Lorsque Zhou Qinfu fait, avec ses clients, le tour de ses bassins de tilapias, c'est au volant de sa voiture et cela prend un bon moment. Son groupe, Qinfu (comme son prénom), élève ce poisson d'eau douce sur près de 7 hectares. Lorsque ses machines projettent le grain alimentaire au-dessus des étendues d'eau, c'est une dense marée de poissons grisâtres qui remonte. Des 20 000 tonnes de tilapias produites par l'entreprise cette année, la moitié sera exportée vers l'Union européenne, en particulier la France, la Belgique et les Pays-Bas. M. Zhou est convaincu que le tilapia sera « parmi les mets les plus courants dans notre alimentation au XXIe siècle ».
Avec 38 millions de tonnes de poissons d'élevage, produites dans ses fermes en 2011, la Chine représente 61,6 % de l'aquaculture mondiale, devançant de loin l'Inde (4,5 millions de tonnes) et le Vietnam (2,8 millions), respectivement deuxième et troisième, selon les chiffres de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO).
Cette domination est l'héritage d'une culture historique, de carpes en particulier. Mais l'activité est aussi dopée par le faible coût de la main-d'oeuvre à l'usine de découpe, de congélation et d'emballage. La Chine élève toujours de la carpe, principalement à destination du marché intérieur, beaucoup de crevettes, mais le produit de plus en plus demandé à l'international est le poisson sur lequel a misé Zhou Qinfu. « Le tilapia est une alternative moins onéreuse au saumon ou au cabillaud, et il commence à être accepté par les consommateurs presque partout sur la planète », avance M. Zhou.
BAISSE DES COÛTS
Ce chef d'entreprise et ses concurrents n'ont pu passer à l'échelle industrielle qu'au tournant des années 2000. Ils ont appris, aux côtés de Taïwanais implantés sur l'île de Hainan, à séparer les mâles (85 % de ses bassins) des femelles pour gagner en rendement. Cette sélection a permis de faire baisser les coûts et a conduit à l'importante augmentation de la consommation de tilapia, amorcée il y a cinq ans.
L'île de Hainan est une des « nouvelles frontières » de l'aquaculture mondiale, constate Michael Phillips, chercheur au sein de l'organisation WorldFish. Selon lui, le tilapia est une source de protéine animale très « efficace », car il peut être nourri principalement à partir de végétaux (les graines jetées aux tilapias de Hainan contiennent un mélange de maïs, de fèves et de résidu de poisson en provenance d'Amérique latine) et, ce poisson à sang froid, ne dépense pas d'énergie à se chauffer, à la différence des bovins.
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