.

Leur Pygmalion est-il satisfait ? "Ah oui ! lâche-t-il à un interlocuteur, je me suis donné assez de mal pour cela, j’y ai travaillé pendant des mois." Schrameck, Pierre-Brossolette et les deux nouveaux : voilà désormais quatre membres (sur huit), en phase, atout précieux dans la perspective du vote trois mois plus tard.

Olivier Schrameck aurait pu profiter de l’occasion pour introduire dans le conseil un chef d’entreprise, un dirigeant de l’audiovisuel. Mais non. Son nouveau CSA réunit deux universitaires, trois anciens journalistes, deux conseillers d’Etat, un ex-maire sénateur d’une ville de 34.000 habitants. C’est donc ce cénacle hétérogène (dont un des membres, après sa nomination, avait avoué à un dirigeant de chaîne ne pas avoir la télé), qui va décider du sort d’un groupe de 10 000 salariés, brassant 2,7 milliards d’euros de budget, très syndiqué et dominé par une tutelle étatique, étouffante.

Demandez donc aux syndicats d’Orange ce qu’ils pensent de Delphine Ernotte." (François Hollande).

Fin février, le nom de Delphine Ernotte émerge à peine du lot que certains rappellent sous cape ses fonctions de direction chez Orange lors de la funeste période des suicides. Cette histoire soucie Schrameck. Il ne faudrait pas, qu’un jour, sortent des preuves écrites d’une éventuelle implication. Lors des 60 ans de Julien Dray, le sujet vient sur le tapis. Interpellé par l’un des convives, le réalisateur Djamel Bensalah, François Hollande lève les yeux au ciel : "Demandez donc aux syndicats d’Orange ce qu’ils pensent d’elle." Cela se sait, des observateurs en déduisent qu’elle est carbonisée. C’est sous-estimer son réseau qui se charge de la faire oublier, en répandant le bruit qu’elle n’ira... peut-être pas.

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Un soutien qui vaut de l’or

Car si le nom de Delphine Ernotte est peu connu, cette encore quadragénaire n’est pas seule à la manoeuvre. Parmi ceux qui s’activent, Stéphane Richard, son PDG. Il lui a assuré qu’en cas d’échec, il lui gardait sa place au chaud. Et aussi, son nouveau collaborateur, David Kessler, l’ancien conseiller de l’Elysée, aux avis très sollicités, répétant à qui veut l’entendre : "Elle est très bien." Un soutien qui vaut de l’or. Notamment auprès d’Olivier Schrameck dont Kessler avait géré, comme conseiller de François Hollande, la nomination à la tête du CSA. S’empressant encore autour de la future PDG, le lobbyiste Denis Pingaud, maître d’oeuvre de la campagne de Mathieu Gallet à Radio France ; l’homme de programmes, Xavier Couture, (ex-TF1 et Canal+) et, indirectement, sans même l’avoir rencontrée, le lobbyiste Pascal Houzelot qui s’entiche maintenant de "Delphine", après avoir misé sur Rodolphe Belmer. "Avec Pascal, on s’est mis sur la campagne d’Ernotte", confiait Couture, début mars, à un interlocuteur. Delphine Ernotte a aussi pour elle ses réseaux féminins et culturels : sa soeur est adjointe d’Anne Hidalgo, elle-même est proche de Fleur Pellerin et de Najat Vallaud-Belkacem. Aurélie Filippetti l’avait nommée présidente du conseil d’administration de l’Ecole nationale de la Photographie d’Arles, et le conseil de Paris, période Delanoë, administratrice du Cent Quatre.

Les regards se tournent pourtant vers une autre candidate, Nathalie Collin. Même âge qu’Ernotte, tout aussi novice dans l’audiovisuel, mais dotée d’une audace qui semble séduire certains des sages même si, au final, leur main tremblera. Accompagnée d’un duo top niveau, Vincent Meslet (Arte) et Catherine Smadja (BBC), elle propose un projet de 68 pages aussi détaillé que disruptif, qui prévoit une profonde recomposition éditoriale. Un vrai big bang de l’audiovisuel public. C’est osé. L’angle trouvé pour la discréditer ? En faire la candidate de Hollande. Ainsi ces tweets de Xavier Couture qui parlent de "nomination bouclée" à son sujet ou ciblent Laurent Joffrin, avec qui elle a dirigé "Libération", puis "l’Obs", chiffon rouge pour la droite, supposé oeuvrer dans son ombre : il "prépare “le Réveil français” [récent livre de Joffrin, NDLR] pour l’information de la télé publique. Avec la bénédiction du CSA."

