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Politique

FIFA : et si Hollande demandait des comptes à Noël Le Graët ?

Le vote de Noël Le Graët, président de la FFF en faveur d'un Sepp Blatter démissionnaire de la FIFA, pose un problème politique. Qu'attend l'Etat, tutelle de la FFF, pour demander des comptes à Le Graët ?
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François Hollande, au soir de la Coupe de France, aux côtés de Noël Le Graët
La patron de la FFF a voté en faveur de Sepp Blatter. Qu'attend l'Elysée pour lui demander de sérieuses explications ?
AFP/Photo

François Hollande et le gouvernement peuvent-ils laisser passer sans réagir le vote de Noël Le Graët en faveur de Sepp Blatter à la présidence de la FIFA ? Peuvent-ils le laisser désormais voter seul au nom de la France à la FIFA ? Suite à la séquence réélection/démission de Sepp Blatter, la question est posée par Christophe Bouchet, ancien président de l’OM : "La tutelle de la FFF, l'Etat, doit prendre ses responsabilités concernant le vote FIFA". Et Bouchet ne sera pas le seul. 

Ce mercredi, au lendemain de la démission du président de la FIFA, Noël Le Graët sur Itélé, a formulé un bien étrange aveu, confessant qu’il pensait que les rumeurs de corruption au sommet de la FIFA "sont peut être fondées". Etrange aveu oui, dans la mesure où vendredi dernier, lors de la réélection de Sepp Blatter, ce même Noël Le Graët a voté pour Blatter, justifiant et expliquant son choix, dans l’Equipe, au nom de la compétence de l’intéressé : "J'ai voté Blatter. Pour moi, entre le prince Ali et lui, il était la meilleure solution. Ali, si l'UEFA n'avait pas voté pour lui, il n'aurait pas fait beaucoup de voix. Je pense que la FIFA, avec ses nouveaux dirigeants, dont de très bons issus de l'UEFA, va être costaud". Justification réitérée ce mardi,  dans les minutes suivant l’annonce de la démission de Sepp Blatter : "Je pense que Blatter a dirigé la FIFA sans tricher, et je le pense toujours. Il y a eu beaucoup de médisances".

Donc, le vendredi Noël Le Graët vote Blatter parce qu’il pense qu’il incarne une gouvernance honnête, et quatre jours plus tard il pense qu’il y a de la corruption dans l’air, autour de cette gouvernance.

Dès lors, l’alternative est la suivante : ou bien Noël Le Graët est incompétent ou ignorant, ne lit pas les journaux, n’écoute pas la radio, ne regarde pas la télévision, ou bien il est lui-même le reflet du parfait composant du système Blatter, à savoir un système construit sur un clientélisme viral en mode donnant/donnant. Le président de la FFF n’a-t-il pas reconnu qu’il avait voté Blatter parce que ce dernier avait fait don de l’organisation de la Coupe du Monde féminine 2019 à la France ?

Un très gros problème dans la gouvernance

La France est le seul pays de l’UEFA, avec la Russie de Poutine, organisatrice de la Coupe du Monde 2018, à avoir accordé sa voix à Sepp Blatter, dans le contexte que l’on sait, alors même que l’enquête judiciaire menée par le FBI avait déjà démontré, à tout le moins, qu’il y avait un gros, voire un très gros problème dans la gouvernance de la FIFA portée par Sepp Blatter. Symboliquement, ce vote était indigne. Politiquement, il était inacceptable. La démission de Blatter achève de le rendre insupportable.

