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Syrie

Trafic d'oeuvres d'art: le business qui enrichit Daesh

Des membres de Daesh saccagent des oeuvres dans le musée de Mossoul, en Irak, sur des images de propagande diffusées fin février 2015.

Des membres de Daesh saccagent des oeuvres dans le musée de Mossoul, en Irak, sur des images de propagande diffusées fin février 2015. - Capture d'écran

La prise de la ville syrienne de Palmyre, et de sa célèbre cité antique, par les jihadistes de l'Etat islamique, laisse craindre de nouvelles destructions, alors que plusieurs sites historiques ont déjà été massacrés en Irak, et que Daesh a fait du trafic d'oeuvres l'un de ses principaux moyens de financement.

Des pièces arrachées à la cité antique de Palmyre, doublement millénaire, se retrouveront-elles dans la spirale infernale du trafic d'oeuvres d'art? C'est ce que craignent de nombreux spécialistes, alors que les jihadistes du groupe Etat islamique (EI) se sont emparés jeudi de cette ville syrienne, et ont pénétré dans la foulée sur son célèbre site archéologique.

Comme en Irak voisin, où les cités antiques de Nimrud et Hatra, joyaux de l'art assyrien, et le musée de Mossoul, ont été massacrés, Palmyre pourrait ainsi disparaître sous les coups de marteau, et autres assauts au bulldozer menés par les combattants de l'EI. 

> Le trafic d'oeuvres, deuxième source de financement de l'EI

En effet, au cours de cette dernière année, les jihadistes ont fait de la destruction d'oeuvres d'art une de leurs spécialités, justifiant leurs actes par le nettoyage du paysage culturel, et notamment de tous les vestiges correspondant à des civilisations antérieures à l'islam. Mais pas seulement: l'Etat islamique a également entrepris de faire du pillage et du trafic d'art l'une de ses principales ressources financières.

Comme le pétrole, le trafic d'antiquités est ainsi devenu un mode de financement pour Daesh. Pillages de musées ou de sites archéologiques, fouilles clandestines: les jihadistes ne reculent devant aucun moyen pour récupérer des biens culturels qu'ils pourront ensuite revendre au prix fort au marché noir. 

A tel point que ce trafic, troisième commerce illicite au monde, est devenu la deuxième source de revenus de l'organisation islamiste, derrière la vente de pétrole. Cette activité lui assurerait d'empocher de 6 à 8 milliards de dollars par an, selon la CIA, et en retour, de financer ses activités de guerre. Or, la matière ne manque pas dans cette région à cheval entre la Syrie et l'Irak, ancien berceau de la civilisation mésopotamienne. Résultat: sur les 12.000 sites archéologiques décomptés sur le territoire irakien, 2.000 se trouvent d'ores et déjà dans les zones contrôlées par l'EI.

> Quel sort pour les oeuvres pillées? 

Les nombreux objets volés lors de pillages dans des musées ou sur des sites antiques se retrouvent éparpillés aux quatre coins du monde, après avoir été stockés localement, puis vendus à des intermédiaires peu scrupuleux, dans les pays voisins.

"On sait que cela passe essentiellement par la Turquie, avant d'arriver en Occident, sur les marchés européen et américain", explique ainsi l'avocat et spécialiste du marché de l'art Jean-Jacques Neuer, interrogé sur France Info. Transits par des zones portuaires, élaboration de faux certificats, vente sur Internet, le cheminement des oeuvres peut ensuite s'avérer très lent, et peut prendre plusieurs années, limitant ainsi un peu plus les moyens de les retrouver. En Europe, l'Allemagne, le Royaume-Uni et la France sont les pays où les oeuvres pillées ont le plus de "chances" d'atterrir, compte tenu de leur législation laxiste sur le sujet, explique Arte.

> Quelles solutions pour lutter contre le trafic?

Dès lors, y a-t-il des chances de remettre un jour la main sur ces pièces, et de les restituer? Si les antiquités, une fois retrouvées, peuvent être rendues à un pays par le biais d'outils juridiques, remonter leur trace peut s'avérer très compliqué, selon Jean-Jacques Neuer. "Les objets auront été absorbés par des collectionneurs, au travers de circuits complexes", fait-il valoir. 

Sur le terrain, en Irak et en Syrie, la lutte commence à s'organiser, notamment grâce à une résolution adoptée par le Conseil de sécurité de l'ONU en février dernier, visant à stopper ce trafic d'oeuvres volées par les groupes jihadistes présents en Irak et en Syrie, notamment l'EI et le Front al-Nosra. Objectif: assécher leurs ressources financières. Son efficacité reste encore à prouver.

Or il y a urgence. Outre la multitude de sites antiques qui sont encore susceptibles de passer sous contrôle jihadiste, Daesh se rapprocherait dangereusement de la capitale irakienne, Bagdad, dont le célèbre musée, qui renferme des trésors inestimables, vient de rouvrir. En 2003, celui-ci avait été pillé quelques jours après la chute de Saddam Hussein. Un tiers des 15.000 pièces volées à l'époque ont pu être récupérées au cours de ces douze dernières années.