Publié le 05 juin 2015 à 19h00
Mis à jour le 08 décembre 2020 à 05h40
Il est sur TF1 une omission récurrente, aussi récurrente que l’actualité des déboires d’Areva. A chaque fois que le 20 heures de Gilles Bouleau énumère les causes de la déchéance de l’autoproclamé numéro 1 mondial du nucléaire, sont cités « la perte de nombreux contrats », « la catastrophe de Fukushima », « les investissements hasardeux » — un euphémisme pour l’édifiant scandale Uramin, objet d’une remarquable enquête de Pièces à conviction sur France 3 en décembre denier.

Olkiluoto a bon dos. « Son nouveau réacteur de troisième génération », Areva le construit aussi à Flamanville, dans le Cotentin, pour une mise en service prévue… en 2012 ! Et pour un coût de 3 milliards d’euros… devenus 9 milliards (!) au fil des mésaventures du chantier, aujourd’hui menacé par les déficiences de la cuve du réacteur. Pourquoi donc TF1, si soucieuse de proximité et de bonne gestion, préfère-t-elle l’exemple scandinave à cet emblématique raté national, sensé fournir de l’électricité aux Français ? La réponse se trouve (notamment) dans ce sujet du JT de France 2 consacré au procès de Bouygues, maison mère de TF1 jugée en mars à Cherbourg pour « travail dissimulé » sur le chantier de l’EPR de Flamanville. Une nouvelle, c’est de bonne guerre, dont il n’a pas été fait mention sur TF1.

« On disait que la filière nucléaire française était excellente, qu’elle était l’une des meilleures du monde, est-ce qu’elle va survivre ? », s’inquiète à nouveau Gilles Bouleau, jeudi soir. « On a une chance, le rassure François-Xavier Pietri, c’est que le marché du nucléaire, il est assez gigantesque. Rien qu’en Chine, on compte à peu près 130 réacteurs qui vont être construits dans les années qui viennent, plus de 300 dans le monde. Le marché est là. » Il n’y a qu’à se baisser pour le ramasser.

Cette comptabilité euphorique m’en rappelle une autre. En 2009, menant une enquête pour Télérama, je rencontrais Jacques-Emmanuel Saulnier, porte-parole d’Areva (qui, après des années passées à revendiquer l’absence d’émissions de CO2 de l’électricité nucléaire, est parti exercer ses talents chez… Total). Le fidèle d’Anne Lauvergeon m’expliqua qu’une centaine de réacteurs seraient construits d’ici 2020, Areva ayant l’ambition d’en rafler une vingtaine… Fukushima est passée par là, il n’y aura certainement pas cent nouveaux réacteurs en service d’ici cinq ans. Et Areva n’en aura vendu qu’une poignée. Pourtant, les industriels du nucléaire continuent à prédire un avenir radieux à la filière — et TF1 avec eux.


L’apothéose. Evoquant le projet du gouvernement de réorganisation de la filière, un journaliste rapporte : « L’Etat fait voler en éclats l’architecture du groupe »… et la centrale nucléaire servant d’illustration explose ! Souhaitons que cette catastrophe nucléaire soit aussi virtuelle que les informations de TF1.