Chaque matin à 8h24, Hervé Gattegno, rédacteur en chef (Enquêtes/Investigation) à Vanity Fair, décrypte avec impertinence l’actualité politique dans la matinale de Jean-Jacques Bourdin sur RMC.
Le congrès du PS s'ouvre aujourd'hui à Poitiers dans une relative indifférence puisqu’il n’y a plus vraiment d’enjeu. Votre parti pris : avec Hollande, même le PS est au chômage ! Que voulez-vous dire ?
Le congrès du PS ne risque pas de passionner les foules : il ne passionne même pas les socialistes ! Tout est joué d’avance puisque la motion majoritaire (celle de Jean-Christophe Cambadélis, soutenue par François Hollande, Manuel Valls et tous les ministres et la plupart des barons du PS) a été largement majoritaire. Donc il n’y a plus d’enjeu de personne, ni de contestation sur la ligne gouvernementale, ni même de discussion sur l’opportunité d’une primaire pour 2017. En fait, le PS s’est condamné lui-même à suivre sans rien dire, sans débattre ; autrement dit : il est au chômage technique – et ces chômeurs-là ne sont pas comptabilisés dans les statistiques…
Vous dites qu’il n’y a plus de discussion sur la ligne politique : ça veut dire que tout le monde est vraiment d’accord ou qu’on a fait taire provisoirement les désaccords ?
Les désaccords subsistent – il y en a beaucoup, surtout sur ce qui est le cœur de la politique de François Hollande et de Manuel Valls : les aides aux entreprises. Il y en a aussi sur l’Europe, l’école, la fiscalité, la sécurité… Rien de tout ça n’est réglé. Ce que Jean-Christophe Cambadélis a fait pour mettre tout le monde d’accord, c’est qu’il a mis des idées de toutes les tendances du PS dans sa marmite pour faire un texte qui mélange tout mais n’engage personne – je connais des ministres qui l’ont signé et qui ne l’ont même pas lu… En fait, les seuls litiges qui ne sont pas mis entre parenthèses portent sur le contrôle des fédérations socialistes et les places sur les listes pour les régionales : des rivalités d’appareil plus que des débats d’idées…
Le discours de Manuel Valls est attendu samedi : il devrait réaffirmer sa volonté de poursuivre les réformes. Est-ce que c’est encore possible ?
Tout dépend ce qu’on appelle une réforme. Manuel Valls a renoncé à toucher au contrat de travail et aux seuils sociaux, la réforme fiscale est au mieux pour 2017, le statut des intermittents sanctuarisé… Comparé aux proclamations énergiques d’il y a un an et demi, le bilan est très modeste. Sauf que cette fois, Manuel Valls ne sera probablement pas chahuté (il avait été sifflé en 2014 après sa visite au Medef) et la loi Macron, qui revient à l’Assemblée, a des chances d’être votée sans 49.3. Les seuls chantiers que Manuel Valls peut encore ouvrir sont ceux qui ne risquent pas de diviser le PS (comme le travail du dimanche) ni de chambouler l’électorat de gauche (comme la réforme du collège) – autant dire que Manuel Valls voyait large mais que maintenant, la voie est étroite…
Au total, est-ce que vous diriez que le PS est plus hollandiste que Les Républicains ne sont sarkozistes ?
Pas vraiment. La droite est moins divisée que les socialistes sur les idées et sur la ligne politique – ce sont surtout des rivalités personnelles qui la travaillent. Au PS, il y a des fractures profondes qui se doublent de critiques vigoureuses contre François Hollande, mais personne ne veut prendre le risque d’une débâcle en 2017. Donc ce n’est pas une conversion au social-libéralisme, ni même au hollandisme, c’est une soumission au présidentialisme. Le paradoxe, c’est que Nicolas Sarkozy est un chef mais il est à la tête d’une troupe dispersée ; alors que François Hollande, qui est beaucoup moins reconnu comme un chef, a derrière lui un parti discipliné.