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Politique

Congrès socialiste : sous le score de Cambadélis, un PS sans militants ?

Un militant sur deux du PS, sur les 130 000 adhérents revendiqués, a voté pour les motions du congrès de Poitiers. Cachez ce chiffre que Hollande et Valls ne veulent pas voir ?
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Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire du PS, le 20 mai 2015.
Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire du PS, le 20 mai 2015.
THOMAS SAMSON / AFP

Ce n’est plus le vote des motions d’un congrès socialiste, c’est l’école des fans. Le tout sous la tutelle de François Hollande, Tonton Mayonnaise de l’époque, et des journalistes politiques de France dans le rôle du public de l’Empire. Tout le monde a gagné, pourcentages flatteurs à l’appui.

«Sous vos applaudissements, saluez le triomphe de la motion A et des 60%», avec Jean-Christophe Cambadélis à la tête du chœur des dissonances réunies, de Martine Aubry à Manuel Valls.

« Sous vos applaudissements, Christian Paul (motion B quasi 30%) le Mitterrand de la Nièvre si l’on en croit Paris Match » (compliment ou vacherie la comparaison ?)

« Sous vos applaudissements, Karine Berger et ses presque 10%, motion D, pirate de la motion B destinée à réduire le score de la motion des Frondeurs… Profitons-en pour applaudir de nouveau Jean-Christophe Cambadélis pour cette réinvention du grand classique des congrès socialiste, divisons l’opposition de manière à assurer le triomphe de la motion qui doit arriver en tête».

« Sous vos applaudissements, François Hollande et Manuel Valls qui préservent l’essentiel : un congrès qui fige le rapport des forces en présence, donc qui est utile en ce qu’il ne sert à rien ».

Bref, le congrès de Poitiers donnera lieu à l’une de ces messes politico-médiatiques comme les aime ce que Raymond Barre nommait à raison "le microcosme", dans l’attente de la suite des événements qui donnent sens à la vie des milieux autorisés. On suivra bientôt avec avidité les événements prévus après le congrès. Le Tour de France (à quand la visite de Hollande et de Valls ?). Le 14 juillet (François Hollande parlera-t-il, et si oui, où ? et à qui ?). Le dernier Conseil des ministres de l’été (mais où iront-ils à moins de deux heures de Paris). Les photos des vacances studieuses du président à Brégançon (avec Julie Gayet, ou pas ?).

Et tout ce petit monde, politiques et médiatiques, se retrouvera, fin août, à la Rochelle, pour l’université d’été, rendez-vous prisé des journalistes politiques affectés à l’actualité du PS, puisque c’est à cette occasion qu'ils décernent des prix humoristiques aux personnalités de leur parti préféré (Melon d’or, Couac d’or, Langue de bois d’or, etc). A ce moment de l’année, le congrès de Poitiers sera aussi légendaire que le congrès de Brest. Ou de Toulouse. C'est à dire qu'il sera oublié.

Les leçons du vote de ce jeudi ne sont pas à chercher dans les pourcentages flatteurs des uns et des autres. Ni dans ces commentaires qui expliquent que tout bien considéré, tout le monde a gagné. En vérité, si leçon il y a à tirer, c’est d’abord et surtout au regard du nombre annoncé d’adhérents du PS venus voter dans leurs sections.

A l’heure où ces lignes sont écrites, il est dit qu’un petit peu plus d’un adhérent sur deux du Parti socialiste a condescendu à participer au scrutin le plus important de la vie de leur parti, à la veille d’un congrès. Un petit peu plus d’un sur deux, cela représente environ 75 000 votants sur un corps électoral potentiel de 130 000 électeurs.