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Mi-mars, tout est en place : un CSA renouvelé, un casting de candidats qui s’annonce fourni. Et là.... "Toujours l’inattendu arrive." Olivier Schrameck aime citer ce roman d’André Maurois. Le 19 mars, une semaine exactement avant la clôture des candidatures à France Télé, débute la grève à Radio France. Quel carambolage ! Les sages prient, chaque jour, pour que l’AG stoppe le mouvement. Exaspérée, Fleur Pellerin, la ministre de la Culture, tente tout pour faire craquer Gallet mais se heurte au CSA, le seul à pouvoir le révoquer. Et il n’en est pas question. Ce serait un désastreux message envoyé aux postulants à France Télé.

En février 2014, s’était joué un fameux coup au CSA, jamais raconté

La grève s’étirant, une interrogation finit par surgir : comment a-ton pu nommer ce PDG, déstabilisé après un an, par des révélations en rafales du "Canard enchaîné", par cette grève interminable, par cette motion de défiance et flanqué, désormais, d’un médiateur ? Ce PDG qui, sur les deniers de l’INA, son entreprise précédente, lançait une invitation pour aller visiter un musée aux Pays-Bas à deux sages du CSA, Christine Kelly et Memona Hintermann, alors qu’il s’apprêtait à candidater ? Qui a bien pu le faire roi et "à l’unanimité", encore ? Quatorze mois plus tôt, en février 2014, s’était joué un fameux coup au CSA, jamais raconté. Après une audition très réussie, s’il était manifeste que Mathieu Gallet l’emporterait (avec notamment la voix de Schrameck), deux ou trois sages, pourtant, s’apprêtaient à voter pour un concurrent.

Olivier Schrameck, relayé par la conseillère Françoise Laborde, avait alors eu l’idée de "construire" un plébiscite. Avec cet argument : Gallet étant issu d’un cabinet ministériel de droite, il faut lui donner une forte légitimité pour négocier avec sa tutelle, de gauche. Une belle opération médiatique. Et pour Schrameck, la certitude qu’on ne douterait plus de son indépendance. Un an plus tard, cette fameuse unanimité les tétanise tous. Ils ne peuvent pas se déjuger et, par communiqué, maintiennent leur confiance au PDG. Avec une conviction très relative.

Plus d’un an a passé après cette partie d’échecs. Le 1er avril 2015, une sacrée surprise détourne momentanément l’attention de Radio France : 33 candidats, et ce n’est pas un poisson d’avril, postulent à France Télévisions ! La procédure choisie garde leurs noms secrets. Et, après écrémage, seuls quelques-uns seront auditionnés. C’est l’heure des médias training. Cyrille du Peloux se chauffe avec le réalisateur Jérôme Revon, Didier Quillot, avec Tristan Carné... L’heure aussi de lire "Matignon, rive gauche", écrit par Schrameck en 2001. Il y vante "l’indépendance de son caractère". Ce qui lui avait valu cette pique de Jean-Louis Debré : "J’ai appris que Schrameck avait un collaborateur qui s’appelle Jospin." L’heure, enfin, de dresser la cartographie des sages du CSA – 4 hommes, 4 femmes ; 4 nommés par la droite, 4 par la gauche –, d’identifier les rapports de force, les alliances possibles, les maillons faibles.

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« On adopte quelle procédure ? », interroge le conseiller Nicolas About

Le premier acte se joue, en séance plénière, le 15 avril, au moment d’établir la short-list. "On adopte quelle procédure ?", interroge le conseiller Nicolas About. "Vote à bulletin secret sur chaque candidat", répond Schrameck. Lui qui a balisé toutes les étapes par écrit a omis jusque-là (contrairement à ce qu’il avait fait pour Radio France) de préciser ce point. Un détail auquel nul ne prend garde mais qui va se révéler décisif. L’année précédente, pour Radio France, une discussion à la bonne franquette avait permis de déboucher sur une liste consensuelle. Là, chacun vote, nom par nom. Et, surprise, trois candidats qui maîtrisaient le sujet sur le bout des doigts, passent démocratiquement à la trappe : Didier Quillot, Marie-Christine Saragosse et Emmanuel Hoog, PDG de l’AFP. Pour les deux derniers, et sans les en avoir alertés, Schrameck a pointé, avant le vote, le risque qu’il y aurait à déstabiliser leurs entreprises respectives. Ultime humiliation, il ne charge pas même un sous-fifre de les informer, pas plus que la vingtaine d’autres évincés. Ils apprendront, par courrier, leur infortune.