De fait, Christophe Bouchet, aujourd’hui consultant en marketing sportif, fin connaisseur des coulisses du football, et qui plaide depuis longtemps pour une refonte du processus de désignation du président de la FIFA, est fondé à demander au gouvernement de prendre ses responsabilités. L’absence de réaction des ministres en charge des Sports, Patrick Kanner et Thierry Braillard, au soir de l’annonce du vote Blatter de Noël Le Graët, était sidérante. Surtout quand on se souvient de l’empressement du premier à exiger des excuses d’Ibrahimovic pour des propos de vestiaires. Est-il moins grave de qualifier la France de "Shit country" (pour la qualité de ses arbitres de Ligue 1) sortie intempestive, mais sans conséquences politiques, que de voter Sepp Blatter à la présidence de la FIFA ? L’échelle des valeurs sportives et politiques de Patrick Kanner parait très particulière…

C’est que Noël Le Graët n’est pas le président d’une association de droit privé qui peut mener ses affaires comme bon lui semble. La FFF exerce une délégation de service public. A ce titre, elle est placée sous la tutelle de l’Etat. Ce qui revient à dire que ce dernier dispose, de fait et de droit, de son mot à dire sur la manière dont le président de la FFF exerce sa fonction, y compris quand il est amené à voter pour désigner le président de la FIFA.

Face à Noël Le Graët, et comme le suggère Christophe Bouchet, les deux ministres auraient déjà dû demander à l’actuel président de la FFF de tirer en effet les conclusions de son choix. Voter Blatter, président élu le vendredi, démissionnaire le mardi, relève de l' erreur manifeste d'appréciation politique. En cela, le vote de Le Graët est préjudiciable aux intérêts et à l’image de la FFF (et de ses deux millions de licenciés, humiliés, voire insultés) mais aussi de la France elle-même.

Le Graët se range désormais derrière Platini

Répétons-le, Le Graët a aligné le vote français à la FIFA sur le vote d’une fédération russe qui elle, vote comme le président Poutine le lui demande. La mécanique est la même : la Russie a voté Blatter parce qu'elle a obtenu sous sa règne l'organisation de la Coupe du Monde 2018. En responsabilité, Le Graët a participé à la réélection d’une personnalité dont le bilan était déjà connu comme mauvais (cf les organisations des deux dernières Coupes du Monde) et ce, sans même parler de corruption : une telle faute politique et morale devrait-elle demeurer sans conséquences ?

Pour rattraper sa faute, Noël Le Graët se range désormais derrière l’étendard de Michel Platini. Voici désormais le président de la FFF transfiguré en supporter d’un président de l’UEFA dont il refusait de suivre la consigne de vote anti-Blatter quatre jours auparavant ! Les dribbles politiques du patron du football français sont aussi imprévisibles que ceux de Léo Messi… Cela peut-il suffire à sauver sa cause ?

On touche là à l’aspect politique de l’affaire. On devine que si Nicolas Sarkozy était encore à l’Elysée, il se serait déjà emparé du dossier… A juste titre, mais pas nécessairement pour le meilleur. C'est qu’il ne s’agit pas seulement que de football, et d’un éventuel renvoi d’ascenseur pour avoir obtenu l’organisation de la Coupe du Monde féminine 2019. La FFF engageant l’image et les intérêts de la France au sein d’une instance parmi les plus puissantes du monde, il n’est pas concevable que cette même image et ces mêmes intérêts soient dépendants de suaves petits calculs de boutiquier de patronage, comme aime à s'y adonner Noël Le Graët.

Puisque les ministres des Sports sont aux abonnés absents, c’est donc à François Hollande qu’il appartient désormais de peser sur le président de la FFF, de manière à ce que celui-ci tire les conclusions de ses errements. Compte tenu des enjeux, diplomatiques, économiques, politiques et géopolitiques, mais aussi de l'image, des intérêts et d’une certaine idée de la France, le vote FFF à la FIFA se doit d’être contrôlé par l’Etat français.

Il est temps, grand temps même, que François Hollande demande des comptes à Noël Le Graët (ils se connaissent, puisqu’ils ont été "camarades" au PS). Si quelqu’un doit à rappeler à Noël Le Graët ce que présider la FFF veut dire, notamment au sein de la FIFA, François Hollande est le plus légitime à le faire. Parce que l’enjeu est déjà devenu à très haute sensibilité politique, voire plus encore. Parce que la France, et à travers elle une certaine idée du football français, compte bien plus que les petits calculs de Noël Le Graët. Parce que, comme le disait le légendaire Bill Shankly : "Le football n’est pas une question de vie ou de mort, il est bien plus important que cela".

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