Bulle Ogier : “Au théâtre, on peaufine. Au cinéma, il faut tout faire vite. Sauf avec Rivette”

Cette égérie des cinéphiles brûle les planches depuis 1963 ! Dans “Les Fausses Confidences” par Luc Bondy, elle épate en douairière rapace.

Par Jacques Morice

Publié le 30 mai 2015 à 15h00

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 05h40

Vous êtes méconnaissable en madame Argante. Un rôle à contre-emploi, non ?

J'avais déjà abordé un personnage de mère assez violente dans Rêve d'automne, mis en scène par Chéreau. Mais il est vrai qu'on m'attend davantage dans un registre secret et intériorisé, à la Claude Régy. Madame Argante est une femme de l'Ancien Régime, rigide, en rogne, qui tient à ce que sa fille, Araminte [interprétée par Isabelle Huppert, NDLR], épouse un comte. Elle est dans le calcul, ne pense qu'à l'argent. Luc Bondy, le metteur en scène, voulait l'effet d'un pantin comique, façon commedia dell'arte. J'ai trouvé un truc pour marcher les jambes écartées et vite, en donnant l'impression d'une personne pressée, sur le bord de basculer. Le costume formidable créé par Moidele Bickel m'a aidée : une perruque aux cheveux dressés, un lourd manteau de fourrure blanc, une canne. Les lunettes noires, je les ai apportées, en pensant à ces vieilles New-Yorkaises amatrices de Warhol...

Vous avez déjà joué la pièce l'an dernier, à Paris, puis en tournée. Cela change-t-il quelque chose ?

Il s'agit d'un rôle de composition, qui ne remplit pas l'âme d'émotions contradictoires, à la différence d'Araminte. Je suis donc obligée de me répéter. En même temps, c'est du bonheur, de se retrouver tous ensemble, de reprendre une pièce où tout a très bien fonctionné. Et puis il y a du nouveau, puisqu'on tourne en même temps un film pour Arte, qui n'est pas une captation, mais une adaptation, où Luc Bondy utilise tout l'espace du théâtre, les escaliers, les cuisines, en faisant croire qu'on est ailleurs. On va avoir trois semaines de tournage.

A quand remonte votre rencontre avec Luc Bondy ?

En 1981, je faisais partie du jury du festival d'Hyères, qui lui a remis un prix pour son film La Mortification. Peu après, j'ai joué pour lui, avec Michel Piccoli, une pièce marquante, je crois, pour toute une génération : Terre étrangère, qui a fait connaître Arthur Schnitzler. C'était l'époque assez fabuleuse des Amandiers de Nanterre, un lieu d'échanges très créatif, où Patrice Chéreau parlait autant de musique et de peinture que de théâtre, Richard Peduzzi avait son atelier pour construire des décors, Pierre Romans, son école de comédiens... Avec Luc Bondy, nous avons fait ensemble six pièces. Il retravaille souvent avec les mêmes acteurs ; il aimerait avoir une troupe dans l'esprit de la Schaubühne de Berlin, d'où il vient.

Comédienne de théâtre et de cinéma, est-ce le même métier ?

Dans les deux cas, il y a la notion de jeu. Mais avec des différences. Le théâtre est une aventure de longue haleine, due aux répétitions. Même en représentation, cela évolue, on ajuste, peaufine au jour le jour. Le cinéma, c'est ici et maintenant. On ne peut pas revenir sur ce qu'on a fait, si le metteur en scène a décidé que c'était dans la boîte. Il faut tout faire vite. Sauf avec Jacques Rivette.

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