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ChroniqueOGM

Nom : Monsanto. Métier : empoisonneur

La mobilisation internationale du week-end dernier contre Monsanto a permis de rappeler la nature profonde des firmes agrochimiques. Ces empoisonneurs patentés sont responsables de la mort de dizaines de milliers de personnes, estime Noël Mamère. Et le Tafta pourrait demain donner toute liberté d’action à ces entreprises scélérates.


Noël Mamère

Dans plus de cinquante pays, ce week-end, des rassemblements se sont tenus contre Monsanto et les multinationales des OGM (organismes génétiquement modifiés) et des pesticides. En France, plus de trente-cinq villes de métropole et des DOM (départements d’outre mer) ont pris part à cette initiative lancée par le collectif citoyen des Engraineurs et l’association Combat Monsanto. Leurs revendications : stopper l’offensive des OGM en Europe, arrêter l’empoisonnement par les pesticides et affirmer l’opposition grandissante au projet de Grand marché transatlantique (Tafta) qui deviendrait le cheval de Troie de Monsanto et de ses semblables.

Assassin chimique

L’entreprise Monsanto, dénoncée il y a quelques années dans un documentaire et un livre de Marie-Monique Robin, Le monde selon Monsanto, est depuis des décennies responsable de scandales sanitaires à répétition ayant provoqué la mort de dizaines de milliers de personnes : PCB, agent orange, dioxine, OGM, aspartame, hormones de croissance, herbicides Lasso et Roundup...

Le producteur de saccharine est devenu un géant de la chimie puis s’est reconverti dans la biogénétique. Mais celui qui est devenu le premier semencier de la planète n’a jamais cessé de détourner à son profit les lois des Etats, en pratiquant la corruption à haute dose, avec tous les moyens qui accompagnent cette pratique mafieuse, sous couvert de lobbying.

Dès 1949, un accident survenu dans une usine de Monsanto, en Virginie, révèle que l’herbicide 2,4,5-T contient des niveaux élevés de dioxines, des substances hautement toxiques et cancérigènes, de composition assimilable à celle des polychlorobiphényles (PCB). La commercialisation de l’herbicide se poursuivra pourtant jusqu’à son interdiction dans les années 1970. En France, la fabrication et l’utilisation des PCB sont interdites seulement depuis 1987.

Entre 1961 et 1971, Monsanto produit l’agent orange, toujours constitué à partir de l’herbicide 2,4,5-T. Ce défoliant sera massivement déversé par l’aviation américaine au-dessus des forêts vietcongs pendant la guerre du Vietnam. Les conséquences se font encore sentir aujourd’hui, avec de nombreux cancers et des malformations de naissance au Vietnam, ainsi que des séquelles diverses chez nombre d’anciens combattants américains.

En 1975, l’entreprise lance le Roundup sur le marché, un herbicide très puissant, présenté comme "biodégradable" et "bon pour l’environnement". Roundup est aujourd’hui l’herbicide le plus vendu au monde. Plusieurs études concordantes affirment pourtant que le pesticide phare de Monsanto – et son principe actif, le glyphosate – est responsable de malformations fœtales.

Biopiraterie et brevetage du vivant

Entre 1995 et 1997, le soja génétiquement modifié, Roundup Ready, le colza Roundup Ready et le coton Roundup Ready, tous trois résistants à l’herbicide Roundup, reçoivent les autorisations de commercialisation.

Détentrice d’un brevet, aujourd’hui périmé, sur le glyphosate (commercialisé sous le nom de Roundup), l’entreprise décide de changer de stratégie et entreprend de breveter le vivant. En mars 2015, le Centre international de recherche sur le cancer de l’Organisation mondiale de la santé classe le Roundup comme « probablement cancérogène ».

Monsanto produit actuellement 90 % des OGM de la planète. Au cours des années 2000, cet empoisonneur patenté ose assigner devant les tribunaux des centaines de paysans accusés d’avoir utilisé "frauduleusement" ses semences transgéniques brevetées, c’est-à-dire de les avoir replantées. Depuis, Monsanto s’est recyclé dans la biopiraterie en revendiquant des droits à la propriété intellectuelle sur des semences qu’elle vole aux paysans, comme en Inde.

Tafta : un blanc-seing à Monsanto

Demain, avec le TAFTA, le projet de grand traité transatlantique, des entreprises comme Monsanto pourraient attaquer devant des tribunaux d’arbitrage privés les moratoires des États opposés à la culture des OGM et réclamer des indemnités de plusieurs millions, puisées dans les deniers publics.

Peut-on accepter une telle mainmise des entreprises privées sur une diversité génétique qui appartient à toute l’humanité, qui est le fruit d’un savoir-faire millénaire et qui constitue la source de toute alimentation humaine ?

Peut-on admettre que dans de nombreux pays, particulièrement du Sud, les « lois semencières », dictées par les multinationales, menacent la souveraineté alimentaire et criminalisent, comme de vulgaires voleurs, les paysans et paysannes qui produisent et échangent des semences traditionnelles ?

La lutte contre Monsanto est un combat transnational qui concerne à la fois les paysans, les consommateurs, les citoyens. L’alimentation est notre bien commun. Nous ne pouvons la laisser aux mains de criminels en col blanc.

En 2002, durant la campagne présidentielle, j’avais demandé la création d’un tribunal international compétent pour juger des crimes contre l’environnement. Cette exigence est plus que jamais d’actualité… Et la première assignation serait adressée au PDG de Monsanto.

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