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Un immeuble parisien.
Photo Gail Albert Halaban pour M Le magazine du Monde

Paris en vies-à-vies

Par 
Publié le 27 mai 2015 à 15h40, modifié le 27 mai 2015 à 15h40

Temps de Lecture 3 min.

Edward Hopper écrivait, au début des années 1960 : « J’aimerais voir l’intérieur et l’extérieur en même temps ». Plus qu’une déclaration d’intention, cet aveu qui résume toute l’ambition de son œuvre trouve un écho singulier dans les images de la photographe new-yorkaise Gail Albert Halaban. Fascinée depuis toujours par l’univers du peintre américain, elle réalise pour M Le magazine du Monde une série d’images intimes et voyeuristes de Parisiens dans leur intérieur.

31 octobre 2012, rue  du Faubourg-du-Temple, Paris 11e.

On trouve dans cette galerie de personnages une femme assise à sa fenêtre, le regard borné par un mur que l’on ne voit pas. Un couple s’opposant dans une tension immobile en haut d’un immeuble haussmannien, un homme sirotant un café perdu dans une architecture presque cubiste ou une jeune fille en train de s’habiller dont le corps luit étrangement dans la pénombre. Tous semblent en proie à la solitude et à la mélancolie des grandes villes. De ces images sourd parfois un érotisme latent, une poésie envoûtante née du contraste entre ces cadres savants, cette architecture géométrique, et la lumière subtile qui enveloppe les corps.

La banalité mise en scène

Sa première série, réalisée à New York en 2009, « Out My Window », nous renvoie d’emblée à notre condition de voyeur. Au centre de ce constant va-et-vient entre l’intérieur et l’extérieur, la fenêtre devient un lieu de passage, une frontière invisible et fragile entre deux mondes. La ville avec ses bruits, ses foules qui se pressent hors-champ et l’intérieur, un monde clos où le temps s’enroule sur lui-même. Un temps immobile, comme une entaille dans le présent. On peut imaginer la jeune fille de la photo quittant la pénombre de sa chambre, pressant son front sur la vitre froide dans l’attente de quelqu’un qui ne vient pas. On peut tout imaginer mais c’est inutile. Sa nature se laisse entrevoir et seulement entrevoir. Elle reste figée à jamais dans un présent sans fin. Gail Albert Halaban met en scène la banalité, sauvant de l’oubli qui les avale sans répit les gestes périssables du quotidien. Elle photographie toujours de haut. « Cela me donne une perspective totalement différente de celle que j’aurais dans la rue. Cela dit, c’est sans ambiguïté que je regarde d’un espace privé vers un autre espace privé. »

Passage du Désir, Paris 10e.

S’il y a quelque chose de délibérément voyeuriste dans sa démarche, elle y voit avant tout le désir d’entrer en contact avec ses sujets. Elle se souvient des nuits d’insomnie quand, jeune maman fraîchement arrivée à New York, elle se plantait devant ses fenêtres, son bébé dans les bras, cherchant dans les rectangles illuminés suspendus dans la nuit un réconfort, un écho à sa solitude, une communion. « Dans mes images, mes sujets sont toujours conscients que je les photographie. Ils acceptent ce glissement du privé vers le public et coopèrent avec moi pour créer cette image voyeuriste. Comparés aux New-Yorkais, les Parisiens sont plus pudiques. Certains trouvaient mon projet immoral ou même criminel. A New York, les gens considèrent que le monde est une scène et que nous sommes tous des acteurs. » 

En arrivant à Paris, Gail Albert Halaban était un peu inquiète de son français approximatif qui l’empêchait de communiquer pleinement avec ceux qu’elle photographiait. « Pour la première fois, j’étais totalement voyeuse et je ne pouvais qu’imaginer ces vies que je scrutais à travers le filtre de mon objectif. Mes sujets parisiens sont à la fois fictionnels et magiques, plus étranges et étrangers à mes yeux que leurs homologues new-yorkais. Ces instants sont d’autant plus précieux que l’expérience était unique et que je ne reverrai jamais les gens avec qui j’ai partagé cette intimité. » Le soir tombe. Elle prend un dernier cliché. Et la pluie qui l’avait jusque-là épargnée étend ses doigts lisses sur les vitres, brouillant la toute dernière image. 

 « Vis-à-Vis », exposition de Gail Albert Halaban, Houk Gallery, 745 Fifth Avenue, New York, houkgallery.com. Jusqu'au 10 juillet.

30 octobre 2012, rue Auber, Paris 9e.

 

Passage du Désir, Paris 10e.

 

30 octobre 2012, rue de l'Ourcq, Paris 19e.

 

3 novembre 2012, rue de la Cerisaie, Paris 4e.

 

2 novembre 2012, rue Nationale, Paris 13e.

 

Passage du Désir, Paris 10e.

 

Rue Du-Guesclin, Paris 13e.

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