On aperçoit le village de Cunmoyu (prononcer tsunmoyu) et les fières coupoles blanches de sa nouvelle église bien avant d’arriver à destination : adossé à une petite montagne, il domine les plaines brunes et sèches du Hebei, la province qui entoure Pékin. Cunmoyu a une particularité : la quasi-totalité de ses habitants sont catholiques.
Dans le cimetière à l’orée du village, deux imposantes stèles en marbre noir trônent au milieu d’une forêt de croix blanches : ce sont celles de deux anciens évêques du diocèse d’Yixian, un district du Hebei, à quelque 150 km au sud-ouest de Pékin. Les épitaphes, une succession de dates d’incarcération, indiquent que le premier est mort en 1989, le second en 1993.
Un troisième ecclésiastique, leur successeur direct et dernier évêque en titre du diocèse, Mgr Shi Enxiang ou Côme, pourrait les rejoindre bientôt, à condition que sa dépouille ou ses cendres soient restituées à la famille : informée le 31 mars de la mort de l’évêque, âgé de 94 ans et enlevé en 2001 par une officine de la police politique chinoise, elle n’a, à ce jour, rien vu venir.
Irréductibles prélats
« On a commencé les préparatifs et on a attendu en vain une nuit entière dans son village natal [Shizhuang]. Puis la famille a tenté de contacter les autorités locales. Elles ont répondu qu’elles n’en savaient rien », raconte le Père Yang Linghui, ou Père Thomas, un prêtre quadragénaire du diocèse d’Yixian, qui attend, comme ses collègues, un épilogue à la disparition de son évêque, il y a quatorze ans.
L’Association patriotique de l’Eglise catholique chinoise, inféodée au Parti communiste chinois (PCC) se veut « indépendante » du Vatican et nomme ses évêques, au mépris du dogme d’une Eglise unique.
Ordonné prêtre deux ans avant l’avènement de la République populaire en 1949, Mgr Côme a passé près de la moitié de son existence en camp de travail, en prison ou en détention secrète. Il fait partie de ces irréductibles prélats chinois fidèles au Vatican qui ont toujours refusé de rejoindre l’Association patriotique de l’Eglise catholique chinoise, inféodée au Parti communiste. Celle-ci se veut « indépendante » du Vatican et nomme ses évêques, au mépris du dogme d’une Eglise unique. Cette querelle des ordinations a toujours empêché le Vatican d’entretenir des relations diplomatiques avec la Chine.
Si la majorité des évêques chinois sont reconnus à la fois par le Saint-Siège et l’Eglise patriotique chinoise – ceux qui ne le sont pas par le pape s’exposent à l’excommunication –, les tentatives répétées du Vatican de trouver un modus operandi avec Pékin se heurtent à un mur. Le directeur du bureau de presse du Saint-Siège, Federico Lombardi, a suggéré une nouvelle fois, le 12 mars, l’adoption par Pékin du « modèle vietnamien », selon lequel Hanoï se prononce sur des candidats pressentis par le Vatican. Le porte-parole du ministère des affaires étrangères a rétorqué que le Vatican devait « accepter la tradition historique et la réalité des catholiques chinois ».
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