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Révolution de palais à la Comédie-Française

Muriel Mayette en 2011, sur le plateau de l'émission Vivement dimanche, sur France 2. Frédéric Dugit/PHOTOPQR/LE PARISIEN

Par lettre, les sociétaires demandent au ministre de la Culture le non-renouvellement du mandat de l'administrateur général Muriel Mayette.

La campagne électorale a commencé. Après les municipales, les européennes, la présidentielle, c'est au sein de la plus prestigieuse des institutions théâtrales de France que les manœuvres se précisent. Plus de trois siècles d'existence, un statut exceptionnel, une maison d'excellence, la Comédie-Française est un enjeu artistique et politique unique. Nul ne s'étonnera donc qu'à dix mois d'une échéance importante, la fin de mandat de l'administrateur général, Muriel Mayette, les candidats à sa succession tentent de convaincre les tutelles qu'il serait catastrophique pour l'institution de renouveler celle qui est en place depuis sept ans. Que les élèves du Conservatoire d'art dramatique envoient un courrier à la ministre de la Culture, on se dit qu'ils sont jeunes, isolés et n'ont pas d'autre accès aux tutelles. Mais lorsque les comédiens-français emploient la même méthode, on est étonné. Ils n'ont que les colonnes de Buren à survoler par la galerie supérieure du Palais-Royal, et ils sont dans le bureau de leur chère Aurélie Filippetti, celle qui voulait virer Muriel Mayette dès juillet 2012, lors d'un passage à Avignon: le sage Jack Ralite l'en avait dissuadé.

Troupe brillante

Une lettre de doléances a donc été rédigée et signée par les sociétaires, qui ont prévenu les pensionnaires. Ensuite, ils se sont arrangés pour organiser eux-mêmes les fuites dans la presse. Que reprochent-ils à Mme l'administrateur général? On peut circonscrire les griefs à un trait: Muriel Mayette ne serait qu'une femme politique préoccupée de sa carrière et qui se serait servie de son poste pour se mettre en valeur, elle et seulement elle.

Issue de la troupe où elle est entrée dès 1985, à 20 ans, nommée par le président de la République sur proposition de Renaud Donnedieu de Vabres, en août 2006, qui avait congédié le brillant Marcel Bozonnet à cause d'un malentendu sur Peter Handke, elle a du caractère et un certain nombre d'ennemis. Pour un Guillaume Gallienne qui a toujours exprimé ses désaccords avec loyauté, le plus grand nombre persifle en coulisses. Jamais pourtant, depuis les années Hirsch-Charon, l'âge d'or, la Comédie-Française n'aura été ainsi au centre de la vie théâtrale. La troupe est brillante (et les engagements ne concernent pas seulement les jeunes), des œuvres intéressantes sont à l'affiche, des metteurs en scène originaux sont sollicités, les comédiens de la troupe se voient confier des mises en scène, même les spectacles qui ne trouvent pas l'assentiment critique refusent du monde, les tournées en France et à l'étranger se succèdent, l'audiovisuel très développé reçoit des prix, les congés sont accordés pour ceux qui tournent, etc.

Muriel Mayette a-t-elle l'intention de briguer un nouveau mandat? Ce n'est en rien certain. La contestation de l'administratrice générale est consubstantielle à la fonction, et elle n'ignore rien des sévères reproches qui lui sont adressés. Ce n'est pas la première fois qu'elle peut se sentir trahie: le projet d'installation à Bobigny avait été voté à main levée avant d'être dénoncé. Elle a des amis politiques plutôt à droite, Renaud Donnedieu de Vabres et Nathalie Kosciusko-Morizet, les hommes forts de la maison sont de gauche.

Qui pourrait lui succéder? Dans la troupe, Éric Ruf, bien sûr, depuis dix ans le candidat de Podalydès, qui veut conserver sa liberté de butinage (et, en 2006, il y avait déjà un projet Podalydès-Ruf-Génovèse). Christian Schiaretti, patron du TNP, qui joue franc-jeu. On espère seulement pour la troupe que le ministère n'a pas une personnalité en mal de poste à caser…

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13 commentaires
  • Joli

    le

    La Comédie Française actuelle a le chic de présenter des oeuvres mineures d' auteurs majeurs. " Psychée " de Molière comme l'an dernier " Troïlus et Cressida " de Shakespeare et même " le système Ribadier " est loin d' être dans les meilleures pièces de Feydeau.

  • Prénom Clotilde

    le

    On veut - on ? Muriel Mayette ! faire original à la Comédie-Française, avec des mises en scène éloignées des beaux textes, ou bien en introduisant des auteurs... originaux...
    La dernière fois que j'y ai vu une représentation d'Alfred de Musset, façon 1950, "On ne badine pas avec l'amour", avec transistors sur la scène, etc, j'aurais voulu partir.
    Hélas, j'étais coincée dans un siège inconfortable au "Théâtre éphémère", et ai dû subir jusqu'à la fin.
    Même "Fantasio"!!! tiré dans un sens qui n'est pas celui de l'auteur, cependant avec beaux costumes et mise en scène élégante !
    Mais Muriel Mayette a de la " tchatche", et elle cause, elle cause.
    Pour le théâtre expérimental, il existe d'autres scènes.
    La Comédie-Française doit préserver le patrimoine.
    D'ailleurs les grand acteurs sont partis... Jean Piat, etc...

  • Alain PRIVAT

    le

    Si l'ensemble des sociétaires la rejette, c'est certainement pour de bonnes raisons.....

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