La France peut laisser mourir Vincent Lambert
La Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) a jugé conforme aux droits de l'Homme un jugement de juin 2014 du Conseil d'Etat, la plus haute juridiction administrative française. Celui-ci avait autorisé l'arrêt des soins du malade malgré l'opposition de ses parents qui pourraient encore tenter d'autres procédures.
- Publié le 04-06-2015 à 21h27
- Mis à jour le 05-06-2015 à 12h06
Des droits des transsexuels aux verdicts d'assises, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH), plus haute instance judiciaire chargée de veiller au respect des droits fondamentaux de 800 millions de citoyens en Europe, a souvent contraint les Etats à modifier leurs lois.
Son outil: la Convention européenne des droits de l'Homme, une charte contraignante signée par les 47 pays membres du Conseil de l'Europe, de la Russie à la Grande-Bretagne, en passant par la Turquie et l'Azerbaïdjan.
Cette convention aborde des droits aussi fondamentaux que la liberté de la presse, le droit au respect de la vie privée ou le droit à la vie. Ce qui peut amener la CEDH à se pencher sur des questions éthiques comme les droits parentaux des homosexuels, la gestation pour autrui (GPA), l'euthanasie ou le suicide assisté.
Elle ne peut statuer qu'une fois qu'un citoyen a épuisé tous les recours juridiques dans son propre pays. Ses arrêts sont susceptibles d'être renvoyés devant la Grande chambre de la CEDH, dont les décisions, définitives, s'imposent alors au pays concerné.
Celui-ci est alors contraint d'adapter sa législation à la jurisprudence de la CEDH pour éviter de nouvelles condamnations, ou d'offrir un nouveau procès au requérant.
Dans l'attente d'un arrêt au fond, l'institution qui siège à Strasbourg a également le pouvoir de décider des mesures provisoires, lorsqu'il "y a un risque réel de dommages graves et irréversibles", notamment lorsqu'un requérant est sous le coup d'une procédure d'expulsion ou d'extradition vers un pays où ses droits seraient menacés. C'est également dans le cadre d'une telle procédure qu'elle a demandé en juin 2014 le maintien en vie du tétraplégique Vincent Lambert.
En France, la jurisprudence de la CEDH a conduit les autorités à interdire la fouille intégrale systématique des détenus, ou à organiser un nouveau procès d'assises, en avril, pour Maurice Agnelet, à propos duquel la CEDH avait jugé en janvier 2013 que les précédentes condamnations aux assises n'avaient pas été suffisamment motivées.
Et le 19 juin prochain, le procureur général de la Cour de cassation va recommander à la haute juridiction d'infléchir sa position sur la GPA à la suite d'arrêts de la CEDH, qui avait estimé que la France ne pouvait refuser d'inscrire à l'état civil les enfants nés par GPA à l'étranger.
A la suite d'un arrêt rendu en 2002, le Royaume-Uni a été contraint d'instaurer un mécanisme grâce auquel un transsexuel peut demander un certificat de reconnaissance de son sexe et ainsi obtenir le droit de se marier.
La plupart des Etats de droit signataires de la convention se conforment aux arrêts de la CEDH. Mais il se peut aussi qu'un Etat s'y refuse, à l'instar du Royaume-Uni, qui a été condamné en 2005 pour le retrait du droit de vote aux détenus et n'a toujours pas réformé sa loi.
C'est le comité des ministres du Conseil de l'Europe qui fait régulièrement le point sur l'état d'exécution des arrêts de la Cour par les Etats membres, et qui prend ensuite des décisions pour faire pression sur eux.
Parmi les pays les plus visés par des requêtes devant la CEDH figurent généralement l'Ukraine, l'Italie ou la Russie.