La direction actuelle du PS a-t-elle de quoi s’en réjouir ? Non, puisque quoi qu’elle en dira, une telle désaffection n’est pas un signe de bonne santé militante. Ce faible score n’est que le reflet de ce que bien des socialistes ont confessé à l’auteur de ces lignes, à savoir que les réunions et débats organisés par le PS autour des motions ne drainaient pas les foules. Ces dernières semaines, il est arrivé à Jean-Christophe Cambadélis de se retrouver devant des assistances clairsemées, y compris dans des fédérations réputées à gros bataillon militants, comme dans le Val d’Oise par exemple, où seule une petite centaine d’adhérents avaient fait le déplacement pour écouter le Premier secrétaire de leur parti défendre la motion A en Assemblée générale de motion.

En clair, la question est désormais de savoir si ne demeurent sensibles à l’avenir du Parti socialiste que ceux de ses adhérents qui ont un intérêt à s’en préoccuper : les élus de tous niveaux et les collaborateurs de ces élus, deux corporations numériquement en chute libre depuis les raclées électorales municipales, européennes et départementales (et les régionales à venir devraient aggraver la situation). A ceux-là on ajoutera les militants les plus anciens, les habitués, qui vont à la réunion de section comme on va au bistrot, parce que les "camarades" sont devenus des "copains".

A 130 000 adhérents revendiqués, le PS n’est toujours pas ce parti de masse qu’il s’efforce de redevenir depuis la fin des années 80. Plus grave encore, ce parti de clientèle(s) n’est plus capable de mobiliser massivement ses adhérents pour le vote clé de sa vie interne. On mesure l’état de déshérence en un exemple, quand on constate que la section socialiste Philippe Farine, du 12e arrondissement de Paris, qui revendique traditionnellement un millier de militants, s’enorgueillit d’avoir vu voter 345 militants lors du vote de ce jeudi, en précisant au surplus que cette faible participation est la plus forte de la capitale. Mais où sont passés les adhérents du PS, à Paris comme ailleurs ?

Le PS est un parti qui se vide de ses militants. Voilà ce que dit le nombre des votants.

Les pourcentages des uns et des autres sont donc trompeurs. Le PS est comme vidé de substance après trois ans de présidence Hollande, tel est le sens du vote de ce jeudi, avant même les scores virtuels des uns et des autres. Seulement 70 à 75 000 militants actifs au PS ? Cachez ce chiffre que François Hollande et Manuel Valls ne sauraient voir ?

Au total, cette participation, reflet de l’état d’un PS en déshérence militante, donne sens à ce que disait, il y a deux jours à peine, Jean-Christophe Cambadélis lui-même dans les colonnes du Parisien : "Nous sommes trop dans l’entre-soi, le débat vient de le démontrer. Nous sommes coupés des préoccupations quotidiennes des Français. Aller vers un parti de masse, c’est changer la nature du PS et le ramener à une proximité avec nos concitoyens. C’est à portée de la main. Il faut que les militants socialistes se tournent vers les Français et arrêtent de se regarder le nombril, de ressasser des débats qui sont les mêmes, avec les mêmes acteurs à droite comme à gauche, depuis 1983. Nous avons 700 000 sympathisants prêts à nous rejoindre. Pourquoi ne le font ils pas ?"

Reconnaissons au Premier secrétaire sa lucidité et sa franchise. Entre-soi et nombrilisme sont effectivement les deux mamelles de ce PS hors-sol. Mais comment 700 000 citoyens pourraient-ils rejoindre le PS quand 65 000 de ceux qui y sont déjà estiment que participer à l’événement majeur de la vie du parti n’en vaut pas la peine ? La tâche que s’assigne Cambadélis est prométhéenne.

A la fin, on pense à ce mot ancien de Louis Mermaz, ancien président de l’Assemblée nationale, commentant les us et coutumes des congrès socialistes : "Quand il n’y a pas d’élections, les socialistes en organisent entre eux, pour s’amuser". A l’évidence, en 2015, cela ne les amuse même plus. Il n’est que les journalistes politiques pour s’amuser encore d’un congrès socialiste, cela permet d'entretenir sa timeline Twitter pour initiés. Et les Français, qu'en pensent-ils les Français du score de la motion B du Parti socialiste au congrès de Poitiers ?

 

 

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