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Déficit de l’Etat : la Cour des comptes pointe un dérapage de 10 milliards en 2014

Le rapport annuel de la Cour des comptes sur le budget de l’Etat reproche au gouvernement l’usage d’expédients pour afficher une baisse des dépenses.

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Publié le 27 mai 2015 à 09h36, modifié le 27 mai 2015 à 17h55

Temps de Lecture 4 min.

Le ministre des finances Michel Sapin en 2014. La Cour des comptes pointe un dérapage du déficit du budget de l'Etat de 10 milliards en 2014.

Depuis quelques semaines, le gouvernement affiche un satisfecit sur les résultats de sa gestion budgétaire en 2014, se félicitant d’un déficit « meilleur que prévu » et d’une dépense « remarquablement maîtrisée ». La Cour des comptes vient aujourd’hui doucher cet enthousiasme : en réalité, le déficit budgétaire de l’Etat s’accroît et la dépense publique n’est maîtrisée qu’au prix de divers expédients, observe la Cour dans son rapport annuel sur le budget de l’Etat, publié mercredi 27 mai - pour les résultats de l’ensemble des administrations publiques, il faudra attendre la troisième semaine de juin.

S’agissant du déficit budgétaire définitif de l’Etat, qui s’élève à 85,56 milliards d’euros, celui-ci est certes « meilleur » que le dernier chiffre prévisionnel. Mais pour la Cour, ce sont les résultats en exécution d’une année sur l’autre qui comptent. Et, là, le bilan est sans appel : le déficit de l’Etat est supérieur de 10,7 milliards d’euros à celui de 2013. Ainsi, note la Cour, « la réduction du déficit budgétaire de l’Etat, amorcée depuis 2010, a été interrompue en 2014, dans un contexte de croissance et d’inflation plus faibles que prévu et de taux d’intérêt très bas ». Et, ajoute-t-elle, « les dépenses exceptionnelles [en l’occurrence, le deuxième programme d’investissements d’avenir, lancé en 2014] ne suffisent pas à expliquer l’aggravation du déficit budgétaire » : une fois corrigé des dépenses exceptionnelles, le déficit budgétaire s’est malgré tout aggravé de 5,5 milliards d’euros par rapport à l’année précédente.

Certes, l’exécution budgétaire a été affectée par une croissance et une inflation plus faibles que prévu en LFI mais, là aussi, observe la Cour des comptes, « faute d’avoir révisé dès le début de l’été des hypothèses macroéconomiques optimistes et les prévisions de recettes en conséquence, le gouvernement s’est abstenu d’ajuster plus fortement les dépenses, ce qui aurait permis de contenir le dérapage du solde budgétaire ». Sur ce plan, toutefois, l’exercice peut se prêter au débat : dans le contexte général de faible croissance qui touchait l’ensemble de la zone euro en 2014, un tour de vis supplémentaire sur les dépenses ne risquait-il pas d’étouffer encore un peu plus les capacités de reprise ?

Une baisse apparente

Les causes de cette aggravation du déficit budgétaire de l’Etat sont connues. En premier lieu, des recettes fiscales (274,31 milliards d’euros) inférieures de 10 milliards d’euros aux prévisions en LFI : elles sont en baisse, pour la première fois depuis 2009, de 9,7 milliards d’euros par rapport à 2013. L’évolution spontanée des recettes fiscales a été inférieure de 9 milliards d’euros à la prévision en LFI, du fait d’une hypothèse initiale « qui manquait de prudence », relève la Cour. Celle-ci appelle à améliorer la qualité et la transparence des prévisions de recettes fiscales.

Paradoxalement, c’est sur le chapitre de la maîtrise des dépenses que le rapport de la Cour des comptes risque de susciter quelques aigreurs du côté de l’exécutif. Fin mars, le gouvernement indiquait que les dépenses de l’Etat « ont baissé de 3,3 milliards d’euros par rapport à leur niveau de 2013 ». En réalité, cette baisse n’est qu’apparente.

Dès lors, ce n’est pas d’une baisse de la dépense du budget général qu’il convient de parler mais tout au plus d’une stabilité, alors même que la charge de la dette – malgré l’augmentation continue de cette dernière, qui atteint 1 528 milliards d’euros fin 2014 – a diminué de 1,73 milliard grâce à des taux d’inflation et d’intérêt exceptionnellement bas. Ce qui conduit la Cour à considérer que « les normes de dépenses ont été respectées au prix de débudgétisations importantes et de reports de charges accrus ».

Dans le détail, la Cour des comptes se montre sévère sur le recours à divers expédients. Elle juge ainsi « contestable » la non prise en compte, pour un montant de 3,3 milliards d’euros, de crédits destinés aux investissements d’avenir mais qui sont venus se substituer à des dépenses qui auraient dû être effectuées à partir du budget de l’Etat. « Cette substitution de crédits peut s’analyser comme autant de débudgétisations », note-t-elle.

Dépassements importants

Elle relève également quelques opérations ayant réduit « artificiellement » la dépense pour un montant de 445 millions d’euros. Parallèlement, des dépassements importants sur le budget général ont nécessité de nombreux mouvements en cours de gestion : c’est notamment le cas, traditionnel, du surcoût des opérations extérieures des forces armées, qui ont atteint 1,11 milliard d’euros en 2014 contre 450 millions budgétés.

L’exécution budgétaire 2014 se caractérise également par une hausse sensible des reports de crédits de paiement sur 2015, qui s’élèvent à 2,35 milliards d’euros, soit le montant le plus élevé depuis 2010. Enfin, l’Etat a constitué des dettes qui vont peser sur les gestions suivantes : la dette de l’Etat vis-à-vis de la Sécurité sociale a ainsi augmenté de près de 50 % pour atteindre 368 millions d’euros.

Dans un courrier annexé au rapport, le gouvernement réfute vigoureusement cette analyse, estimant que « la maîtrise exceptionnelle des dépenses est largement sous-estimée » alors que le niveau de la norme « était particulièrement ambitieux ». « Nous contestons que ce résultat ait été atteint en altérant la sincérité de la dépense », écrivent, dans leur réponse commune, le ministre des finances et le secrétaire d’Etat chargé du budget, visiblement peu enclins à suivre les recommandations de la Cour.

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