L'avocat Jean-Pierre Mignard préside la "Haute autorité du PS", instance chargée du respect des règles éthiques, saisie en vain par plusieurs motions pour superviser le vote sur les motions du congrès du parti socialiste.

afp.com/Bertrand Langlois

"C'est clair, il risque d'y avoir de la triche, se lamente un député socialiste. Certaines sections du PS, c'est l'Albanie." A chaque congrès, les mêmes craintes resurgissent. On se souvient du calamiteux congrès de Reims en 2008 et son lot de contestations.

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Mais si le vote sur les motions de Poitiers réveille tant d'inquiétudes, c'est surtout parce que le résultat final est très ouvert, du fait du nombre de motions en lice (quatre) et de la forte abstention attendue. Si 70 000 adhérents seulement se déplacent pour voter -le précédent congrès, en 2012, avait enregistré 80 000 votants- la moindre fraude aura un impact notable (700 voix équivaut à 1% du score final).

Comment triche-t-on?

Explication d'un grognard du parti: "Soit certains jouent sur la régularisation de militants en retard de leur cotisation, lesquels se voient réintégrés in extremis pour le vote, avec paiement de leur cotisation. Soit, cela se passe au niveau des sections où le pluralisme est absent. Le secrétaire de section, profitant de l'absence de scrutateur, gonfle le PV final, voire change le lieu du scrutin au dernier moment sans prévenir tout le monde. Enfin, il y a la centralisation des résultats, de la fédération au siège du parti. C'est un moment tentant pour changer les résultats..."

Des mesures ont-elles été prises? Oui et non

Il y aura des scrutateurs nationaux dans certaines fédérations. Deux motions (la "Fabrique" de Karine Berger et celle des frondeurs de Christian Paul) ont, par ailleurs, demandé que la Haute autorité du PS, instance composée de sages chargés de veiller au respect de l'éthique dans le parti, puisse jouer un rôle d'arbitre impartial en cas d'éventuels recours. Son président, l'avocat Jean-Pierre Mignard (qui a déjà supervisé la primaire de 2011), a expliqué que les statuts du PS ne lui permettent pas de s'auto-saisir mais que si l'ensemble des motions lui demandait, il accepterait de superviser le scrutin.

Mercredi matin, selon nos informations, Jean-Pierre Mignard se rend pourtant dans le bureau de Jean-Christophe Cambadélis pour un tête-à-tête secret. Officiellement, pour parler "des futurs statuts de la Haute autorité, discutés pendant le congrès", selon les mots de l'avocat, interrogé par L'Express. Dans l'entourage de "Camba", on élude: "Cette rencontre était prévue de longue date et n'a rien à voir avec le scrutin."

Finalement, le premier signataire de la motion A fait savoir qu'il s'oppose à toute supervision par cette instance. "Je ne crois pas que nous ayons besoin d'une autorité extérieure pour contrôler ce qui va aller de soi", justifie-t-il dans Le Parisien, jeudi. Une décision qui risque d'alimenter la machine à rumeurs.

Le risque est-il plus prononcé qu'avant? Non

Christian Paul, le chef de file de la motion des frondeurs, soutient qu'"il y aura un enjeu de transparence dans certaines fédérations". Mais leur nombre est limité. Selon les connaisseurs des arcanes du parti, une dizaine de "fédés" pose potentiellement problème (Seine-Maritime, Nord, Landes, etc.). "Avant, c'était la moitié", rappelle un élu soutenant la motion de Karine Berger. Que s'est-il passé? De grosses fédérations, où l'opacité était extrême, ont implosé. C'est le cas des Bouches-du-Rhône, où le PS est en miettes. Ou encore du Pas-de-Calais, où le système qui verrouillait naguère la fédération s'est délité. Enfin, la perte de moult municipalités, avec ses bataillons d'employés municipaux encartés dans les sections locales, a affaibli le pouvoir de certains mandarins, prompts à vérouiller leurs bastions. Il n'empêche, la moindre fraude peut changer l'issue finale, compte tenu du faible nombre de votants attendus.

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