« Quoi ? Marie-Christine n’y est pas ? »

"Quoi ? Marie-Christine n’y est pas ?" A l’Elysée, on s’étrangle. Didier Quillot, lui, croule sous les SMS de dirigeants de chaînes : "Je ne le crois pas !", "Cher Didier, le CSA n’en rate pas une ! Tu es un excellent candidat, il est donc logique que tu sois écarté sans pouvoir présenter ton projet !" Ces évictions laissent la curieuse impression d’avoir été organisées à dessein. 21 avril, c’est le jour J. Les auditions des sept candidats retenus débutent. Pour éviter les indiscrétions, les sages ont tous reçu des dossiers filigranés [élément repérable à la photocopie, NDLR] ; et pour garantir leur anonymat, chaque postulant est accompagné depuis le trottoir jusqu’au parking crasseux puis à l’ascenseur privatif et, enfin, dans un petit salon pour attendre son tour.

Précautions inutiles puisque les noms et les horaires ont déjà fuité... Voilà enfin le prétendant introduit dans la salle du 18e étage, accueilli par Schrameck, le seul auquel il serrera la main. Les autres conseillers sont assis autour de la table ovale. Trente minutes de présentation, quatre-vingt-dix sur le gril. Durant deux jours, les sages auditionnent, ne s’interrompant que le temps d’un plateau-repas. Faussement détendus, ils s’amusent, qu’à l’extérieur, on les imagine à feu et à sang. Le 22 avril, en fin d’après-midi, sonne, enfin, l’heure du vote.

Si l’on m’avait dit, il y a six mois, que l’un des finalistes n’aurait aucune expérience dans l’audiovisuel et que l’autre n’aurait plus occupé de poste opérationnel dans une chaîne depuis un quart de siècle, franchement, j’aurais cru à une blague », commente un patron du secteur.


Au premier tour, Delphine Ernotte obtient quatre voix : celles d’Olivier Schrameck (qui n’a pas de voix prépondérante), de Sylvie Pierre- Brossolette, de Nathalie Sonnac et de Nicolas Curien ; Pascal Josèphe, trois, et Rémy Pflimlin, une. "La nuit portera conseil", professe Schrameck, pas plus inquiet que cela. Dans la soirée, les portables ne cessent de vibrer, on "lobbyise" à tout-va. L’Elysée ne veut pas de Pascal Josèphe. Lendemain matin, tour Mirabeau, les mêmes : toujours 4 voix pour Ernotte, mais, cette fois, 4 voix pour Josèphe. "Si l’on m’avait dit, il y a six mois, que l’un des finalistes n’aurait aucune expérience dans l’audiovisuel et que l’autre n’aurait plus occupé de poste opérationnel dans une chaîne depuis un quart de siècle, franchement, j’aurais cru à une blague", commente un patron du secteur.

Des sages suggèrent de rouvrir le jeu, c’est non. Les deux candidats sont reconvoqués pour 90 minutes de questions-réponses. L’occasion d’éclaircir le rôle exact de Pascal Houzelot auprès de Delphine Ernotte, alors que pointe le scandale de la revente de Numéro 23... que doit bientôt instruire le CSA. Elle l’a croisé une seule fois, trois secondes, assure-t- elle. Troisième tour de scrutin : 4 contre 4. Le si prévoyant Olivier Schrameck découvre, dans le camp adverse, une détermination insoupçonnée. Il en appelle au sens des responsabilités. Au nom de l’institution, il faut parvenir à une solution. Quatrième tour de scrutin, l’urne en Plexiglas livre son verdict : alléluia, une voix a basculé. Delphine Ernotte accède à la présidence de France Télévisions pour cinq ans. Pour les lecteurs de "Matignon, rive gauche" résonne encore cette phrase de Schrameck : "J'ai en aversion l'opcité des situations."

 


REPÈRES

2014. 27 février. Le CSA nomme Mathieu Gallet PDG de Radio France.

2015. 26 janvier. Deux nouveaux sages : Nathalie Sonnac et Nicolas Curien.

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19 mars. Début de la grève à Radio France.

26 mars. Clôture du dépôt des candidatures pour France Télévisions.

1er avril. 33 candidats. Les noms ne sont pas rendus publics.

15 avril. Le CSA établit une short-list, gardée secrète, des candidats qu'il auditionnera.

16 avril. Fin de la grève à Radio France.

21-22 avril : Auditions pour France Télé.

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