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Un nouvel indicateur africain pour une croissance juste

L’Afrique des idées, association de chercheurs de la diaspora africaine, propose un nouvel outil pour mesurer la répartition des fruits de la croissance en Afrique.

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Publié le 01 juin 2015 à 13h52, modifié le 01 juin 2015 à 11h52

Temps de Lecture 3 min.

Le Nigeria première économie du continent voit aussi les inégalités se creuser.

Le constat est alarmant. « La progression des inégalités, extrêmement préoccupante en Afrique depuis les années 2000, pose la question de la durabilité de la croissance sur ce continent », a mis en garde Philippe De Vreyer, professeur à l’université Paris-Dauphine, lors de la conférence annuelle de l’Afrique des idées, samedi 30 mai à Paris.

« L’Afrique, sans compter le Maghreb, est désormais la première région du monde en termes d’inégalités de revenu, devant l’Amérique Latine qui fût longtemps la championne en la matière. »

Responsabilité des Etats et des entreprises

Pour inciter les Etats et les entreprises à se saisir de ce problème, l’Afrique des idées, un think-tank qui réunit des chercheurs de la diaspora africaine et revendique une « afro-responsabilité » a pris l’initiative de créer un instrument de mesure du degré de redistribution de la croissance.

« L’objectif est d’établir à terme un classement annuel des 54 pays africains sur la base de ce nouvel indice », explique Nicolas Simel Ndiaye, son président. « Notre indicateur dit d’inclusivité croise l’évolution de la consommation des ménages et sa répartition entre les différentes catégories sociales, en fonction de la distribution des revenus », précise Arthur Bauer, étudiant d’Harvard, et membre du groupe de travail qui a élaboré ce nouvel outil : « cet indicateur est une extension du mode de calcul du coefficient de Gini [ utilisé pour mesurer les inégalités] ».

Il a été testé en Tanzanie. « Le taux de pauvreté est passé de 15 à 21 % entre 2008 et 2012 dans ce pays. Mais cette augmentation ne dit pas qu’une partie significative des ménages les plus pauvres a pu faire progresser ses revenus et mieux profiter de la croissance. L’indice d’inclusivité permet cette finesse d’éclairage », précise Arthur Bauer.

Peu de pays peuvent mettre en avant une telle évolution. Or, « les travaux du FMI montrent que plus les inégalités sont élevées, plus la possibilité d’une croissance soutenue et longue est faible » rappelle Philippe De Vreyer.

Ce constat est partagé par Alioune Sarr, ministre du Commerce du Sénégal : « nous avons trois secteurs en forte croissance au Sénégal, le BTP, les télécommunications et celui de la finance. Ces deux derniers sont très peu créateurs d’emplois. Ils réalisent 1 milliard de francs CFA de chiffre d’affaires par an avec seulement 5 000 salariés. La majorité de la population n’y trouve pas son compte ».

Cette réalité inquiète également le béninois Prince Randy Koussou Alam-Sogan, président du fonds d’investissement Black Lions (lié au consortium de fonds souverains des pays du Golfe GCC) : « que le Nigeria affiche un produit intérieur brut (PIB) de 528 milliards de dollars ne signifie rien pour le citoyen qui essaie de survivre. Le PIB ne se mange pas. La jeunesse africaine sans emploi est une véritable bombe à retardement. Personne n’est à l’abri d’une révolution. Pour moi, une croissance inclusive, devrait pouvoir se mesurer à l’impact des investissements publics ou privés sur l’emploi, la santé, l’éducation et la qualité de vie ».

Des champions pour l’inclusivité

Au-delà de ce nouvel indice, comment modifier ce modèle de croissance sans emploi et insuffisamment redistributif ? « Il faut de grands champions africains, comme les américains Ford, Google, Amazon ou le coréen Samsung », pense Victor Ndiaye, financier sénégalais, ancien de la banque Morgan et fondateur du cabinet conseil Performances Group. Cette croissance inclusive, estime ce dernier, doit venir du secteur privé, encore peu développé au centre et à l’Ouest du continent : « sur les 200 premières entreprises africaines, il n’y en a que deux en Afrique francophone », déplore-t-il.

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Le réservoir potentiel de grands champions, Victor Ndiaye le situe dans « les secteurs des télécoms, de la banque, du bois et des mines, moteurs de croissance. Mais l’essentiel des grands acteurs viendra du secteur informel, qui pèse pour quatre cinquième des emplois en Afrique ». Quand on objecte à Victor Ndiaye que les géants comme Google ou Amazon, qu’il cite en exemple, ne sont pas des entreprises très inclusives, compte tenu de leurs pratiques d’optimisation fiscale et de faible redistribution de la valeur ajoutée, celui-ci répond : « ce qui prime, c’est la compétitivité, pour créer du savoir faire ».

Alioune Sarr, place aussi ses espoirs dans le secteur privé mais « particulièrement dans les PME et l’agriculture. Pour créer de l’emploi nous devons transformer nos matières premières nous-mêmes, bâtir une agriculture qui marche. Notre problème, c’est la migration de la main-d’œuvre rurale vers le secteur informel et aussi celles des jeunes, quand l’éducation a échoué ». Pour Randy Koussou Alam-Sogan « l’inclusivité n’est pas inconciliable avec les exigences de rentabilité des investisseurs.

Dans la mesure où ces derniers prennent conscience que le retour sur investissement ne doit pas être que financier. Nous leur demandons de réinvestir 5 à 15 % des profits réalisés dans des projets d’intérêt général, comme l’éducation, la santé, l’équipement. Aujourd’hui l’Afrique est libre de choisir ses partenaires ». Libre ? Est-ce si sûr, quand celui qui paie est celui qui commande ?

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