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Billet de blog 16 décembre 2013

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Les policiers malades de la peste

Voilà quelques temps maintenant que je m’astreins ici volontairement au silence. Rien à voir avec la lecture de « l’éloge du silence » de Marc de Smedt, un excellent ouvrage du reste. Non, juste une volonté de me réserver une de ces petites périodes d’observation que la volonté d’analyser les choses froidement impose naturellement.

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Voilà quelques temps maintenant que je m’astreins ici volontairement au silence. Rien à voir avec la lecture de « l’éloge du silence » de Marc de Smedt, un excellent ouvrage du reste. Non, juste une volonté de me réserver une de ces petites périodes d’observation que la volonté d’analyser les choses froidement impose naturellement.

C’est l’actualité récente qui me donne l’occasion de sortir de ma réserve.

Tout d’abord, la réunion du Comité Technique de la Police Nationale – il s’est réuni mercredi 11 décembre. Au cours de cette instance, au sein de laquelle siègent les représentants de l’administration face à ceux des syndicats, était abordée la question du port apparent d’un numéro d’identification par les policiers. Ce projet a été rejeté en bloc et en détail par les organisations syndicales représentatives qui ont voté unanimement contre le texte présenté par l’administration.

Revenons un instant à la genèse de ce projet.

Lors de la campagne présidentielle de 2012, plusieurs associations luttant contre le contrôle au faciès faisaient campagne pour la mise en place d’un récépissé de contrôle d’identité. Ces militants souhaitaient en effet que les policiers soient contraints de remettre ce récépissé à toute personne contrôlée par un service de police ou de gendarmerie.

A l’issue de l’élection présidentielle, le nouveau ministre de l’Intérieur fraichement nommé écartait finalement cette proposition. Afin de donner le change, Manuel Valls proposait en revanche que chaque policier puisse être identifié sur la voie publique par le port apparent de son numéro de matricule administratif.

C’est donc dans ce contexte que l’instance de concertation de la police était amenée à se pencher sur cette question.

Pour avoir participé à quelques réunions organisées par le milieu associatif sur le sujet du contrôle au faciès, j’ai pu constater l’état de dégradation des relations police/population. Après dix années de politique du chiffre (transformée en politique du résultat) au cours desquelles les policiers ont été médiatisés, pressurisés, instrumentalisés et surtout coupés de nos concitoyens, le climat de confiance fragilement instauré par la police de proximité s’est mué en climat de défiance.

Qui doit donc porter la responsabilité de cette situation ? Les policiers qui, sur le terrain, appliquent les consignes qui leur sont imposées ou bien les responsables politiques qui, pour des raisons purement idéologiques et électoralistes, se réfugient dans un simplisme outrancier et des effets d’annonce stériles ?

Sur cette question, ma religion est faite. Je l’ai affirmé à plusieurs reprises. Qu’un policier soit identifiable auprès des citoyens auxquels il s’adresse ne me pose pas de problème à titre personnel, bien au contraire. C’est d’ailleurs possible aujourd’hui par les moyens existants (véhicules numérotés, apposition du matricule de l’agent sur les procès-verbaux, géolocalisation des véhicules…). En revanche, dans le contexte précité du « tout statistique » érigé en dogme, désigner les policiers comme les responsables du désastre en leur demandant de porter un numéro d’identification relève de la provocation pure et simple.

L’adoption de ce projet permettrait donc sans doute de solder à bon compte et sur le dos des fonctionnaires de police un débat politique que nos responsables refusent d’ouvrir. Je n’évoque pas ici la pratique qui consisterait à se jeter au visage « le bilan désastreux du gouvernement précédent », elle ne trompe plus personne. Je veux parler de la nécessité de trancher enfin et définitivement ce vieux débat qui oppose depuis tant de temps le tout sécuritaire d’un côté et le concept de police au plus proche de nos concitoyens de l’autre. Le port d’un numéro d’identification par les policiers ne permettra sans doute pas de départager ces deux concepts. Ce n’est pas le port d’un numéro d’identification par les policiers qui permettra de regagner la confiance de nos concitoyens. Il ne ferait que stigmatiser les policiers et les transformerait en lampistes d’une certaine poltronnerie politique.

Dans un deuxième temps, je note dans l’actualité le limogeage du responsable de la police judiciaire parisienne pour avoir prévenu fin novembre Brice Hortefeux d’une convocation en tant que témoin dans une enquête sur le financement de la campagne de l’ancien président de la République. Cet épisode aura permis, en outre, à l’ancien ministre de l’Intérieur d’apprendre qu’il était sur écoute dans le cadre d’une « affaire distincte ». Le directeur de la police judiciaire invoque une coutume et le ministre de l’Intérieur qualifie les faits de « faute déontologique » commise par « un grand flic ».

Je n’ose imaginer ce qu’il adviendrait d’un gardien de la paix qui préviendrait son voisin de sa prochaine audition dans une affaire judiciaire importante. Je ne sais pas pourquoi mais je doute que la hiérarchie de ce policier ne le qualifie de « grand flic » quand bien même en serait-il un d’ailleurs. Siégeant depuis une dizaine d’années en conseil de discipline, je n’ai que très rarement vu un chef de service se mouiller ainsi pour un de ses subordonnés, jamais dans une affaire de ce type. J’ai en revanche vu bien des collègues lourdement sanctionnés pour des affaires assez minables.

Je me réjouis qu’on sache désormais, au sein de ce si grand ministère régalien, ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Je ne peux en revanche que regretter qu’il n’en soit pas ainsi pour tout le monde. « Selon que vous serez puissant ou misérable les jugements de cour vous rendront blanc ou noir » écrivait Jean de La Fontaine dans « Les animaux malades de la peste ». Les « sans-grade » de la police nationale, celles et ceux qui essayent d’assurer chaque jour la sécurité de nos concitoyens au détriment de leur vie de famille, quelquefois de leur santé et au risque de leur vie, ne méritent sans doute pas qu’on les considère aujourd’hui atteints de cette terrible maladie.

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