Elles portent des masques blancs pour montrer qu'elles se sentent invisibles et inaudibles. Entre 2 000 et 4 000 sages-femmes manifestaient à Paris lundi 16 décembre pour réclamer la reconnaissance de leurs compétences et peser sur les négociations en cours dans un groupe de travail créé le 7 novembre par la ministre de la santé Marisol Touraine. Mécontentes, elles ont quitté, dans l'après-midi, la troisième réunion de ce groupe.
« Cela fait vingt ans que les sages-femmes demandent de changer de statut, mais il n'y a aucune volonté politique pour y répondre », estime Caroline Raquin, la présidente de l'Organisation nationale syndicale des sages-femmes (ONSSF). A l'appel de l'ONSSF, de la CFTC santé-sociaux et d'autres organisations, les sages-femmes, en grève depuis le 16 décembre, manifestaient pour la troisième fois après les défilés des 7 et 19 novembre, qui avaient eux aussi rassemblé plusieurs milliers de manifestants.
Lundi après-midi, dans la foulée de la manifestation, avait lieu la troisième rencontre du groupe de travail mené par Edouard Couty, ancien directeur d'établissement de santé et auteur d'un rapport sur l'hôpital, qui doit négocier en vue d'une prise de décision le 20 décembre, promise par la ministre de la santé. « Mais si aujourd'hui nous n'avons pas d'engagements fermes qui correspondent à nos demandes, nous quitterons la table des négociations », déclarait Caroline Raquin quelques heures avant de quitter effectivement la troisième réunion de concertation au ministère du travail, insatisfaite par les propositions. « Nous sommes déterminées à continuer jusqu'à ce que l'on obtienne le changement de statut », ajoute-t-elle. « Les concertations qui ont lieu en ce moment, c'est de l'enfumage », ajoute Emmanuel Roth, sage-femme.
Les sages-femmes de la fonction publique hospitalière veulent obtenir le statut de praticien hospitalier. Elles sont pour l'heure assimilées aux professions paramédicales, à l'instar des infirmiers ou des aides-soignants. Ce statut, qui les rapprocherait de celui des médecins, leur conférerait davantage d'autonomie en pratique et une plus grande indépendance par rapport à la hiérarchie hospitalière. En revanche, elles perdraient le statut de fonctionnaire.
Edouard Couty « nous a fait deux propositions qui ne tiennent pas compte de nos revendications », rapporte Adrien Gantois, du Collège national des sages-femmes. Soit « rester dans la fonction publique hospitalière », soit obtenir un « nouveau statut de praticien en maïeutique qui aurait les inconvénients du statut de praticien hospitalier, sans les avantages ».
L'obtention du statut de praticien hospitalier, « ce ne serait que reconnaître ce qu'on est déjà », expliquent Julie Castaneda et Marie Le Bartz, sages-femmes à l'hôpital Lariboisière, dans le 10e arrondissement de Paris. « La valeur médicale de notre profession n'a jamais été reconnue alors que nous avons de plus en plus de compétences avec notamment le suivi des grossesses. Mais cette reconnaissance est bloquée car elle impliquerait une revalorisation salariale, que personne ne veut payer. »
DES SAGES-FEMMES PRÉFÈRENT RESTER FONCTIONNAIRES
Toutes les sages-femmes ne veulent cependant pas changer de statut. Les autres syndicats (CGT, CFDT, FO, UNSA, SUD...) préfèrent qu'elles conservent leur statut de fonctionnaire pour garder les avantages liés (sécurité de l'emploi, droits à la retraite…).
« Les autres centrales syndicales nous accusent de vouloir casser notre mission de fonction publique. C'est faux, leur répond Caroline Raquin. Mais on n'a plus aucun intérêt à rester en son sein. Les praticiens hospitaliers ont obtenu les mêmes avantages que ceux de la fonction publique. Et dans les hôpitaux aussi il y a de la précarité. Les sages-femmes sont confrontées aux problèmes de sécurité de l'emploi – chômage, CDD… »
« Il y a beaucoup de contrats précaires dans la fonction publique, ajoute Nadine Knezovic, cadre de santé dans un pôle sages-femmes à Strasbourg. A la sortie de leur école, les sages-femmes, en général, enchaînent des contrats précaires pendant quatre ou cinq ans, et certains en accumulent jusqu'à dix. »
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