Photomontage réalisé le 9 mars 2015 montrant le siège d'Areva et celui d'EDF côte à côte

Photomontage réalisé le 9 mars 2015 montrant le siège d'Areva et celui d'EDF côte à côte

afp.com/Loic Venance

L'Etat a tranché... en ne choisissant pas. La solution avancée par l'Elysée ce mercredi soir pour sauver Areva est un subtil mélange des trois scénarios qui étaient jusqu'à présent sur la table. Il acte la cession des réacteurs nucléaires d'Areva à EDF, s'engage à recapitaliser ce qui subsistera du groupe, et aboutit de facto à démanteler, au moins partiellement, l'entreprise. Une entreprise fondée en 2001 avec l'ambition de contrôler toute la filière nucléaire, de la mine d'uranium aux turbines.

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Pour le gouvernement, il s'agissait non seulement d'assurer la survie d'Areva, lourdement plombé par près de 5 milliards de perte en 2014. Mais également de garantir la souveraineté française dans le secteur hautement stratégique du nucléaire, tout en épargnant, autant que possible, les finances publiques et l'emploi.

Les deux groupes publics ont désormais "un mois" pour "parvenir à un accord" chiffré et signer "un vrai pacte industriel", a expliqué Emmanuel Macron, interrogé ce matin sur l'antenne de France Info. D'ici là, ni la question du coût social, ni celle du coût budgétaire ne sont tranchées. De ces deux paramètres dépendent le futur visage d'Areva.

Combien d'argent l'Etat va-t-il devoir injecter?

Ce sera la surprise du chef. L'Etat "recapitalisera Areva en investisseur avisé, à la hauteur nécessaire" explique le communiqué émanant de l'Elysée. La formule est aussi rassurante qu'imprécise. Les sources les plus pessimistes estiment qu'Areva a besoin de 7 milliards d'euros d'argent frais d'ici à la fin de l'année 2017 pour redresser la barre. Bercy table quant à lui sur un minimum de 5 milliards d'euros. Et tout le savoir faire d'Emmanuel Macron consistera à réduire cette somme à sa portion congrue. Car les caisses sont vides.

Pour y parvenir, il compte s'appuyer non seulement sur EDF, mais également sur d'autres cessions d'actifs que celle de la filiale réacteur Areva NP et sur un plan d'économies à l'échelle du groupe. La ministre de l'Energie Ségolène Royal, a déclaré ce jeudi que le montant de la recapitalisation à venir d'Areva par l'Etat ne serait connu qu'à l'issue des négociations entre l'ex-fleuron du nucléaire et EDF. En clair, plus EDF mettra d'argent sur la table, moins la facture sera salée pour le gouvernement.

Quel prix EDF est-il prêt à payer pour les réacteurs?

Le groupe dirigé par Jean-Bernard Lévy a proposé, en mai dernier, de mettre jusqu'à 2 milliards d'euros sur la table pour prendre le contrôle d'Areva NP. Au yeux du groupe nucléaire comme à ceux de Bercy, l'offre est insuffisante. Areva estime plutôt sa filiale autour de 2,7 milliards d'euros quand les services d'Emmanuel Macron en exigent plus de 3. On sait déjà que la prise de participation "majoritaire" d'EDF ne signifie pas le désengagement total d'Areva. Le groupe devrait demeurer actionnaire minoritaire de son ancienne filiale. Il serait lié à EDF par un pacte d'actionnaires selon la volonté de Bercy, et le montant de la cession dépendra donc grandement de son niveau de participation.

Si les marges de négociation semblent donc importantes, la proposition d'EDF était jusqu'à présent assortie de conditions contrariantes pour les autres parties, notamment l'exclusion du passif induit par le fiasco de l'EPR finlandais, pour lequel les retards s'accumulent et dont le coût a littéralement explosé (à 8 milliards d'euros). Jean-Bernard Lévy demanderait en outre au gouvernement une hausse des tarifs de l'electricité de 2,5% par an sur trois ans, croit savoir Le Journal du Dimanche. La possibilité d'épargner le contribuable en reportant la charge sur le consommateur final est sérieuse, même si Emmanuel Macron s'en est défendu. Ce jeudi, le ministre a affirmé qu'il n'y a "pas de lien entre cette opération et les tarifs de l'électricité".

Dans ce contexte, les négociations s'annoncent âpres et même en admettant que Bercy parvienne à arracher 3 milliards à EDF et à ceux qui accompagneront son entrée au capital d'Areva NP, il restera donc au moins deux milliards à trouver au budget de l'Etat. Et plus certainement davantage.

Quelles seront les conséquences sociales de ce sauvetage?

Pour réunir la somme, de nouvelles cessions sont donc à prévoir, et même "à redouter" pour les syndicats. Plusieurs acteurs ont fait connaître récemment leur intérêt pour certains actifs d'Areva. Engie, ex GDF-Suez, est par exemple sur les rangs pour reprendre certaines activités de maintenance du groupe. Des groupes chinois du secteur ou des fonds souverains du Moyen-Orient sont également évoqués. Autant de perspectives qui font trembler les syndicats du groupe déjà ébranlé par la perspective d'un vaste plan de restructuration annoncé par la direction d'Areva.

La contribution du groupe nucléaire à l'effort engagé a déjà été esquissée en mai dernier. La direction des ressources humaines d'Areva annonçait alors la suppression de 5 à 6000 postes à l'échelle du groupe qui compte quelque 45 000 salariés à travers le monde. En France, de 3 à 4000 postes seraient directement menacés, notamment au sein des services généraux. Le plan d'économies prévoit également une réduction des frais de personnel de l'ordre de 15%. Au total, la direction espère ainsi économiser un milliard d'euros.