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Politique

Quand Nicolas Sarkozy et Alain Juppé se lancent dans un combat à mort

Une guerre politique est officiellement déclarée entre l'ex-président de la République et son ex-ministre des Affaires Etrangères. Alain Juppé et Nicolas Sarkozy vont désormais se distinguer sur tout.
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Nicolas Sarkozy et Alain Juppé
Nicolas Sarkozy et Alain Juppé
JEAN-PIERRE MULLER / AFP

L'image, une nouvelle fois, restera imprimée : Alain Juppé s'apprête à prendre la parole au congrès du nouveau parti auquel il appartient - Les Républicains - et de nombreux militants le huent. Il réplique, non sans ironie, qu'il les aime, les militants, y compris ceux qui le pourchassent de leur vindicte, qu'ils constituent "sa famille". Qu'importe, cris et sifflets font écho aux premiers passages de son discours. Au pied de la tribune, Nicolas Sarkozy n'esquisse pas le moindre mouvement d'apaisement, pas un signe, pas un geste, pas une indication d'apaisement envers ses supporters, car ce sont les siens, qui agressent le maire de Bordeaux. Il est figé et restera figé. Une preuve supplémentaire - mais est-elle seulement utile ? -, qu'une guerre politique à mort est désormais officiellement déclarée entre l'ex-président de la République et son ex-ministre des Affaires Etrangères. Il n'est plus d'analyses, d'attitudes ou de postures qui puissent leur être communes. Alain Juppé et Nicolas Sarkozy vont désormais se distinguer sur tout et dès que possible.

1. L'ATTITUDE ENVERS HOLLANDE, LE GOUVERNEMENT ET LA GAUCHE

Sarkozy a délibérément choisi l'agression permanente, la dénonciation jusqu'à la calomnie, l'insulte et l'attaque personnelle s'il l'estime nécessaire. Ainsi les socialistes et leur chef se seraient-ils eux mêmes exclus du camp républicain. Pourquoi? Selon le président de LR, ils auraient trahi la République, répudié ses principes cardinaux, abandonné notre corpus national et collectif. Hollande, Valls, Bartolone, Le Drian, Sapin ou Macron, a-républicains, non-républicains, antirépublicains ? C'est ce que Nicolas Sarkozy entend désormais tambouriner chaque jour aux Français pour retrouver une popularité perdue hormis au cœur de la droite militante.

Juppé refuse cette parodie de dialogue démocratique. De droite? À l'évidence. Dans l'opposition? Sans la moindre retenue. Persuadé lui aussi que François Hollande s'est trompé quant à la politique économique à conduire? Cela va de soi. Le maire de Bordeaux assume non seulement sa "modération" mais il n'entend à aucun prix se prêter au jeu de l'exagération, de la dénonciation voire de la calomnie. Le combat frontal contre la gauche, oui ; la caricature, non. En respectant ces principes, Alain Juppé est persuadé de conquérir l'axe central de la société française, une première majorité lors de la primaire de la droite et du centre, une deuxième majorité à l'occasion du second tour de l'élection présidentielle.

Sarkozy est convaincu, bien sûr, que son rival s'égare, que les Français attendent une droite de droite, une droite dure et virulente, défiant Marine Le Pen sur son terrain, ses thèmes et ses thèses.

Juppé-Sarkozy, Sarkozy-Juppé, un des deux s'égare, par définition.

2. QUELLE LAÏCITÉ?

Nicolas Sarkozy, jadis fasciné par le communautarisme à l'anglo-saxonne, fan acharné du curé, du pasteur, du rabbin ou de l'imam supérieur par définition à l'instituteur et au professeur - ce n'est pas vieux, cela date de moins de dix ans !- a accompli une rotation complète de toupie idéologique. Il défend désormais une conception ultra, fermée, laïco-laïcarde de la laïcité, une conception qui, il faut le savoir, n'a jamais prévalu dans le modèle français fait de pragmatisme, d'adaptation, de libéralités accordées au coup par coup. Que les élèves juifs de l'enseignement public sèchent les cours, les leçons et les devoirs le jour de Yom Kippour n'a jamais suscité la moindre contestation. C'était ainsi, et c'était fort bien ainsi. Plus question, selon Nicolas Sarkozy, de transiger. La laïcité, toute la laïcité, sans aucun accommodement, quitte à provoquer toute une série de clashs inutiles. Pour parfaire sa démonstration, l'ex-chef de l'État a rappelé le week-end dernier qu'il était hostile aux repas de substitution dans les écoles, donc porc pour tout le monde.

Alain Juppé, à la tête d'une grande ville, sait pertinemment qu'une telle posture radicale provoquera des fractures à répétition dans la société française, que des centaines de milliers d'enfants seront placés en porte à faux, en contradiction, leur famille d'un côté, leurs enseignants de l'autre. Rester fidèle aux bases primordiales de la laïcité, à l'évidence, mais sans volonté d'humiliation. Juppé sait qu'en insistant autant et aussi fort sur le thème de la laïcité, Sarkozy a la volonté de radicaliser l'affrontement politique, notamment au sujet de la place de l'Islam en France. Il répliquera avec mesure ; il suggèrera des solutions nuancées. La mesure et la nuance auront-elles leur place dans le prochain affrontement présidentiel? Rien n'est moins évident.

3. LE PIÈGE DE LA PRIMAIRE

Désormais Nicolas Sarkozy contrôle plus que jamais le parti, une "nouvelle" organisation. LR sera à sa botte, LR sera construit pour être mis à sa disposition. Voilà pourquoi Alain Juppé, aussitôt après le congrès fondateur, a estimé indispensable de revenir sur la primaire, sa conception, son organisation. Une primaire de la droite et du ... centre ; une primaire où pourront s'exprimer des millions de Français, donc ouverte, réellement ouverte, et non pas seulement aux militants et sympathisants de LR. Or, Alain Juppé, et il l'a fait comprendre ce week-end, n'a guère confiance en une primaire qu'organiserait, que bidouillerait plutôt le clan Sarkozy installé par la force des choses à la direction de LR. Voilà pourquoi Juppé exige des garanties d'honnêteté et de transparence. Voilà pourquoi Juppé laisse entendre que, sinon, il sèchera la primaire pour se présenter direct au premier tour de l'élection présidentielle - ce qui serait un suicide pour la droite républicaine, mais tant pis.

Le congrès est passé. Vive la politique et ses charmes chez Les Républicains!

 

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