Abercrombie condamné pour avoir refusé d'embaucher une femme voilée

La Cour suprême des États-Unis a tranché en faveur d'une jeune musulmane que la marque, connue pour ses vendeuses en tenue légère, avait refusé de recruter.

Source AFP

La plaignante, Samantha Elauf, accompagnée de sa mère, le 25 février 2015 ià Washington.
La plaignante, Samantha Elauf, accompagnée de sa mère, le 25 février 2015 ià Washington. © Chip Somodevilla/Getty Images/AFP

Temps de lecture : 3 min

La Cour suprême des États-Unis a infligé un camouflet à la marque "branchée" de prêt-à-porter Abercrombie, connue pour ses vendeuses "sexy", en fustigeant lundi son refus d'embaucher une femme voilée. Dans une décision quasi unanime, de huit juges sur neuf, la plus haute instance du pays a tranché en faveur d'une jeune musulmane que l'enseigne très prisée des adolescents Abercrombie & Fitch (A&F) avait refusé de recruter comme vendeuse, car elle portait un foulard islamique. La Haute-Cour a jugé que la discrimination religieuse à l'embauche n'était pas tolérable, même quand le postulant ne fait pas explicitement une demande d'aménagement du règlement.

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Depuis l'audience du 25 février, Abercrombie, sentant probablement le vent tourner, a renoncé à ses mannequins aux torses nus et aux abdos saillants et a décidé de ne plus appeler ses vendeurs des "mannequins" : ils sont maintenant des "représentants de la marque". Dès l'audience, la Haute-Cour s'était montrée favorable aux droits de Samantha Elauf, qui à 17 ans portait un foulard noir lors d'un entretien de recrutement, mais s'était vu refuser le poste de vendeuse, dans une boutique Abercrombie pour enfants de Tulsa, en Oklahoma (sud).

20 000 euros de dommages et intérêts en première instance

D'un côté, Abercrombie arguait que la candidate n'avait pas mentionné sa confession ni demandé explicitement d'aménagement de sa politique vestimentaire en fonction de sa religion. De l'autre, la jeune fille, défendue par l'Agence gouvernementale pour l'égalité devant l'emploi (EEOC), affirmait qu'Abercrombie ne pouvait pas ignorer qu'elle était musulmane et aurait dû lui demander si elle était prête à s'adapter. Elle avait obtenu 20 000 dollars de dommages et intérêts en première instance, mais avait été déboutée en appel. C'est l'EEOC, soutenue par plusieurs organisations religieuses, qui avait présenté son ultime recours devant la Cour suprême.

Dans sa décision rendue par le juge Antonin Scalia, la Haute-Cour estime qu'un patron ne "peut pas faire de la pratique religieuse d'un postulant, qu'elle soit confirmée ou pas, un facteur d'embauche". "La loi ne requiert pas que l'employeur ait en fait connaissance" d'une nécessité d'aménager le règlement, a expliqué le juge Scalia. "Ici, l'employeur a au moins supposé que la pratique (le port du foulard, NDLR) était de nature religieuse. Son refus d'embaucher était donc motivé par le désir d'éviter d'autoriser cette pratique, et cela suffit", a asséné le juge catholique, traditionnellement enclin à défendre la liberté de religion. "La pratique religieuse d'un employé ne doit pas être une raison pour un employeur de refuser l'embauche", a-t-il encore fustigé, en présentant oralement la décision quasi unanime. Peu importe que la décision "provienne d'une connaissance réelle, d'un soupçon bien fondé ou d'un simple pressentiment", a ajouté le juge conservateur connu pour son franc-parler.

"Aménager raisonnablement"

Aux États-Unis, la loi interdit la discrimination religieuse à l'embauche, sauf si l'employeur démontre qu'il ne peut pas "aménager raisonnablement" son activité pour la conformer à une pratique religieuse. Mais les magasins A&F étaient jusqu'ici réputés pour leurs mannequins aux torses sculpturaux et aux jeans taille basse, appâtant le client à l'entrée, et pour leurs vendeuses aux tailles de guêpe et aux décolletés généreux, portant jupes courtes et chemisettes ajourées du "style Abercrombie".

En position d'arbitre entre un employeur, qui exigeait le strict respect de sa politique vestimentaire, et un candidat, dont les convictions religieuses empêchent de s'y plier, la Haute-Cour a donc conclu qu'il y avait là discrimination religieuse. "Cette affaire change de manière dramatique les critères qui s'appliquent aux employeurs", a commenté l'expert Michael Droke, car la Cour enlève la nécessité que le patron soit explicitement informé d'une nécessité d'aménager ses codes pour s'adapter à une pratique religieuse. "Les employeurs doivent immédiatement revoir leurs manuels et leurs règlement pour déterminer les éléments qui pourraient susciter une discrimination", a ajouté l'avocat spécialiste du droit du travail. La Haute-Cour était ici écartelée entre sa traditionnelle bienveillance pour les entreprises et sa propension à défendre la liberté de religion. Abercrombie, anticipant le verdict, avait renoncé fin avril à ses mannequins "sexy" qui faisaient sa marque de fabrique.

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Commentaires (3)

  • Arduena

    Cette femme savait pertinemment bien qu'elle serait refusée et qu'elle irait en justice. Elle s'est fait un bon paquet de dollars et surtout a fait avancer les pions des musulmans intégristes en occident. Justice bien étrange qui confond la liberté de religion, tout à fait défendable, et le prosélytisme. Il n'est point obligatoire de porter un foulard et des vêtements qui effacent le corps pour être musulmane. Des millions d'entre elles s'habillent autrement.
    Il serait temps de stopper les hypocrisies et surtout de lutter contre les moeurs d'un autre âge. Seules certaines musulmanes portent les signes de leur confession. Les hommes sont très rares qui se promènent en tenue traditionnelle. Ils ont adopté les vêtements occidentaux... Certains de ces messieurs se baignent en caleçon de bain et profitent des plages tandis que les bobonnes, si elle ont eu l'autorisation de suivre ces messieurs, cuisent sous le soleil dans leurs vêtements de deuil...
    Etrange pays que les Etats-Unis où les présidents jurent sur la bible d'être fidèles à la constitution... Que se passerait-il si l'un d'eux se déclarait d'une autre religion ?
    Les religions doivent rester discrètes et de l'ordre du privé. Il n'y a pas d'autre solution si l'on veut éviter les conflits.

  • Alex_555

    Vendeuses en tenue légère / antre de la consommation a l occidental / etc. Et cette dame qui est une personne de conviction (le voile... Sic) postule le plus sincèrement du monde pour un emploi la-bas et de plus en ne se doutant pas le moins du toujours même monde que c était quand même mal parti... Ben voyons.

  • vivelavie

    Le remplacements des employés au contact du client par des robots refera le problème de ces exigences religieuses.